De la légèreté, de la terre au ciel
Avec La crise de l’imagination, le Théâtre Am Stram Gram et la compagnie catalane Rauxa invitent grand·e·s et petit·e·s, dès deux ans, à partager un moment poétique mêlant danse, acrobatie, marionnette et manipulation d’objets. C’est beau, c’est drôle et c’est à voir du 1er au 9 février.
Une invitation à imaginer
Au plateau, une échelle, deux comédien·ne·s-danseur·euse·s-acrobates (Xavi Sànchez et Analia Serenelli), une veste trop grande, un violon, deux archets au crin très effiloché et de blanches créatures aériennes. Durant 45 minutes, La crise de l’imagination nous emmène à travers plusieurs tableaux pluridisciplinaires, presque surréalistes. Ces univers drôles et attendrissants créent chez le jeune public rires et applaudissements, et viennent réveiller chez les adultes une nostalgie des jeux de l’enfance; de ce temps où toute chose pouvait se révéler être une invitation à jouer, à imaginer.
Une imagination légère, légère, légère…
Tout au long de la pièce, on retrouve des paires aux apparences antagonistes : le haut et le bas, la terre et le ciel. Mais, au-delà des a priori, c’est peut-être bien là que se loge une possibilité créatrice, à l’image de l’échelle présente dès l’entrée public : les deux pieds posés sur le plateau pour nous permettre de toucher le ciel. La légèreté, qui n’est jamais loin d’une envolée, n’est pourtant possible, dans cette performance, qu‘à partir d’un ancrage au sol. Ainsi, la marionnette à vent, dont la tête est faite à partir d’un ballon de baudruche, prend vie – avec tellement de poésie – par la rencontre de forces, que l’on pensait peut-être contraires : ses pieds lestés, juste ce qu’il faut pour toucher le sol, et la tête légère et aérienne. C’est au cœur de cette complémentarité que naît la magie du mouvement, en écho avec les danses et acrobaties des artistes, où le corps de l’une devient pour l’autre appuis et possibilités infinies de rebondissements.
Le lien par l’imagination
Ce lien fort, tissé de confiance et de complicité, entre les deux danseur·euse·s-acrobates au plateau est contagieux avec la salle. Très vite, grâce notamment à leur talent comique, le public devient complice des personnages, et n’hésite pas à interagir avec des cris nés du cœur et du ventre. Quelle joie d’assister à un tel spectacle en présence de ce jeune public, si sincère dans ses réactions. Et l’imagination, n’est-elle pas aussi le noyau même de la relation à l’autre, un des ingrédients nécessaires à l’empathie ? Je profite de ces lignes pour glisser, un merci à mon jeune voisin, qui n’a pas hésité une seconde à taper sur l’épaule de son camarade placé devant moi (qui se levait sans cesse), très soucieux que je puisse bien voir le spectacle. C’est cela aussi l’imaginaire et le théâtre, une expérience à vivre ensemble et à partager.
L’imagination qui métamorphose
Cette pièce, bien qu’elle soit poétique, drôle et légère, plonge par moments également dans des parts d’ombres. Il n’est pas question de duper les enfants, bien au contraire, ni même de nous faire croire que l’imagination peut tout guérir. Cependant, peut-être peut-elle devenir une force de métamorphose et de réconfort. Jamais elle ne disparaît tout à fait, toujours prête à naître à nouveau en éclatements de paillettes ou dans l’envol d’un oiseau.
Au coeur de cette pièce, telle une respiration ou les battements d’un cœur, se love le mouvement, qu’il soit frémissement ou danse, il est l’imagination.
Charlotte Curchod
Infos pratiques :
La crise de l’imagination, Rauxa Cia, du 1er au 9 février au Théâtre Am Stram Gram.
Ecriture : Xavi Sànchez et Analia Serenelli
Avec Xavi Sànchez et Analia Serenelli
Musique : Jesùs Acebedo
https://www.amstramgram.ch/fr/programme/la-crise-de-limagination
Photos : © Rauxa © Gabriel Merz