Les réverbères : arts vivants

Dans l’univers d’Okana

Au Galpon, une marionnette à taille humaine se dévoile à nos yeux dans Le projet d’Okana, une chorégraphie pour automate, danseuse et musicienne. Un moment entre le rêve et l’envoûtement, à voir jusqu’au 3 mars.

En entrant dans la salle, le public se retrouve disposé sur des gradins en hémicycle. Dans la pénombre, on distingue cette marionnette à taille qu’on imagine être Okana. Autour d’elle, une joueuse d’échecs, qui deviendra danseuse (Noémi Alberganti), est en pleine partie, qu’elle enverra bien vite valser. Une accordéoniste (Géraldine Schenkel) est assise. Derrière elle se dresse un piano à queue surmonté d’un drôle d’enchevêtrements de fils, dont on comprendra bientôt qu’il s’agit d’un instrument créé pour l’occasion, Enfin, Padrut Tacchella, le concepteur de la marionnette et du projet est présent, en salopette, dans le rôle du marionnettiste constructeur. Nous trouvons-nous dans son atelier, où l’on aperçoit toute la machinerie ? La pénombre et l’absence de mots nous évoquent plus une forme de rêve, dans lequel tout tourne autour d’Okana, du rapport qu’on crée avec elle, ce qui va en surgir et comment elle répondra aux agissements de chacun·e…

Quelque chose d’envoûtant

Le projet d’Okana est un spectacle sans mots. Difficile d’ailleurs d’en mettre dessus, car tout se passe dans nos ressentis. Sans intrigue ni narration, ce sont nos impressions et nos émotions qui nous guident. Il y a bien quelques éléments concrets qu’on pourrait raconter : la partie d’échecs, qui se transforme en un échec, les interactions entre la marionnette, la danseuse et la musicienne, que cela soit par le biais de la musique, du corps et d’objets comme les cases de l’échiquier redevenues simples cubes de bois… Okana paraît inaccessible, difficile à comprendre. La danseuse est d’ailleurs intriguée, elle teste de mouvements et autres interactions. De notre œil extérieur, on perçoit que quelque chose est en train de se produire, sans pouvoir vraiment mettre le doigt sur quoi.

C’est dans cette forme de tensions que nous sommes emmené·e·s, envoûté·e·s par cet automate qui bouge presque comme un être humain, avec sa respiration grinçante… Selon les interventions de son environnement, la marionnette réagit, reproduisant les mouvements de la danseuse avec la même fluidité, ou se laissent embarquer par la musique, comme on pourrait nous-même le faire. En retour, elle semble elle aussi influer sur son environnement, si bien qu’on ne sait parfois plus trop si c’est elle ou la danses qui mène le bal… On fait face à quelque chose d’inédit, d’inattendu. De nombreux petits rires fusent, tant on voit les différents protagoniques agir comme des enfants face à la nouveauté, avec leurs gestes mal-assurés et cette crainte toujours présente…

Imaginer de nouvelles relations

Le contact est d’abord cherché par la danseuse, très intriguée, qui distingue des fils sans bien comprendre l’influence qu’ils sont sur la marionnette. Très vite, la recherche laisse place à une véritable interaction entre les deux, avec un dialogue des corps. Si bien qu’on ne sait plus trop qui influence qui, qui reproduit les mouvements de l’autre. On se retrouve comme dans un va-et-vient où les deux se répondent, apprennent l’une de l’autre, sous le regard du marionnettiste. Ce dernier se tient en retrait, comme s’il vivait un rêve. Car ce Projet d’Okana, c’est bien en quelque chose le rêve de Padrut Tacchella, qui apprend tant de ses marionnettes.

Il en va de même avec la musique : on a l’impression d’une recherche constante, voire d’un échange entre le corps de la marionnette et les sons produits par la musicienne. On semble alors apprendre de cet être inanimé qui se met en branle. Il y a comme une forme de paradoxe, avec cette machine contrôlée par l’homme et qui semble avoir plus à nous en apprendre que l’inverse…

Au final, Le projet d’Okana semble, à travers tout ce qu’il montre sans mots, nous enjoindre à envisager d’autres possibles, d’autres types de relations, où le silence prendrait sans doute beaucoup de place, pour laisser à chacun·e le temps de faire sa propre interprétation du spectacle et de la vie en général…

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Le projet d’Okana, de Padrut Tacchella, du 22 février au 3 mars 2023 au Théâtre du Galpon.

Conception, scénographie et recherche : Padrut Tacchella

Avec Noémi Alberganti, Géraldine Schenkel, Padrut Tacchella et la marionnette Okana.

https://galpon.ch/spectacle/le-projet-dokana/

Photos : ©Erika Irmler

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

Une réflexion sur “Dans l’univers d’Okana

  • Padrut Tacchella

    Merci Fabien pour votre article, touchant le centre de cette création.
    Padrut

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