Du lutrin aux planches

Un voyage romantique et épistolaire – Beethoven – Sonates et lettres à son immortelle bien aimée une création d’Alexandre Païta, Théâtre des Grottes, c’était jusqu’au 17 décembre.

Il existe à propos de Beethoven une peinture le représentant face à une de ses œuvres : Portrait de Beethoven, par Karl Joseph Stieler. Visage volontaire, chevelure en bataille et yeux perçants, des traits que partage Alexandre Païta, créateur de ce spectacle.

Ce portait est l’expression même du romantisme ; une philosophie considérée comme une authentique approche de la vérité qui valorise la sensibilité et l’imagination. Empruntant ce chemin qui pousse la passion amoureuse à se cristalliser envers l’être aimé, Beethoven dans ses écrits n’échappe pas à son temps, totalement imprégné du fantasme d’authenticité.  

Un spectacle que porte avec profondeur le comédien Alexandre Païta pour qui Beethoven était aussi une des grandes passions de son père, le renommé chef d’orchestre Carlos Païta. Un homme qui offrait de lui cette image : « Il donnait l’impression de ne pouvoir jouer que la musique qu’il ressent et qui vit en lui. » Un trait de caractère qui est passé du père au fils, du lutrin aux planches.

L’intimité des écrits amoureux s’inscrit dans l’intimité de la scène. Un bureau, quelques fauteuils de velours, un piano. Devant ce dernier Annalisa Stagliano, tout de blanc-crème vêtue interprète avec sensibilité quelques sonates et bagatelles du compositeur amoureux, en alternance avec le texte. Les spectateur·ice·s sont placé·e·s à l’image de la musique, dans une ambiance de théâtre de chambre. Des productions destinées à être jouées dans l’intimité.

« Ton amour à fait de moi le plus heureux et le plus malheureux des hommes. » Beethoven – tel qu’il est interprété – porte envers l’amour une joie éclatante de cœur et toute retenue de corps. L’homme est passionné, brûlant même et bien loin des jappements d’un chien fou. Les mots d’amour sont portés par un homme en souffrance. Beethoven écrit pour celles qui lui tourmentent l’âme, Bettina, Jozefina et pour son immortelle bien aimée dont l’identité demeure encore inconnue à ce jour. « Notre amour peut-il survivre autrement que par des sacrifices ? »

Cependant, ces textes souvent tracés au crayon, à la lumière d’une fenêtre ou d’une lampe, sont écrits par un homme qui connaît les mots comme ses notes. Alexandre Païta exprime les sentiments les plus profonds de Beethoven, comme si ceux-ci venaient de se déposer à l’instant sur le papier, tel que le compositeur devait les entendre en son for intérieur ou à la relecture de ses lettres. Placer le spectateur au-dessus de l’épaule du compositeur à l’instant de l’écrit d’une Lettre à une immortelle bien-aimée, est une expérience singulière.

C’est du théâtre de chambre, un peu linéaire dans son rythme, qui est proposé dans le confort du salon de travail du compositeur. Ainsi, les lectures alternent avec les sonates, et l’on surprend même le Maître au clavier, recherchant pensif les premières notes hésitantes d’une lettre musicale tandis que résonnent en lui les derniers mots d’un écrit adressé à une de ses amours flamboyantes.

Lecture de salon donc, qui propose un puissant spectacle empli de notes et de passions amoureuses.

À jamais à toi. À jamais à moi. À jamais à nous. L.

Jacques Sallin

Infos pratiques :

Beethoven – Sonates et lettres à son immortelle bien aimée par Alexandre Païta, au Théâtre des Grottes du 14 au 17 décembre 2023.

Mise en scène : Alexandre Païta

Avec Alexandre Païta et Annalisa Stagliano

Photos : © Studio Théâtre