Grütopie : la saison « dilatée » du Grütli
Au chapitre des bonnes nouvelles, l’annonce de la saison 2020-2022 du : Le Grütli – Centre de production et de diffusion des Arts vivants vous rendra probablement le sourire. 2020-2022 ?! Oui, vous avez bien lu : c’est à une saison en mode « dilaté » et novateur que vous êtes conviés !
On ne le dira jamais assez : à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle ! Le Grütli a fait sienne l’expression consacrée, pour proposer à son public une saison adaptée aux aléas de la crise sanitaire que nous traversons. Premier grand changement : elle commencera en septembre 2020… et s’achèvera en 2022 ! Une « grütopie » ? Peut-être. En tout cas, un pari qui, s’il interloque de prime abord, permet de reporter pas moins cinq représentations annulées pour cause de COVID-19. Une saison plus longue permet également de donner davantage de temps aux artistes, qui pourront ainsi profiter d’un espace dilaté pour créer en toute sérénité – une mesure essentielle afin de s’affranchir de logiques culturelles trop souvent basées sur la rentabilité et la rapidité, imposées par des exigences politiques et / ou financières. Denrée précieuse, le temps est aussi nécessaire pour s’adapter et se retourner, quand l’inconnu sanitaire risque de frapper à tout moment à la porte du théâtre…
Petite nouveauté qu’il faut également souligner, car elle a son importance dans cette période difficile pour tout le monde : une toute nouvelle politique tarifaire. Le Grütli la présente avec simplicité :
« L’accès à notre théâtre est pour toutes et pour chacune. Et les biens immatériels qu’il permet d’aborder sont, selon nous, proprement inestimables : soit leur valeur dépasse tout ce qu’on pourrait estimer, soit on ne peut leur donner de valeur marchande, car les oeuvres créées par les artistes sont destinées à appartenir à toutes et à chacune, comme l’air, la terre, ou le soleil… Donc, c’est au choix de chacune, de 0 à 100.– (hors programmation Bâtie). »[1]
Vous l’aurez compris : vous serez accueilli.e.s entre les murs du Grütli avec générosité, chaleur et amitié. N’hésitez pas à franchir le pas… et pour vous mettre l’eau à la bouche, voici un petit tour d’horizon de cette saison « dilatée » par comme les autres !
Des reprises… et du nouveau !
Le mois de septembre 2020 verra le retour de Madame De, projet mélangeant couture et théâtre autour de la robe de Madame d’Epinay, femme de lettres proche de Jean-Jacques Rousseau. Confectionnée par Valentine Savary à partir d’un pastel de J.E. Liotard, la fameuse robe sera au cœur de Madame De, pièce mise en scène par Fabrice Huggler. Ce mois de septembre accueillera deux autres créations : Généalogie Léger (de Mannon Krüttli et Céline Nidegger) et Los Protagonistas (Cie El Conde de Torrefiel). Ces trois spectacles seront joués dans le cadre de La Bâtie – Festival de Genève.
En octobre, ce sont les thèmes de l’absence et de la présence qui seront à l’honneur, avec un diptyque conçu par Kayije Kagame : Sans Grace et Avec Grace. Entre solo et duo, un pas de deux qui devient parfois solitaire… Le 31 octobre, vous pourrez également découvrir le Prix Suisse de la Performance, qui vise à mettre en valeur cette discipline artistique particulière, au niveau helvétique. À ne pas manquer : voilà 10 ans que ce prix existe !
Le mois de novembre sera éclectique, avec tout d’abord Stand up, Sit down, Roll over de Jess Thom : au cœur de ce premier solo en stand-up, le syndrome de Tourette et les nombreux tics de langage que provoque cette maladie neurologique. Jess Thom en joue et en parle avec humour, riant d’elle-même et des autres. En 2010, Jess a fondé l’organisation Touretteshero, « réponse créative à sa vie avec le syndrome de Tourette »[2]. On se réjouit de suivre son projet ! En parallèle, vous pourrez découvrir Lupae de Mélissa Cascarino : à travers la danse, elle explorera l’histoire, les mythes et les relations d’égalité femmes / hommes, grâce à l’image de la lupae romaine – qu’on peut traduire tour à tour comme « louve » ou « courtisane ». Enfin, ¿Hay alguién ahí ? verra monter sur les planches deux artistes basques espagnols, Txubio Fernández de Jauregui et Esperanza López.
Pour bien clôturer l’année 2020, décembre mettra à l’honneur le quatrième épisode de la série-feuilleton Vous êtes ici, intitulé « Nous sommes partout ». Ce projet de grande ampleur réunit seize théâtres dans tout le canton et proposera, en neuf épisodes (plus une intégrale) de réinventer de manière collective le monde de demain.
En janvier 2021, on mélangera d’abord les publics et les formes, avec la deuxième édition du festival GO GO GO, qui se veut un appel à la découverte, à la curiosité et à la convivialité. Du 20 janvier au 14 février, c’est ensuite À l’endroit, à l’envers de Muriel Imbach qui se jouera des codes : et si Blanche-Neige était un garçon ? Pour toutes celles qui ont un jour rêvé de terrasser un dragon : à ne pas manquer ! Moi, j’y serai, en tout cas. Février s’achèvera avec une pièce de saison : Nord, mise en scène par Alexandre Simon et Cosima Weiter, dans laquelle une femme marche, inexorablement, vers le Grand Nord qui la fascine…
Mais en mars, avec le retour timide des beaux jours, cap au sud ! Ce sera Tierras del Sud, de Laida Azkona Goñi et Txalo Toloza-Fernández, qui vous fera voyager à travers l’histoire coloniale et postcoloniale de la Patagonie, entre résistance autochtone et oppression économique. Le mois de mars accueillera également deux œuvres de la Cie Old Masters, Titre et Fresque.
En avril, c’est un programme dense qui vous attend : Zang Boom Tuut et Il le faut, je le veux de Valerio Scamuffa et de la Cie Lascam, seront à l’honneur dans le cadre du festival C’est déjà demain (dont la 9e édition, initialement prévue au printemps 2020, a été reportée en 2021). Entre confins de la parole et séparation corps / esprit, vous voilà averti.e.s ! Le théâtre fera ensuite place à la danse, avec The Rest is silence de la chorégraphe suisse Nicole Seiler. Le mois s’achèvera sur Reality, créé par Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, qui prennent le quotidien scrupuleusement consigné pendant 50 ans par la Polonaise Janina Turek pour source d’inspiration…
Mai rimera avec poésie et exploration, avec tout d’abord Les fileuses, la porte et le messager : dans cette pièce proposée au Grütli par le Théâtre de l’Esquisse, dix comédiens en situation de handicap naviguent entre passé et présent, mythe et réalité, rêve et éveil. Leur fil rouge ? Les héritages qui nous permettent d’avancer. Ce sera ensuite au tour de Phil Hayers de vous secouer, avec Revenge : la vengeance est-elle un plat qui se mange froid ? Au nom de quoi ? Finit-elle toujours dans le sang… ? Attention : entre tragédie élisabéthaines et film de Tarantino ! Entre fin mai et début juin, vous débuterez votre été avec Blanc de Anna Lemonaki et de la Cie Bleu en Haut Bleu en Bas, qui questionneront la séparation entre la vie et la mort. Il s’agira du dernier volet de sa trilogie basée sur les couleurs, proposée depuis la saison dernière.
Et pour la suite ?
Pour la suite, le Grütli vous réserve évidemment de belles surprises. Citons par exemple :
- le Collectif 3615 Dakota, avec ses performances et installations interactives ;
- les podcasts L’Heure du Thé de Carla Demierre, qui aborderont la manière dont les artistes créent avec le texte et le langage ;
- des pièces en pagaille : Nous (Fabrice Gorgerat), Miss None (Manon Krüttli et Céline Nidegger), Ouverture nocture (Lucile Carré), Partir (Jean-Daniel Piguet), Taking Care of God (Cie Eternal)…
- … et bien d’autres surprises encore !
En tout cas, on se réjouit d’y être !
Magali Bossi
Le programme complet est à retrouver sur le site du Grütli – Centre de production et de diffusion des Arts vivants.
Photo : ©Sylvain Chabloz
[1] https://grutli.ch/infospratiquesetplus/tarifs-au-choix/.
[2] Extrait du dossier de presse.