Les réverbères : arts vivants

Des improvisations tout en folie

C’est avec un concept pseudo-scientifique que la Cie Confiture lance sa saison. Dans Les plus folles inventions, trois improvisateur·ice·s s’appuient sur des mots, objets et livres proposés par le public, pour proposer des sketchs inventés sur le moment, avec ou sans valeur scientifique.

Dans le foyer de la Salle Centrale de la Madeleine, trois personnes en blouse blanche déambulent parmi le public. Il s’agit d’Oriane Joubert, Philippe Cohen et Julien Opoix, nos trois scientifiques du soir. Iels demandent à chaque spectateur·ice d’écrire un mot, avec leur prénom, sur un papier, et éventuellement de leur prêter un objet insolite et/ou un livre pour le temps du spectacle. Sur la scène, iels associeront à chaque fois deux mots, s’inspireront de citations des livres ou s’empareront des objets pour créer un sketch improvisé. Difficulté supplémentaire : Oriane Joubert, la maestra du soir, aura demandé à certain·e·s spectateur·ice·s de choisir des morceaux musicaux parmi une grande sélection, qu’elle interprétera au piano pour accompagner les improvisations. Nos scientifiques, plutôt que de présenter des théories aussi farfelues soient-elles, s’apparentent ainsi plus à des expérimentateur·ice·s de la rime. Et nous voilà parti·e·s pour 1h30 de spectacle.

La folie au rendez-vous

La promesse était belle, dès le titre du spectacle. Les plus folles inventions, avec un trio tout à fait prometteur. Spoiler : on n’a pas été déçu·e ! Les improvisations se sont enchaînées, à commencer par une distribution de châtaignes par deux coachs qui nous ont vendu la boxe comme un sport particulièrement cérébral et mental. Il faut dire que le second mot tiré au sort, ditriabe (la personne a-t-elle voulu écrire « diatribe » ou piéger nos deux improvisateurs ?), ajoutait une certaine difficulté. Par la suite, on a pu assister à un rap, sur un air de Dr. Dre, autour de Cunégonde, une chercheuse du CERN qu’il ne faut pas trop chercher ; un sketch autour d’un fouet de cuisine multifonctions, dont certaines particulièrement improbable ; l’histoire d’un jeune homme trop petit qui, après avoir apporté à la déchetterie les cornichons de l’épicerie familiale (au risque de faire couler l’affaire) s’est lancé avec succès dans la politique ; ou encore l’histoire d’un village où ne vivent que des personnes âgées, avec une maison de retraite où la moyenne d’âge frôle les 100 ans, le tout grâce à un extrait de By heart de Tiago Rodrigues…

Vous l’aurez compris, à partir des mots et des objets, tous les coups étaient permis ! Dans cette folie improvisatrice, il fallait aussi compter sur la complicité des improvisateur·ice·s, qui doivent non seulement réagir aux gestes et aux paroles de l’autre, mais aussi à la musique jouée par Oriane Joubert. Ce qui ne constitue pas une mince affaire, surtout lorsque Julien Opoix oblige Philippe Cohen à jouer un personnage à la longue chevelure, ou qu’Oriane Joubert choisir d’innover en manipulant les cordes sous son piano, changeant totalement les tonalités proposées. Il faut s’adapter rapidement, changer parfois de direction en plein sketch, sans oublier le matériau de base – les petits trous de mémoire quant aux mots en jeu donnent d’ailleurs lieu à des moments hilarants. N’oublions pas, là-dedans, le rôle des lumières, qui doivent elles aussi suivre l’improvisation, donner une certaine couleur au propos selon l’angle choisi par les improvisateur·ice·s. Malgré tout cela, tout a globalement très bien fonctionné !

Jouer avec la musique

Nous l’avons évoqué, la musique prend une place importante dans ce spectacle. Oriane Joubert et son piano constituent donc une part essentielle. Sélectionnant un morceau parmi ceux choisis par le public, pour chaque improvisation, elle impose parfois un certain rythme à ses deux compères, ou les force à chanter par-dessus la musique. C’était le cas avec Dr. Dre, mais aussi avec l’avant-dernière improvisation, où Philippe Cohen et Julien Opoix ont improvisé une chanson sur un chantier et un ouvrier qui boit un peu trop. Peut-être mon coup de cœur de la soirée ! Mais mon avis est sans doute biaisé, l’un des deux mots étant le mien (et non, je ne travaille pas sur les chantiers, et mon mot est utilisé dans d’autres domaines que celui-ci).

Après avoir également inventé une histoire du double meurtre de la même tante, à trois mois d’intervalle, en s’appuyant sur le résumé de Tata (de Valérie Perrin), notre joyeuse troupe a terminé la soirée en folie totale, en improvisant deux derniers sketchs, d’abord avec les objets pas encore employés – une clé avec un porte-clef cœur, un phare de vélo ressemblant à un têtard lumineux, des huiles essentielles et un mini-globe… – puis avec tous les mots qui n’avaient pas été piochés. De quoi terminer avec la plus folle des toutes les inventions, et embarquer le public dans leur univers pseudo-scientifico-loufoque et conclure en beauté !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Les plus folles inventions, par la Cie Confiture, du 14 au 19 octobre 2024 à la Salle Centrale Madeleine.

Création et jeu : Oriane Joubert, Philippe Cohen et Julien Opoix

https://theatre-confiture.ch/

Photos : © Michel Marie (photo d’équipe) et ©Cie Confiture (affiche)

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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