Devant le juke-box
La musique rythme nos vies, à toutes et tous. Jusqu’au 17 décembre, le Théâtre du Loup se transforme en plateau digne de Broadway, avec son rideau brillant et ses lumières qui brillent de partout, pour diffuse la Playlist imaginée par Léa Pohlhammer et la F.A.B Prod. Comme un grand juke-box de nos existences.
Tout commence avec Tiphanie Bovay-Klameth en technicienne un peu maladroite, qui tente de chauffer le public avant le début du concert-spectacle. Il nous faut un petit temps avant de comprendre que son texte se compose de paroles de chansons célèbres[1]. Noir. Place à Léa Pohlhammer, dans son habit de lumière : pantalon à paillettes, perruque typique des stars des années 80, gilet avec épaulettes… « Quand la musique est bonne, quand la musique sonne », nous dit-elle en préambule. Pendant quelques minutes, elle évoque, s’appuyant sur diverses paroles, tout ce que peut produire la musique : On joue de la musique, on respire musique, on réfléchit musique, on pleure en musique… S’enchaîneront ensuite des instants autour de la musique, de ce qu’elle véhicule en nous, le tout porté par cinq comédien·ne·s devenu·e·s stars de la chanson le temps d’une soirée. Playlist, c’est un spectacle qui se ressent plus qu’il ne se comprend. Et quel sentiment !
Les doux rêves sont faits de cela
Chacun·e représente une facette emblématique du domaine de la musique. Léa Pohlhammer résonne comme une icône, rassemblant une perruque à la Tina Turner, une veste façon Michael Jackson, avec ses grandes épaulettes, un pantalon à paillettes rappelant ceux de Claude François, et des bottines à talons dignes des membres d’ABBA. David Gobet débarque en crooner-dragueur ténébreux. « Salut, c’est moi que tu cherches ? » demande-t-il à toutes celles qu’il croise. Quant à Catherine Büchi, elle est la femme fatale : on pense à Bonnie Tyler, Kim Wilde ou encore Donna Summer en la voyant débarquer sur scène avec ce débordement de confiance en elle et d’assurance totalement assumée. Tout le contraire de Tiphanie Bovay-Klameth, en fan qui tente de s’immiscer dans ce milieu, en chantant ou jouant du piano maladroitement… jusqu’à ce que la chenille devienne papillon de lumière et qu’elle ne rejoigne les autres telle une diva. Son entrée nous fait alors penser à un mélange de Dalida, Beyoncé et Céline Dion. Au fond, ces filles veulent juste s’amuser. N’oublions pas non plus Pierre Mifsud, en opprimé engagé et revendicateur, digne de Noir Désir, Renaud ou, plus récemment Damien Saez. Pour autant qu’il ne perde pas son sang-froid, mais on lui fait confiance pour cela !
Laissons la musique parler
Les transitions entre les scènes sont amenées subtilement, par un noir, un fondu enchaîné, une chorégraphie, des notes de piano ou de synthé, des paroles… La construction du spectacle nous donne un joli panorama de ce qui peut se faire dans la musique, sur un album comme en concert. Les arrangements d’Andrés Garcia sont à cet égard particulièrement bien imaginés : il parvient à recréer un univers rappelant les années 80, tout en amenant des touches des périodes qui ont suivi, comme pour illustrer que cette Playlist est un panel infini et large. On retrouve ainsi des rythmes et mélodies connu·e·s, mais aussi des revisites plus subtiles, pour lesquelles il nous faut tendre l’oreille afin de les reconnaître. Ce spectacle, c’est tout pour la musique : les effets de voix sont également travaillés, entre réverb pour donner de la profondeur au chant, ou encore autotune pour donner à la voix ce petit grain synthétique. On voyage alors entre variété, pop, électro, rock, voire même rap…
La vidéo n’a pas tué les stars de la radio
Toute la soirée, on se prend au jeu du blind-test : on cherche à reconnaître les paroles des chansons, souvent traduites, les airs diffusés, les mashups… Et si l’on en retrouve un certain nombre, la frustration demeure pour les quelques-unes qui nous échappent ! On apprécie toutefois la revisite de certains morceaux, et la nouvelle couleur qui leur est donnée. On n’aurait ainsi pas imaginé passer du Sound of Silence de Simon and Garfunkel au I need a hero de Bonnie Tyler, tout en gardant la noirceur de l’ambiance du premier avec les paroles motivantes du second. Qui eût cru que le Qu’est-ce qu’elle a ma gueule de Johnny résonnerait si bien sur un rythme disco ? On est peut-être moins surpris·e que les Dreams de Richard Sanderson et le Hello de Lionel Richie soient utilisés pour draguer comme dans les bars. Ces chansons sont peut-être assez simples, mais maintenant que c’est fait…
Chantez une autre chanson, les gars !
Un nombre incalculable d’icônes de la chanson sont repris dans Playlist. On redécouvre alors autrement certaines paroles d’Elton John, Lionel Richie, Madonna, Europe, David Bowie ou encore Tina Turner. Les chanteur·se·s français·es ne sont pas en reste, qu’il s’agisse de France Gall, Jean-Jacques Goldman, Renaud, Johnny… Même K-Maro et sa Femme like U fait partie du lot ! Alors, au final, en voyant cette incroyable troupe sur scène, on peut se dire que leurs rêves sont (devenus) leur réalité et, qu’enfin, they dit it their way !
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Playlist, de Léa Pohlhammer et F.A.B Prod., du 5 au 17 décembre 2023 au Théâtre du Loup.
Conception : Léa Pohlhammer, en étroite collaboration avec l’équipe artistique
Collaboration dramaturgique et artistique : Tiphanie Bovay-Klameth
Avec Tiphanie Bovay-Klameth, Catherine Büchi, David Gobet, Pierre Mifsud et Léa Pohlhammer
https://theatreduloup.ch/spectacle/playlist/
Photos : © Anouk Schneider
[1] On ne les citera pas ici, pour ne pas vous gâcher le plaisir. Mais on en a nous-mêmes inséré quelques-unes au fil de l’article, présentes ou non dans le spectacle, de manière plus ou moins subtile. Saurez-vous les retrouver ? N’hésitez pas à nous répondre en commentaire.