Les réverbères : arts vivants

Il faut tant de poésie pour se battre contre des moulins !

Quichotte & Pança, ont fait une halte du 29 janvier au 1er février au Théâtre de l’Étincelle à la Maison de quartier de la Jonction. Le spectacle n’a pas encore commencé, que déjà les deux histrions haranguent les spectateurs.ice.s et les embarquent dans leurs tribulations picaresques. Sans savoir si c’est du lard ou du cochon, ils sont embarqués tambour battant dans l’aventure.

Quichotte, un grand flandrin dégingandé (Quentin Lepot) et son acolyte (Dorian Giauque) rondouillet, grognon, toujours affamé, trottent l’un sur son cheval, l’autre sur son âne. Juchés sur des tabourets qui leur servent de montures, ils cavalcadent dans la pampa affrontant tous les dangers.  Les grands draps épais qui jonchent le sol défilent sous les sabots des équidés. On sent la poussière et la chaleur accablante de cette Espagne aride et asséchée. Un casque trop grand flotte sur la tête de Quichotte et tombe sur ses yeux mais, c’est fermement et avec beaucoup d’emphase, qu’il poursuit sa route pour aller sauver ceux et celles qui ont besoin de lui et défendre les causes qui lui semblent justes et bonnes !  Pança rechigne, traîne, ronchonne, tente de raisonner et dénonce les rêves de son compagnon mais il suit, convaincu par la bonne et noble âme de Quichotte.

Partis pour une quête existentielle, les deux compères prennent tous les risques et mènent toutes les batailles naviguant entre idéal et trivial. Chevalier enthousiaste et heureux, Quichotte se bat contre des moulins qu’il croit être des géants. Il les combat vaillamment, goûtant l’aventure comme un devoir, et inversement. Il se sent investi d’une mission universelle, mais sait-on laquelle exactement ?! Au demeurant la seule chose qui importe c’est d’exister, mener des batailles pourvu qu’elles soient nobles, et revoir la belle de ses pensées, Dulcinée, une paysanne rayonnante qu’il n’a en fait jamais vue et qui semble être le produit de son imagination fertile.

Dorian Giauque et Quentin Lepot sont aussi excellents l’un que l’autre dans leur rôle respectif. Au galop sur son tabouret, ses yeux bleus écarquillés perdus dans le lointain, Quichotte est obsédé par l’aventure, le besoin de justice et l’amour qu’il ressent pour Dulcinée. À ses côtés, son écuyer Pança chevauche son âne-tabouret  et caracole dodelinant de la tête. Il est le parfait négatif de Quichotte. L’un plane, l’autre tente de le ramener à des considérations plus terriennes comme manger et boire.  Ils forment une paire touchante et hilarante.  Les deux comédiens revisitent le roman de Cervantes avec beaucoup de drôlerie ainsi que quelques jeux de mots faisant référence au contexte actuel.

Quichote et Pança c’est l’éloge d’une douce folie confrontée à la raison qui au fond ne demande qu’à plier devant les délires de l’imaginaire. C’est aussi une forme d’hymne à l’amour sous toutes ses formes qui, lui seul, vaut toutes les batailles.

Depuis sa parution en 1605, (pour la première partie), Don Quichotte, le roman de Miguel Cervantes, a été découpé, tranché, analysé, fouillé, au microscope, de haut en bas et en diagonale par les exégètes, les historien.enne.s et littérateur.trice.s de tout poil. Il a été désigné comme le premier roman « moderne » en ce sens qu’il casse les frontières de son genre pour y laisser rentrer simultanément d’autres catégories littéraires.

On a cherché la raison de son succès universel et toujours renouvelé alors que le roman est profondément ancré dans une époque, un terroir, un concept.  La vérité c’est que Don Quichotte, c’est l’adulte qui refuse de grandir, c’est le naïf voulant défendre les justes causes, celui qui ne craint pas le ridicule et dont la douce folie altère l’ennuyeuse raison.  Il ne peut que rappeler à tout un chacun.e son humanité la plus authentique et cela, au-delà des siècles, des mœurs et des modes.

Katia Baltera

Infso pratiques :

Quichotte et Pança, par la compagnie 2KPDP du 29 janvier au 1er février à l’Etincelle – MQJonction. La compagnie reprend le spectacle au Théâtre Sion Comico du 1er au 4 mai 2025.

Mise en scène : Dorian Giauque, Quentin Lepot, Sara Uslu

Avec Dorian Giauque (Quichotte) et Quentin Lepot (Pança)

https://www.leprogramme.ch/theatre/quichotte-panca-cie-2kpdp/geneve/l-etincelle

Photo : © 2KPDP

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *