Faire corps face au Down
La vie est faite de hauts et de bas. Comment réagir face à ce Down, ce moment où on est au plus bas après l’extase, la joie intense. C’est la réflexion portée par Mélissa Guex dans Down (full album), son dernier spectacle, en duo avec le batteur Clément Grin.
L’entrée dans la salle est surprenante : la batterie résonne comme un ostinato, un rythme régulier qui se répète sans cesse. Elle se trouve sur une plateforme, au centre de l’espace, tandis que Mélissa Guex se tient à côté, entament de petits mouvements au rythme de la batterie. Les spectateur·ice·s se placent où iels le souhaitent dans la salle : assis·e·s sur les plateformes qui entourent l’espace, debout dans la salle… Les plateformes sont éclairées de néons blancs, créant une pénombre ou une lumière plus intense. Petit à petit, les mouvements de Mélissa Guex vont s’amplifier, son corps de libérer de certaines couches de vêtements et occuper l’espace, à mesure que les ups et les downs s’emparent d’elle.
From the up to the down and vice versa
Le duo raconte, à travers la percussion et le corps, les downs que l’on vit, précédés des ups. Dans ces moments d’extase, le corps entre en osmose avec la musique, et Mélissa Guex se tient en hauteur, comme élevée par ce qu’elle ressent. Ses mouvements sont alors fluides, comme son esprit léger, qui n’a pas besoin de réfléchir, simplement vivre le moment présent. Le batteur suit également le mouvement, avec des sons qui résonnent fort, dans une forme de liberté. Enfin, le partage avec le public est bien présent : certain·e·s tapent le rythme avec leur pied ou dans leurs mains, d’autres se mettent à danser, embarqué·e·s par l’énergie transmise. D’autres se tiennent plus en retrait, se contentant d’observer, mais n’en pensent pas moins. Ces moments, nous les avons toutes et tous vécu.
Mais ces ups ont leur pendant : le down qui donne son nom au spectacle, qu’explore Mélissa Guex. Il s’agit de ces moments où la tension redescend, l’énergie devient moins forte, et la tristesse peut nous envahir. Dans ces moments, toujours vécus sans aucun mot, l’osmose semble disparaître : le corps, ou la batterie s’arrête, tentant de redonner de l’énergie à l’autre, de relancer un moment de joie. Mélissa Guex apparaît alors perdue dans la foule, jusqu’à ce qu’un élément, parfois un détail, un rien, ne la ramène. De la même manière que les moments de up s’arrêtaient net…
Faire corps
La dimension de corporalité est ainsi très présente dans le spectacle, Mélissa Guex s’exprimant par la danse et les gestes, n’hésitant pas à faire signe aux spectateur·ice·s de s’écarter pour qu’elle vienne occuper un espace. Son visage, d’abord encapuchonné, devient de plus en plus expressif, dès le moment où elle l’enlève, comme une forme de libération. Son visage exprime alors des sourires, mais aussi la douleur par moment, sans oublier le regard, qui s’illumine ou s’éteint selon les moments. Par moments, des cris sortent enfin de sa bouche, comme pour faire sortir ce qui doit l’être, jusqu’à ce que soit au public de le faire…
Corps, elle le fait aussi avec le public, qui se retrouve lui aussi beaucoup en mouvement. Alors qu’elle fait déplacer les spectateur·ice·s pour occuper certains espaces, pour qu’on la voie également. La disposition particulièrement originale de l’espace permet cette inclusion du public et sa participation. Comme Mélissa Guex le dit dans la feuille de salle :
« J’aime brouiller les codes et j’aime que le public puisse partager le même espace de liberté. »
Cet espace de liberté, le public s’en empare donc, entrant en résonnance avec la performance de Mélissa Guex. Un espace qui s’ouvre d’ailleurs totalement dans le tableau final, pour le plus grand bonheur du public, qui ne s’y trompe pas et ovationne la danseuse et le batteur durant de longues minutes.
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Down (full album), de Mélissa Guex, du 14 au 16 mai 2024 au Pavillon ADC.
Concept, direction et performance : Mélissa Guex
Création musicale et performance : Clément Grin
https://pavillon-adc.ch/spectacle/melissa-guex-down-2024/
Photos : ©Philippe Weissbrodt (banner) et ©Daniel Roelli (inner)