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Un livre, des critiques… Rhapsodie balkanique (Maria Kassimova-Moisset)

Aujourd’hui, nous vous proposons plusieurs critiques consacrées au même ouvrage : Rhapsodie balkanique, un roman de Maria Kassimova-Moisset.

Ces critiques ont été produites dans le cadre de l’Atelier d’écriture du Département de langue et littérature françaises modernes de l’UNIGE (Université de Genève). Signées par Chiara Glorioso, Anaïs Kovacs et Ibrahim Abloua, elles sont l’occasion d’avoir des regards croisés sur le même ouvrage. Bonne lecture !

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Entre fiction et thérapie

Dans Rhapsodie balkanique, son premier roman, Maria Kassimova-Moisset dépeint la dure réalité d’une famille modeste des Balkans du XXe siècle, déchirée par le deuil, l’exclusion sociale et le caractère fort d’une femme abandonnée de tous : Miriam, surnommée Miya. Optimiste et sûre d’elle, celle-ci semble ne pas vouloir se conformer au monde qui l’entoure, scindé par une diversité culturelle importante. Troisième enfant d’une famille chrétienne, Miya grandit à Bourgas, en Bulgarie, où elle tombe follement amoureuse d’Ahmed qui, lui, est musulman. Cette différence de confession les pousse à s’exiler à Istanbul, où ils espèrent pouvoir vivre leur amour comme ils l’entendent. En faisant le récit bouleversant d’une relation interdite, l’autrice confronte son lecteur à un enjeu qui demeure actuel : celui de la tolérance religieuse.

Au moyen d’une narration entrecoupée de dialogues fictifs avec ses ancêtres paternels, Maria Kassimova-Moisset tente ainsi de reconstruire son histoire familiale, touchante et criblée de questions laissées en suspens. Tout en cherchant à comprendre une histoire singulière, elle rappelle que l’Histoire est nécessairement vécue de manière subjective, et ne se raconte pas d’une seule manière : l’autrice réinvente la vie de ses aïeux par un mélange rhapsodique de souvenirs, de voix et de points de vue divers, pour s’efforcer de leur pardonner leurs choix. Or, en comblant les silences du passé pour comprendre son présent, elle se livre à une démarche d’ordre thérapeutique, de sorte que le lecteur peut regretter d’avoir affaire à une expérience psychologique plus qu’à un roman, qu’il soit fictionnel ou biographique.

Chiara Glorioso

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Un voyage à travers les passions

Miriam est un esprit libre qui vit dans un monde qui n’est pas adapté à elle. Première fille de Theotitsta, femme grecque aux traits durs et tristes, Miriam est une enfant joyeuse qui n’écoute que ses désirs avec une mystique intuition. Vivant dans un village bulgare au bord de la mer, la fillette prend beaucoup de place dans sa famille par sa curiosité, son amour pour sa petite sœur Mila et son caractère bien trempé. En grandissant, cette jeune fille de famille chrétienne tombe follement amoureuse de l’interdit : Ahmed, un musulman vendeur de limonade. Leur amour aux saveurs citronnées et amères leur fait vivre de nombreuses péripéties, dont un voyage jusqu’à Istanbul…

Rhapsodie Balkanique, roman aux soubassements autobiographiques, retrace donc l’histoire de l’impossible émancipation d’une jeune femme dans la société bulgare et turque au XXe siècle. L’autrice bulgare Maria Kassimova-Moisset retrace dans ce premier roman l’histoire aigre-douce de sa grand-mère et transporte le lecteur dans un monde intolérant, mais où la protagoniste impose sa passion de la vie. La narration ponctuée de conversations fictionnelles avec les ancêtres de l’écrivaine-narratrice permet de construire des liens étroits entre les époques et les cultures.

Ce livre est construit de telle manière qu’il est impossible de ne pas se sentir concerné ou touché par la lutte et l’histoire familiale qui s’y jouent. Dans notre société cosmopolite du XXIe siècle, la lutte de Miriam afin d’imposer ses décisions, le choc culturel entre les deux amants, ainsi que le regard de la narratrice posé sur les différentes générations font de la lecture de ce roman un véritable voyage temporel.

Anaïs Kovacs

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Mélodie d’un amour interdit

Rhapsodie balkanique, de Maria Kassimova-Moisset, nous plonge au cœur des Balkans du début du XXe siècle, dans une époque marquée par diverses traditions et superstitions. Au travers de ce roman, l’auteure conte l’histoire de sa grand-mère Miriam, jeune femme bulgare et chrétienne à l’âme aussi indépendante que fantasque, qui brave tous les obstacles et les préjugés de son temps pour suivre son cœur et vivre son amour pour Ahmed, un Turc musulman.

L’histoire, inspirée par les récits de la grand-mère et du père de l’auteure, offre un tableau poignant de la lutte de Miriam pour plus d’indépendance, de son enfance à sa vie d’adulte. L’écriture de Kassimova-Moisset, empreinte de sensibilité et de poésie, nous plonge dans un univers où se mêlent les points de vue des aïeux et celui de l’auteure, plus contemporain.

Le roman se veut ainsi une réflexion sur l’intolérance, les choix imposés souvent difficiles, et la quête universelle de liberté. L’auteure réussit à captiver le lecteur en explorant les détails du quotidien, les émotions des personnages, et en suscitant une réflexion profonde sur notre propre époque.

Rhapsodie balkanique est un roman marquant, traduit avec talent par Marie Vrinat. Il éveille l’empathie du lecteur et le transporte dans les méandres de l’âme humaine. Au-delà de son contexte historique spécifique, ce roman résonne avec notre époque et pose des questions cruciales sur l’amour, la tolérance, et les choix qui jalonnent nos vies.

Ibrahim Abloua

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Référence :

Maria Kassimova-Moisset, Rhapsodie Balkanique, tr. du bulgare par Marie Vrinat, Éd. des Syrtes, 2023, 259p.

Photo : © Ibrahim Ahmad Ablouâ

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