Le banc : cinéma

Faire du cinéma à Gaza envers et contre tout

Présenté dans le cadre du festival Black Movie le dimanche 18 janvier, en présence du curateur Rashid Masharawi et de la productrice Laura Nikolov, From Ground Zero offre une anthologie de courts-métrages réalisés à Gaza depuis le début de la guerre. 

22 court-métrages, divisés en deux parties, dont 11 présentés au Spoutnik ce dimanche de cessez-le-feu. 11 films qui nous offrent autant de tranches de vie dans l’actuelle bande de Gaza, sous offensive de l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2023. Ce projet ambitieux et nécessaire est porté principalement par Rashid Masharawi, réalisateur gazaoui, et Laura Nikolov, productrice, avec l’ambition de laisser les artistes sur place exprimer et montrer leur réalité, loin des images que nous montrent (ou pas) les médias.

Car donner la parole et la caméra aux personnes prisonnières de cette guerre, est un geste politique et poétique important. Cela laisse la place à Farah de raconter ses rêves et comment elle échappe au bruit des avions en mettant ses écouteurs pour danser, permet de suivre Nidal dans son parcours afin de prendre une douche et être prêt pour performer son show de stand-up le soir, ou encore de voir Reema garder sa routine maquillage et sa féminité dans une tente au milieu d’un camp bondé où l’intimité est inexistante. Impossible de rester de marbre devant ces récits, dont on sait au loin qu’ils existent, mais dont on ne peut s’imaginer la réalité autrement que par des témoignages de ceux qui le vivent. Qui pourrait penser devoir un jour écrire leur nom sur les corps de ses enfants, pour pouvoir les identifier en cas de disparition sous les bombardements ? Et pourtant c’est ce que raconte du point de vue des enfants, avec autant de douleur que de douceur, le court-métrage Soft Skin de Khamis Masharawi.  

La question de la création dans des conditions aussi extrêmes que celles de Gaza est posée par Rashid Masharawi, qui donne l’exemple de son ami Hamad Assouna, un réalisateur dont le rêve a toujours été de faire du cinéma. Quand il lui a proposé le projet, il a d’abord refusé, en expliquant qu’il devait prioriser sa survie et celle de sa famille. Il a finalement réalisé le film Sorry Cinema, où il s’excuse de devoir mettre ses rêves de grand écran entre parenthèses pour courir derrière les rares avions humanitaires parachutant des vivres sur les zones les plus inaccessibles. Ce que nous prouve From Ground Zero c’est cela : l’envie de vivre, l’envie de créer est plus forte que tout à Gaza. 

Rashid Masharawi, se bat pour que le cinéma existe malgré tout à Gaza, en apportant soutien financier, son expertise de réalisateur, et des conseils artistiques. Pour lui, faire du cinéma c’est faire culture, porter des histoires personnelles et être un vecteur d’espoir et d’optimisme. Il a fondé le Masharawi Film Fund, qui permet de soutenir le projet, et maintenir l’appel pour de nouveaux réalisateurs, afin que le projet s’inscrive dans la durée et prenne d’autres formes. Malgré l’aboutissement de From Ground Zero, le combat n’est pas fini, car trouver des distributeurs et montrer ces courts-métrages est une véritable gageure, comme l’explique Laura Nikolov. Le projet, shortlisté pour les Oscars du meilleur film étranger et du meilleur documentaire, fait l’objet d’une campagne de censure aux États-Unis, où l’un des arguments avancés est de ne pas voter pour ce film car il va faire mémoire.   

Il est donc capital de visibiliser autant que possible From Ground Zero, pour que la culture palestinienne puisse vivre et s’exprimer, que les clés du récit soient gardées entre les mains des concerné·e·s. Faire du cinéma et créer à Gaza ainsi que dans toutes les zones de conflit, est une preuve de plus que l’art est fondamental dans l’expression de notre humanité. 

Léa Crissaud 

Référence :  

From Ground Zero, supervisé et coordonné par Rashid Masharawi et Laura Nikolov.  

Présenté dans le cadre du Festival Black Movie 2025  

Pour soutenir le projet : https://www.masharawifilms.org/ 

https://www.coorigines-production.fr/ 

Photos : © Masharawi Fund & Coorigines Production 

 

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