Les réverbères : arts vivants

Fuzzy est mort, vive Fuzzy

Dans sa nouvelle performance scénique, intitulée Télévision, Bastien Bron, alias My Name Is Fuzzy, imagine sa mort en tant que célébrité et l’hommage qui s’ensuivrait. L’occasion de parler également des dessous de la télé et des dérives de la célébrité. C’était à voir à l’Usine à gaz de Nyon les 25 et 26 avril.

Lorsqu’on entre dans la salle, on découvre un décor constitué de fonds bleus, de maquettes, de caméras et de tables de mixages de son. Sans oublier l’écran qui trône au-dessus du plateau. Lorsqu’il s’allume, une annonce s’affiche : « La télévision présente Télévision, une émission de télévision ». On le comprend vite, comme à son habitude, My Name Is Fuzzy nous a concocté un spectacle tout en humour et en décalage. Deux présentateur·ice·s (Judith Goudal et Lucas Hercberg) arrivent sur la scène et se placent chacun·e derrière un pupitre, d’un côté et de l’autre du plateau. Sur l’écran est projeté l’émission de télé dont nous assistons au tournage. On y retrouve les deux présentateur·ice·s affichés côte-à-côte, devant le décor qui n’est en réalité qu’une petite maquette filmée au même moment. L’annonce qu’ils sont sur le point de nous faire est tragique : Fuzzy, célèbre surtout pour celles et ceux qui le connaissaient, est mort. Les circonstances sont tragiques et encore très floues. L’émission que nous allons suivre vise à lui rendre hommage, avec images d’archives à l’appui, de son enfance à son premier concert, en passant par tout son parcours, son immense tube Supermotor et toute la célébrité qui s’en est suivie.

Les illusions de la télévision

On le sait bien, la télévision peut nous montrer ce qu’elle veut. Dans son univers complètement décalé, Fuzzy en illustre les coulisses. Le montage se fait en live sous nos yeux, on aperçoit l’utilisation du fond vert pour projet un décor qui n’est en réalité qu’une maquette. La technique est d’ailleurs utilisée durant tout le spectacle, nécessitant quelques modulations, qu’il s’agisse d’un changement de maquette, d’angle de caméra, de costume ou d’orientation du fond vert. Différentes maquettes et autres objets sont alors employés pour nous plonger dans l’univers de Fuzzy, qu’on se trouve sur le plateau télé, devant une salle de concert ou dans son clip, au volant de sa voiture qu’il aime tant. Tout l’intérêt de ce montage est, pour le public, d’observer à la fois le plateau et l’écran, afin de voir ce qui se joue entre les deux et tout ce que la télévision peut offrir comme procédés presque magiques.

Ce que l’on retient surtout, c’est que, grâce à ces subterfuges, on parvient à créer une réalité totalement artificielle. Celle-ci entre en résonnance avec le propos sous-jacent du spectacle : c’est à la vraie-fausse histoire de Fuzzy qu’on assiste, une sorte d’autofiction qui nous montre que le rêve de la célébrité peut rapidement virer au cauchemar…

Des dérives de la célébrité

Le début du spectacle laisse penser qu’on va assister à quelque chose d’un peu loufoque, dans la droite ligne du côté décalé de ce personnage qu’est Fuzzy. Dès le récit de l’enfance, durant laquelle Fuzzy arborait déjà ses célèbres lunettes carrées et son duvet sous le nez, on rit, tant cela nous paraît improbable. Même son tube Supermotor, qu’il reprend à toutes les sauces et dans différents styles, évoque une sorte de parodie, tout en demeurant très entraînant. Pour le plaisir, on vous en partage d’ailleurs le clip, ne venez pas vous plaindre s’il vous reste en tête !

Pourtant, quand la célébrité arrive dans la vie de Fuzzy, tout s’accumule : les invitations dans diverses émissions s’enchaînent, sans compter les fans hystériques qui veulent lui parler et lui ressembler, les collaborations avec des marques… au risque de s’y perdre. Car c’est bien cela que raconte Télévision, derrière l’humour omniprésent dans le spectacle. On pense immédiatement aux réseaux sociaux et les publicités pour tout et n’importe quoi, mises en avant par des influenceur·euse·s qui n’ont pas forcément conscience de tout ce que cela implique. Et la célébrité peut devenir difficile à gérer, avec des plongées dans certaines addictions. On pense à l’actualité récente avec Kendji Girac, entre autres.

Alors Fuzzy, ou Bastien Bron, on ne sait plus trop duquel il faut parler, éprouve l’envie, le besoin aurait-on même envie de dire, de se retrouver. Télévision pose alors cette question de l’alter-ego, ce personnage qu’on invente, au risque de se perdre en lui et qu’il prenne le pas sur notre véritable personnalité. Le spectacle s’apparente alors à une autofiction autour de cette première autofiction. Alors qu’on s’attendait simplement à rire, c’est finalement à un spectacle à plusieurs niveaux de réflexion que nous convie My Name Is Fuzzy et ses acolytes Judith Goudal et Lucas Hercberg. Un spectacle complet donc, où l’humour omniprésent se met au service de réflexions bien plus profonds qu’il n’y paraissait.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Télévision, imaginé par Bastien Bron, les 25 et 26 avril 2024 à l’Usine à gaz de Nyon.

Mise en scène et musique : Bastien Bron

Avec Bastien Bron, Judith Goudal et Lucas Hercberg

https://usineagaz.ch/event/television/

Photos : ©Laetitia Gauchat (photo du plateau) et ©My Name Is Fuzzy

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

Une réflexion sur “Fuzzy est mort, vive Fuzzy

  • Bonjour Monsieur,

    Les jours se sont succédé et votre carte de visite patientait dans la poche de mon manteau. Aujourd’hui, par ce temps radieux, votre site est une jolie découverte; c’est avec plaisir que je recevrai des nouvelles de votre pépinière. Je n’ai pas tout regardé encore, ma première escale a été Fuzzy, avec cet humour décalé qui m’a bien amusée.
    Avec mon bon souvenir du Théâtre du Loup et de ces quelques paroles que nous avons échangées.
    Cordialement à vous.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *