Le banc : cinéma

Croire en soi pour sauver son village

Avec Le garçon qui dompta le vent, Chiwetel Ejiofor narre la success story inattendue d’un garçon de 13 ans. Au-delà de cela, il raconte une histoire profondément humaine, celle d’un village sauvé, d’une famille qui se retrouve et de l’espoir distillé à tout un peuple.

Adapté du livre autobiographique de William Kamkwamba, Le garçon qui dompta le vent narre donc l’histoire de ce jeune homme devenu ingénieur pour sauver son village, et même toute une région, d’une fin tragique. Issu d’un petit village du Malawi, William (Maxwell Simba) a enfin la possibilité de rejointe l’école, moyennant finance, pour envisager un avenir fait de potentielles hautes études. Seulement voilà, rapidement, les problèmes s’enchaînent : son père, Trywell (Chiwetel Ejiofor) n’a plus les moyens de payer, et William risque de se faire exclure. Sans compter la sécheresse qui s’abat sur le pays, créant une famine sans famine précédent. Le scénario n’est pas facilité par les problèmes de gouvernement, qui ressemble de plus en plus à une forme de dictature. Entre mensonges et manipulations, les conséquences pourraient être terribles et irréversibles. Mais William a l’idée de construire une éolienne, après avoir vu cela dans un livre. Et si c’était l’idée qui pouvait sauver le village ? Oui mais, pour cela, il reste de nombreux obstacles à surmonter.

Une success story inattendue

Trywell, en tant que chef de famille, doit être celui qui subvient aux besoins de sa famille, la guide et la sauvera face aux coups durs. La tâche est donc ardue pour lui, qui a une sacrée pression sur les épaules. Sans compter que Trywell a de nombreuses convictions et les agissements du gouvernement, avec ses propositions financières douteuses auxquelles nombre de ses voisins succombent, n’aident en rien. Car Trywell est très attaché aux terres de ses ancêtres. Et même s’il se détache de certaines traditions, celle-ci passe avant tout. Voilà qui en dit long sur sa mentalité, et celle de ceux qui lui ressemblent, au-delà de l’histoire de son fils. On en comprend ainsi plus sur la manière dont il a été éduqué et quel est le rôle des hommes dans sa culture. Un rôle que finira d’ailleurs par lui reprocher son épouse Agnes (Aïssa Maïga), alors que la famille commence à se déliter et que Trywell peine à faire face. Même si elle parle en général peu, ses paroles sont toujours pleines de sagesse et de vérité, en témoigne ce qu’elle dit au directeur de l’école, lorsque tout se délite, que le gouvernement a tabassé le chef du village, que l’école doit fermer, fautes d’élèves et de professeurs, et que beaucoup ont abandonné tout espoir :

« Quand nous nous sommes mariés, nous nous sommes promis que jamais nous ne ferions de prières pour attirer les pluies comme nos ancêtres le faisaient. Nous avons affirmé que nous étions des gens modernes et que nos enfants iraient à l’école. […] Même s’ils priaient pour la pluie, nos ancêtres survivaient, parce qu’ils se soutenaient entre eux. Quand va-t-on se soutenir, monsieur le directeur ? »

Quant à William, il doit évoluer au milieu de tout cela, se construire en tant qu’homme, futur chef de famille et potentiel mari et père. Il se retrouve tiraillé entre le respect qu’il doit – et a – envers son père et les traditions d’un côté, et les espoirs, avec cette assurance qu’il que son idée peut sauver tout le monde, de l’autre. William ne pourra d’ailleurs avancer que lorsqu’il comprendra que les deux ne sont pas incompatibles. En ce sens, Le garçon qui dompta le vent propose une belle leçon de vie. Celle-ci est d’ailleurs symbolisée par un magnifique dialogue qu’il entretient avec son père, sur le respect qu’il lui porte, et sa tentative de le convaincre de lui faire confiance. On évoquera d’ailleurs ici la répartition du temps du film : alors qu’on sait déjà de quoi il est question et de l’invention de William, dès le début, la majeure partie du film traite de ce qui l’a conduit à cette situation. On y voit toutes les difficultés auxquelles lui et son pays sont confrontés, son parcours, à travers l’école et la rencontre avec un professeur qui changera beaucoup de choses, ainsi que la relation conflictuelle avec le gouvernement, qui conduira à certaines tragédies. De quoi se construire dans l’adversité et la difficulté.

Une histoire humaine avant tout

Le garçon qui dompta le vent permet aussi d’illustrer des manières de fonctionner totalement différentes de celles qu’on connaît en Occident. Par ce biais, il invite à une forme de décentrement de relativisation. Surtout, le film centre son propos sur l’humain. On y voit toutes les relations s’y développer, au sein du village, mais aussi et surtout au sein de la famille de William. Il y a l’histoire de sa sœur Annie (Lily Banda) et la relation qu’entretient celle-ci avec son ancien professeur Mike Kachigunda (Lemogang Tsipa). En filigrane se développe également son parcours et sa volonté de rejoindre l’université, ce qui s’avère compliqué pour une fille à ce moment-là. Les inégalités entre femmes et hommes sont ainsi évoquées subtilement à travers cette histoire complexe, et qui englobe bien plus de personnages que le seul William. Concernant les relations humaines, il y a aussi celle entre un père et son fils, avec la peur du premier de perdre le respect, et l’admiration qu’a le second pour celui-ci, quitte à se mettre des freins.

De manière sous-jacente à cette histoire, de nombreux thèmes plus larges sont ainsi abordés, sur la vie en général au Malawi, et dans certaines nations voisines, évoquées régulièrement. Finalement, l’histoire de William est aussi celle de sa famille, de son village et même de son pays. On y suit une famille qui se délite et pourrait se déchirer totalement, mais finit par se retrouver, grâce au jeune fils. Ou quand le héros n’est pas toujours celui qu’on attendait…

Fabien Imhof

Référence :

Le garçon qui dompta le vent, réalisé par Chiwetel Ejiofor, Grande-Bretagne, 2019.

Avec Maxwell Simba, Chiwetel Ejiofor, Aïssa Maïga, Lily Banda, Lemogang Tsipa…

Photos : ©Netflix

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *