Entre microsillon et cassettophone
Toute une époque – Dis-moi oui – Un spectacle de chanson aux Amis musiquethéâtre – jusqu’au 22 décembre 2024.
La chose est annoncée, cela se passait avant… Et même plus encore.
Dès l’entrée dans la salle de spectacle, l’on retrouve une ambiance de kermesse avec des confettis au sol comme aux Fêtes de Genève à l’époque du Corso Fleuri, plus quelques années. En ce temps où les 33 tours s’achetaient chez Torre, les platines étaient des Lenco et les cassettes se remontaient avec des crayons. Ça sent les frites, la bière et au coin de ce bout de mémoire retrouvé, une sorte de radio crochet pour baltringue.
Le monsieur loyal de la soirée (Daniel Mouchet) possède l’allure passée et le ton blasé de celui qui a animé des dizaines de galas de supermarchés, et autant de fêtes à la moule. Naturellement, il est flanqué d’une poulette (Vanessa Dacuña), toute ravie de profiter de son quart d’heure de gloire.
Françoise Courvoisier a pris dans sa mise en scène tout le recul nécessaire des « tu te souviens » pour favoriser des pastiches iconoclastes sûrement plus près des mémoires recomposées de ceux qui ont porté des pattes d’eph et des cols « pelle à tarte ».
Ils seront cinq candidats pour trente chansons, à la recherche d’une gloire d’un soir. Roulez, roulez, ça va chanter !
Ah, le temps a passé, et l’on retrouve le héros de Hair (Jef Saint Martin) ventre en avant, sur l’hymne de cette comédie musicale. S’en suit un crooner (Sacha Maffli) tout droit sorti d’un Rat pack de quartier qui rejoint le monde de Léo Ferré, relayé par un personnage (Pierre Dubey) étonnant, mélange de Gardi Hutter et son nez de souris et de Renaud et son foulard. La surprise est totale. Au micro, c’est la voix de Jane Birkin qui interprète : je l’aime à mourir. Hilarant !
Puis le spectacle avance comme si on puisait dans une pile de 45 tours. De Reggiani à Moustaki, de Mike Brant à Nougaro, puis les Michel : Sardou, Jonas, Delpèche et – comme le disait Bénabar, Michel Leforestier. Les mises en place toujours surprenantes rythment le spectacle à l’image d’une ménagère de moins de cinquante ans qui réclame une dernière étincelle pour flirt avec qui le veut ou un Karl Lagerfeld qui chante du Sardou. Iconoclaste !
Il faut ajouter çà et là des textes seuls tels : Tu veux ou tu veux pas, (Christelle Lurik) à l’ambiance issue d’une récente scène de ménage, Comme d’habitude (Thomas Diebold) entre deux sentiments qui balancent entre accablement et lassitude et Ta tatie t’a quitté comme le récitait si bien le regretté Roger Cunéo. Le plaisir des mots est mis en avant.
Puis, tout bascule. C’est là l’intelligence de Françoise Courvoisier, que d’offrir une rupture dans ce tour de chant de ces paumés du rad. L’animateur s’anime, la nana au micro propose des défis sous forme d’énigmes et voilà l’entier du public qui fouille sa mémoire, sa discothèque d’antan, son juke-box perso : B 32 : San Francisco de Maxime.
On réclame des votes !
Alors, avant de quitter la salle, de quitter l’ambiance baraque à fritte et baloche du samedi soir, le public vote selon son cœur. La salle a gagné, car ici, c’est la magie de la magie a opéré.
Jacques Sallin
Infos pratiques :
Dis-moi oui aux Amis musiquethéâtre, du 10 au 22 décembre 2024.
Mise en scène : Françoise Courvoisier
Avec Sacha Maffli, Floryane Hornung, Pierre Dubey, Jef Saintmartin, Thomas Diebold, Vanessa Dacuña, Daniel Mouchet
https://lesamismusiquetheatre.ch/dis-moi-oui/
Photos : ©Daniel Calderon