Les réverbères : arts vivants

Festiv’Baroqueries : Octo Tempora – anatomie d’une création

Du 13 au 20 août 2023, la 8e édition de Festiv’Baroqueries transportait Plan-les-Ouates dans un univers de création, entre musique, danse, conte et arts plastiques. Un moment hors du temps pour découvrir de jeunes talents… ou des premières mondiales, comme Octo tempora (Les Huit saisons) du chorégraphe Antonio Gomes.

Qu’on se le dise ! Festiv’Baroqueries, c’est avant tout une histoire de passion – et de passion qui dure, puisque voilà huit saisons que le festival accueille son public à travers Plan-les Ouates.

De la salle communale à l’Espace Vélodrome, de nombreux concerts et ateliers ont été proposés. Comme chaque année, l’accent a été mis sur les jeunes artistes encore en formation ou au début de leur carrière – comme le pianiste Gabriel Berrebi. Soucieux d’interdisciplinarité, le festival a également misé sur les collaborations – par exemple entre chanteurs et chanteuses solistes amateur·e·s et instrumentistes baroques professionnel·le·s… mais aussi entre univers artistiques. Accompagné·e·s par le Trio Una Voce (Michel Tirabosco à la flûte de pan, Denis Fedorox à l’accordéon et Julia Zimina à la mandoline et guitare), la conteuse Sophie Tirabosco et l’illustrateur Tom Tirabosco ont imaginé un univers poétique et magique. Un spectacle organisé en famille, qui entremêle les arts.

Octo tempora : le mélange des genres

En termes d’interdisciplinarité, la création inédite Octo tempora (Les Huit saisons) a fait fort, le vendredi 18 août. Imaginé par le chorégraphe et metteur en scène brésilien Antonio Gomes, ce spectacle mêlait, sur la scène du Vélodrome, deux univers musicaux : les Quatre saisons d’Antonio Vivaldi (né en 1678 et mort en 1741, tout ce qu’il y a de plus baroque) et les Quatre saisons d’Astor Piazzolla (1921-1992, totalement tango). Promenade d’un hémisphère à l’autre, au fil des émotions et sensations que font naître les saisons, cette rencontre réunissait le Quatuor Terpsycordes (Girolamo Bottiglieri, Raya Raytcheva, Caroline Cohen Adad et Florestan Darbellay) et le bandonéoniste William Sabatier. À leurs côtés, pour parfaire cette fusion fascinante, une troupe de huit jeunes danseurs et danseuses – aussi à l’aise dans le baroque que le tango : Livia Barbe, Vincenzo Cernicchiaro, Valentin Droz, Konstantina Fytrou, Lua Gomes et Ludivine Heubi.

Retour sur la genèse de cette création.

Une scène pour huit saisons

L’idée de réunir Vivaldi et Piazzolla n’est pas nouvelle. Elle a germé dans la tête d’Antonio Gomes voici plusieurs années, en écoutant un CD enregistré par le Kremerata Baltika. « C’est là que tout a commencé », explique le chorégraphe. « Je voulais quelque chose qui mêle danse, musique et théâtralité. » Dès le départ, le projet n’est pas de mimer les saisons – l’orage, la pluie, la neige, et tout le reste – grâce à la danse… mais davantage d’évoquer les sensations que suscitent ces différents éléments. « Quand Vivaldi compose, dans L’Automne, une musique sur la chasse, je ne voulais pas représenter la chasse. Je voulais jouer sur les symboles et les associations d’idées. »

Ne pas répéter ce que la musique dit déjà… pour, au contraire, se baser sur ce que les êtres humains ressentent comme sentiments et sensations, à tel ou tel moment de l’année. Se dessine alors, peu à peu, une sorte de calendrier des ressentis. « Le printemps », raconte Antonio, « c’est le moment où les projets commencent à naître, à éclore… avant de se concrétiser un été, au moment où tout est plus frénétique… et en même temps un peu nostalgique. L’automne poursuit cette nostalgie : on a envie d’être plus proches de ses ami·e·s, de sa famille… et l’hiver, c’est le repli intérieur, le repos avant la reprise du cycle. » Le chorégraphe s’est en parallèle inspiré des tonalités des musiques et des émotions qu’elles véhiculaient pour créer plusieurs tableaux.

D’un hémisphère à l’autre

Ajoutons à cela que la saisonnalité et son vécu changent, d’une région du monde à l’autre – d’un hémisphère à l’autre. Entre le Vénitien Vivaldi et l’Argentin Piazzolla, on voyage du nord au sud : « À travers la danse et une certaine théâtralité, nous créons un voyage entre les deux hémisphères. Les saisons s’entrelacent : nous partons du Printemps de Vivaldi pour arriver à Primavera Porteña de Piazzolla… en déroulant entre les deux l’ensemble du cycle, chaque saison étant double, car imaginée par chacun des deux compositeurs. »

Ce voyage demeure néanmoins imaginaire : « Le décor est très simple, très épuré. C’est un salon de danse, comme ceux qu’on trouve à Buenos Aires, où on danse le tango. Ce sont des lieux que je trouve fascinants ! On y croise toutes sortes de personnages – de passage, des habitués, et des danseurs, bien sûr ! Et tous ces personnages vivent les saisons depuis l’intérieur de cette salle de danse, selon leurs propres émotions et sensations. Les lumières habillent la scène, en lui donnant une dimension émotionnelle supplémentaire qui n’a rien de mécanique… presque comme de la musique ! »

La musique, d’ailleurs, est un élément incontournable – si les danseurs et danseuses évoluent sous la lumière des projecteurs, l’orchestre n’est pas laissé dans l’ombre. Les instrumentistes vont à leur tour devenir personnages, répondre aux pas de danse avec leurs propres mouvements, leur propre langage. « C’est du live, c’est du vivant… c’est une expérience fantastique, un vrai échange entre musique et danse ! »

Magali Bossi

Infos pratiques :

Octo tempora (Les Huit saisons) d’Antonio Vivaldi et Astor Piazzola, le 18 août 2023 à l’Espace Vélodrome, dans le cadre de Festiv’Baroqueries (8e édition).

Mise en scène et chorégraphie : Antonio Gomes

Avec Livia Barbe, Vincenzo Cernicchiaro, Valentin Droz, Konstantina Fytrou, Lua Gomes et Ludivine Heubi (danse)

Musique : Girolamo Bottiglieri, Raya Raytcheva, Caroline Cohen Adad et Florestan Darbellay (Quatuor Terpsycordes) et William Sabatier (bandonéoniste)

http://www.festivbaroqueries.ch/

Photo : © Festiv’Baroqueries

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *