Les réverbères : arts vivants

Dans une queue de comète

De l’importance d’être bien accompagné – La bonne adresse de Marc Camoleti – par la troupe amateur Art-Ken-Ciel – au Théâtre des Grottes du 27 novembre au 8 décembre 2024.

La bonne adresse. C’est un grand classique du théâtre de boulevard où les scènes de complications défilent comme les figures d’un manège. L’intrigue générale part d’annonces publiées au style télégraphique, soit avec des réductions orthographiques extrêmes, ancêtre du langage texto d’aujourd’hui. S’ensuiventles imbroglios caractéristiques du style. C’est une pièce efficace dont on sent en filigrane la trame de Boeing Boeing, la pièce de tous les records du genevois Marc Camoleti.

S’approprier une pièce de boulevard, s’inscrire dans la queue de comète d’un tel succès qu’est La bonne adresse est audacieux. Certes, les étincelles des dialogues sont séduisantes, les situations tentantes, cependant, à l’image d’une pièce de Feydeau, ce sont des textes qui demandent  une mécanique parfaitement huilée. Et pour cela, il faut que les comédien·ne·s soient bien accompagné·e·s.

Dans la version proposée par la compagnie Art-Ken-Ciel, force est de constater que l’enthousiasme et le plaisir évident des gens de scène ne sont pas au bénéfice du travail des gens de coulisses. Il y a ici un manque d’encadrement et c’est bien dommage. À l’image du décor qui aurait mérité plus de soin dans son fond et sa forme. La disposition scénique qu’il propose, aurait dû offrir plus d’espace pour plus de fluidité dans les déplacements des personnages.

D’autre part, les accessoires sont anecdotiques et ne servent pas vraiment le jeu. Quant à l’ouverture de scène, celle du Théâtre des Grottes étant réduite, le choix de placer deux panneaux à jardin et cour impose encore une fois des déplacements étriqués, ce qui doit être inconfortable. Au foyer du théâtre, la chose était évoquée.

La troupe bénéficie d’une mise en scène sans vraiment d’originalité avec çà et là, de jolis moments de mouvements et un final intéressant et dansant. Le plaisir de jouer est évident et chacun·e. évolue sur les planches avec une égale joie. Mention pour le rôle de Spartacus (Eric Breuils) à l’aisance scénique évidente.

Les situations sont assez bien servies par la troupe, portant ainsi une atmosphère générale qui fonctionne ; les rires dans la salle le prouvent, aux passages des quatre situations cocasses où les quiproquos sont l’essence même de l’écriture.

À noter, la mise à (presque) nu des personnages masculins, ce qui n’est pas si évident, même si cela fait partie du « métier ». Quoi qu’il en soit, la caractérisation des personnages navigue dans les clichés. Elle aurait pu recevoir, elle aussi, plus de justesse et de finesse. Une double qualité que la troupe saurait porter et défendre sans nul doute.

Dans tout historique artistique, il y a des fluctuations et personne n’échappe à cette règle. La troupe Art-Ken-Ciel possède suffisamment d’énergie pour donner à son public, de futurs spectacles plus aboutis.

Cette troupe demeure une bonne adresse.

Jacques Sallin

Infos pratiques :

La bonne adresse, de Marc Camoleti, par la Compagnie Art-Ken-Ciel, au Théâtre des Grottes, du 27 novembre au 8 décembre.

Mise en scène : Jean-Pierre Passerat

Avec Marta Bertuzzi, Monika Thoma, Valérie Leleu, Catherine Szuts, Eric Breuils, Frédéric Ballenegger, Laurent Bühlmann, John Trocelli, Eric Salvador

AKC

Photos : © Paola Poroli

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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