Le banc : cinéma

Et si l’aigreur cachait un gros cœur ?

Loin de la comédie loufoque à laquelle on peut s’attendre en visionnant les bandes-annonces, le dernier film de Tom Hanks, A man called Otto, s’avère être une comédie dramatique touchante et bien plus profonde qu’il n’y paraît.

Otto vit dans un lotissement depuis de nombreuses années. Tous les matins, il fait sa ronde, lors de laquelle il vérifie le macaron de chaque véhicule, s’assure que la barrière est fermée correctement et que les déchets ont été jetés dans la bonne poubelle. Maniaque, Otto ? En tout cas, pour lui, les règles sont très importantes et gare à qui ne les suivra pas. Mais alors qu’il prend sa retraite bien méritée, celui que ses collègues désignent comme quelqu’un de « fiable » ne pense qu’à rejoindre sa femme, décédée un an auparavant. Et alors qu’il multiplie les tentatives de suicide, quelque chose l’empêche à chaque fois d’aller au bout : un crochet qui ne tient pas, l’intervention de la voisine, ou encore le malaise d’un homme.

Une comédie dramatique ?

À voir la bande-annonce, on s’attend à voir un film comique, léger et drôle. Tellement qu’on en vient à se demander ce que Tom Hanks est allé faire dans une telle galère, lui qui nous a régalé de rôles si touchants, dans Forrest Gump, La ligne verte ou encore Le Terminal. Le titre français est d’ailleurs trompeur : Le pire voisin au monde amplifie ce côté comique et l’aspect mono-maniaque de cet homme, alors que la réalité de ce film est bien plus profonde, d’où ma préférence pour le titre original, A man called Otto. Car ce film est avant tout l’histoire d’un homme que la vie n’a pas épargné. Bien vite se dévoile son grand cœur – au sens propre comme au figuré d’ailleurs. Et si l’on comprend rapidement qu’il a tout perdu parce que certaines règles n’ont pas été respectées, le scénario parvient tout de même à surprendre, en dévoilant petit à petit les détails de son passé.

Ce qu’on apprécie particulièrement, et qui fait de A man called Otto une comédie à la dimension très humaine, ce sont les dialogues. Les mécaniques sont plus réalistes que ce qu’on a l’habitude de voir. Exit les non-dits qui créent des malentendus et inventent un suspense qui n’a pas lieu d’être : Otto et sa nouvelle amie Marisol se disent les choses, quitte à se déchirer, quitte à ce que le moment à passer soit désagréable, mais au moins, iels ont compris le sens du mot « communiquer ». Pas de longues attentes inutiles, donc, ici, avec des personnages qui s’imagineraient des choses sans aller demander directement des réponses. Un aspect véritablement appréciable !

Profondeur des rapports humains

Ces dialogues qu’on n’a pas l’habitude d’entendre au cinéma amènent la relation à un autre point : en laissant parler ses émotions, sa peur de perdre son ami, Marisol fait en sorte qu’Otto s’exprime, lui raconte son histoire et s’ouvre vraiment à elle. Les principes très rigoureux qu’il se fixe ont une raison d’être et ne sont pas des effets comiques totalement gratuits, comme le laissait penser alors la bande-annonce. Tout est lié à son passé, que l’on découvre au fil de l’évolution de sa relation amicale avec Marisol et ses deux filles.

Mais ce n’est pas tout, car le passé nous est aussi montré à chaque tentative de suicide : avant d’échouer à se donner la mort, Otto se remémore des souvenirs, sous forme de flashbacks, de sa rencontre avec son épouse au terrible accident qui expliquera le côté maniaque d’Otto. Les souvenirs sont alors véritablement revécus par celui qu’on pensait détester dans un premier temps, mais qu’on finit par adorer, tant il parvient à nous émouvoir.

Et on retrouve alors le Tom Hanks qu’on aime, avec ses personnages humains, leurs casseroles, mais qui nous font toujours sourire et pour lesquels on ne peut que ressentir une grande empathie.

Fabien Imhof

Référence :

A man called Otto, réalisé par Mark Forster, avec Tom Hanks, Mariana Treviño, Manuel Garcia-Rolfo, Truman Theodore, Rachel Keller…, États-Unis, 2023.

Photo : ©DR

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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