Les réverbères : arts vivants

La légende arthurienne… enfin presque !

Vous rêvez d’aventures, du Graal et de combattre des dragons ? Ne cherchez plus, c’est au Théâtre du Loup qu’il faut vous rendre ! Jusqu’au 5 mars, la Compagnie de l’Impolie de Juliette Vernerey vous emmène dans sa Quête, librement inspirée de celle du Graal et de L’enchanteur de Barjavel.

Sur la scène vide, à peine éclairée d’un lustre, des mots de L’Enchanteur résonnent. C’est la voix de Vivianeu, la dame du lac, qui les prononce. Pour les non-initié·e·s, iels entendent simplement le récit, dans une forme lyrique, d’une forêt et d’une troupe de chevaliers et chevalières (ou chevaleresses, cela dépend des moments du spectacle) qui doit partir en quête du Graal. Nos héro·ïne·s sont là : le roi Artus, sa femme Guenevevièvre, Merlijn l’enchanteur, la fée Vivianeu, l’intrépide chevalier Lancelotte – qui ne parle presque pas un mot de français – et son Palefrenier. Mais il manque le meilleur d’entre eux : Galaaad a décidé de ne pas se joindre à l’équipe, les prévenant par pigeon (mort) voyageur. Que faire alors ? Notre drôle de troupe, après avoir tergiversé autour de la question d’un·e éventuel·le remplaçant·e, décide de se mettre en Quête. Tremblez dragons, tenez-vous prêts vieux ermites, car les voilà en route !

Une multitude de références et d’effets comiques

Bien sûr, la trame s’appuie en partie sur L’Enchanteur de Barjavel. Après chaque transition, sur une musique envoyée par Merlijn, les personnages forment un tableau, durant lequel la voix de Vivianeu récite des passages du roman. De quoi donner une profondeur épique à cette Quête qui a tout de la parodie. D’ailleurs, la quête du Graal a été bien intégrée dans la pop-culture : on pense au Sacré Graal des Monty Python, à l’inégalable Kaamelott, et même à la présence du Roi Arthur dans le troisième opus de Shrek. Les références et autres clins d’œil sont ainsi très nombreux durant le spectacle, particulièrement riche à ce niveau. On pourra citer, pour ce qui est de Kaamelott – que je connais mieux que les Monty Python – l’explication du processus de sélection du ou de la remplaçant·e de Galaaad, qui nous fait immédiatement penser aux règles de jeu façon Perceval. On pourra également évoquer Merlijn, plus attristé par la mort des pigeons que par celle d’un de ses compagnons et qui nous fait penser au Merlin de Kaamelott et son rapport à la nature. Et comment ne pas penser au Père Blaise, très à cheval sur les règles, lorsque Merlijn s’énerve parce que certain·e·s bougent lors des tableaux.

On pourrait allonger la liste à l’envi, mais on préfère vous laisser le soin de découvrir toutes les références par vous-mêmes ! Car les effets comiques sont nombreux, et c’est toute une palette d’artifices qui sont convoqués dans Quête. Citons le comique de répétition, avec l’insistance de Merlijn lors des tableaux, ou encore cette introduction à la flûte par Artus qui ne se termine jamais et dans laquelle il ajoute force fioritures. Il y a aussi du visuel, comme quand Lancelotte mime le combat face aux dragons, à grands renforts d’explication dans une sorte d’allemand médiéval, devine-t-on, qui ne font qu’ajouter au comique de la situation ; ou encore l’épreuve du retrait d’une épée magique – qui n’est pas Excalibur, celle-ci étant déjà en possession d’Artus – et qui se termine d’une façon plutôt inattendue. Enfin, le texte du spectacle vaut à lui seul le détour : outre les jeux de mots autour des noms des personnages, on pourra citer ici la déclaration d’amour de Guenevevièvre à Lancelotte, qui le compare à toutes sortes d’animaux de la forêt.

L’art de la parodie pour dire autre chose

On l’aura compris, Quête est avant tout une parodie des gestes et légendes médiévales : les noms des personnages sont tout sauf sérieux – un peu à leur image, il faut bien l’avouer – alors que le Palefrenier n’a même pas de prénom. Sa condition lui est d’ailleurs bien souvent rappelée de manière très appuyée, comme pour dénoncer cet état de fait dans les récits traditionnels. On citera aussi l’intégration d’écriture inclusive, dans les mots comme dans les faits, Guenevevièvre et Vivianeu se montrant particulièrement à l’aise dans l’art du combat, lorsqu’Artus maîtrise mieux sa flûte que l’épée. Voilà qui nous éloigne bien de certains clichés.

Pour autant, le spectacle ne prend pas des allures grotesques, grâce à une grande maîtrise de l’art de la parodie et de tous les moyens convoqués. Ainsi, le décor est minimaliste : rien ne se trouve d’ailleurs au centre du plateau au début du spectacle. Au fil des scènes, les comédien·ne·s, bien aidés par la lumière et la machine à fumée ajoutent et enlèvent des accessoires, pour figurer les lieux de manière minimaliste, mais toujours efficace. Surtout, on évoquera le côté choral de Quête : aucun personnage ne prend le dessus sur les autres, toutes et tous ont leur rôle à jouer. D’ailleurs, les chorégraphiques et les moments de chants sont magnifiquement maîtrisés et apportent des dimensions plus profondes au spectacle, tout en montrant que tout le monde est important au sein du groupe.

C’est d’ailleurs sans doute le message que la scène finale nous transmet : dans un dernier discours épique – dont certaines phrases ont été largement empruntées à Aragorn juste avant le combat de la Porte noire dans le troisième opus du Seigneur des anneaux – Artus évoque les valeurs du collectif et du dépassement de soi face aux difficultés, avant que tout ne se termine sur dernière chorégraphie, ponctuée d’une musique digne des plus grandes scènes de combat de film.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Quête, de la Compagnie de l’Impolie, librement inspirée de L’Enchanteur de René Barjavel et de La Quête du Graal, traduit par Albert Béguin et Yves Bonnefoy, du 25 février au 5 mars 2023 au Théâtre du Loup, reprise le 20 mars 2024 au Casino Théâtre de Rolle.

Conception et mise en scène : Juliette Vernerey

Avec Jeanne Dailler, Pierre Gervais, Samuel Padolus, Patric Reves, Juliette Tracewski et Juliette Vernerey

https://theatreduloup.ch/spectacle/quete/

Photos : © Guillaume Perret

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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