Les réverbères : arts vivants

Et dès le premier jour, Simon créa la gentillesse

Être chômeur, enchaîner les échecs, mais ne jamais se décourager : tel pourrait être le credo du héros malheureux des Sept jours de Simon Labrosse. Jusqu’au 19 décembre, découvrez le destin de cet homme aux idées foisonnantes, au Théâtre Alchimic.

Il y a quelque chose de touchant chez Simon Labrosse (Angelo Dell’Aquila). Muni de son chariot et de quelques accessoires, il se présente au public, en compagnie de ses ami·e·s Nathalie (Dominique Gubser) et Léo (David Casada). Pour nous raconter sa vie, il a choisi de la présenter en sept jours, estimant que ce serait bien suffisant. Chaque jour donc, Simon raconte une idée qu’il a eue pour se sortir de sa situation. C’est que ça tourne, dans sa tête. Et Simon a le cœur sur la main : il veut gagner de l’argent pour aider Léo à soigner son traumatisme du cerveau qui l’empêche de prononcer des mots positifs. Quant à Nathalie, qui a le même nom que son amie partie aider les plus démunis en Afrique, elle se concentre avant tout sur le bien-être de ses organes. Tellement qu’elle respire la joie de vivre. Ses deux compagnons, donc, interpréteront les rôles de celles et ceux qui gravitent autour de Simon, du propriétaire insistant au potentiel client mécontent.

À l’inverse de la société

Avant l’entrée en scène des comédien·ne·s, on remarque immédiatement les écrans de télévision disposés en fond de scène et qui constituent l’unique décor du spectacle. Sur chacun d’entre eux sont projetées des images en boucle : pub pour une célèbre boisson caféinée, extraits d’un film avec Marylin Monroe, interview d’un politicien sur une chaîne d’information… Autant de symboles d’une société où beaucoup de choses se passent, mais dans laquelle Simon ne trouve pas sa place. Et pourtant, il ne manque pas de bonne volonté. Toutes les idées qu’il a doivent servir à rendre le quotidien des autres plus facile, plus beau. Sans dévoiler les métiers qu’il invente, on évoquera simplement ici qu’il cherche à décharger ses concitoyens de leurs émotions parfois pesantes, à renforcer leur image parfois négative ou encore à faire en sorte qu’iels ne soient jamais seul·e·s. C’est dans la même optique que, tous les matins, il enregistre une cassette pour son amie Nathalie partie en Afrique, pour qu’elle n’oublie pas sa vie d’avant. Simon, c’est donc un homme qui va à contre-courant de la société : là où l’individualisme prime, il fait preuve d’une incroyable générosité. Le cœur sur la main, dit-on ?

Lutter contre la solitude

Les idées de Simon peuvent d’abord paraître un peu loufoques : d’ailleurs, personne ne veut payer pour les services qu’ils proposent, bien que tout le monde en ait besoin. Et c’est ce décalage entre l’extrême gentillesse de Simon et le côté aigri de celles et ceux qu’il veut aider qui confère au spectacle une réelle dimension comique . Un aspect encore accru par l’opposition entre les deux amis qui l’entourent. Léo s’enferme dans ses poèmes tous plus sombres les uns que les autres (« Il pleut des briques » ou « Je hais… » en disent long sur le désenchantement du monde), alors que Nathalie, toujours optimiste, se soucie surtout du bien-être de ses organes. Car, dit-elle, si on est heureux à l’intérieur, on le sera aussi à l’extérieur. Entre ces trois êtres, si différents, c’est un dialogue avec le monde qui s’instaure. Si Simon est en décalage et ne trouve pas vraiment sa place, les deux autres représentent deux visions, certes un peu extrêmes, mais plutôt réalistes. Le premier est le pessimiste par excellence, celui qui pense que le monde court droit à sa perte et qu’on ne peut rien faire pour le changer. En opposition totale, Nathalie est complètement déconnectée de la réalité et, il faut le reconnaître, un peu trop centrée sur elle-même pour voir que la beauté du monde ne dépend pas que de soi…

Simon tente de faire le lien entre eux. Symboliquement, il est le liant qui manque à nos sociétés modernes. Il représente les valeurs de générosité, de partage et de solidarité. Des élans que l’on a cru voir revenir au début de la crise sanitaire, mais qui se sont bien vite révélés n’être qu’un feu de paille. Et pourtant, Simon ne se décourage jamais. C’est ce qui le rend touchant. Et cet aspect est parfaitement rendu par la douceur qui se dégage du jeu d’Angelo Dell’Aquila. Il représente la bonne intention et la volonté farouche d’améliorer le monde. Une question demeure toutefois : et si, au fond, ce n’était pas lui qui avait le plus besoin de tout cela ? Car même face aux pires difficultés, Simon tient debout et garde espoir. Jusqu’à quand ?

Les sept jours de Simon Labrosse, une véritable ode à la vie.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Les sept jours de Simon Labrosse, de Carole Fréchette, du 30 novembre au 19 décembre 2021 au Théâtre Alchimic.

Mise en scène : Sylvain Ferron

Avec Angelo Dell’Aquila, David Casada et Dominique Gubser

https://alchimic.ch/les-sept-jours-de-simon-labrosse-2/

Photos : © Carole Parodi

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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