« Avec toi, la fin du monde aurait un parfum d’aventure. Ce serait à la fois exaltant et familier. On passerait des nuits à la belle étoile ; on construirait des ponts ; on ferait des ricochets ou on jouerait aux cartes ; on lirait des romans à haute voix ; on cartographierait les environs ; on boirait de la bière… » (p. 78)
Comment survivre à la fin du monde quand vous avez le cœur brisé ? Comment survivre quand votre ex vous a quitté, ainsi que l’électricité, vous laissant seule dans un monde sans amour, sans espoir et sans Netflix ?
Telles sont les questions que se pose l’héroïne de Survivante en entamant une retraite solitaire dans la forêt – loin des e-mails, des médias, du tumulte de la vie humaine. Elle a pour seuls compagnons les nuages qui se reflètent dans la rivière, l’herbe « qui sent la menthe poivrée », le soleil qui brille « comme si de rien n’était » et le « fantôme » de son ex. Elle consigne cette aventure dans un journal de bord qui constitue toute la matière du récit.
Parfois poétique, souvent drôle et plein d’autodérision, Survivante est le troisième livre écrit par Julie Guinand, jeune auteure originaire de la Chaux-de-Fonds. Au cours des cent soixante-six jours de son aventure, l’héroïne y célèbre chacune de ses victoires : elle convertit ingénieusement un bac à lessive en baignoire (à elle les bains chauds !), elle passe (quasiment) maîtresse dans l’art de couper des bûches, et elle apprend à pêcher sa première truite.
Mais ce ne sont que des préludes à la victoire ultime : celle qu’elle veut remporter sur son cœur. À force de le sonder, il lui semble pouvoir le tenir dans la main, comme une « petite boule incandescente » qui, tour à tour, « lâche, explose, implose, se ratatine ou s’évapore ». L’entreprise est délicate, mais pas désespérée : ce serait mal connaître l’héroïne.
Ce livre sans prétentions laisse une place aux idées spontanées, aux listes de choses à faire ou aux brouillons. Ce ton informel lui permet toutefois d’aborder la rupture amoureuse avec légèreté et originalité. En somme, ce récit propose des « petites réflexions sur la vie (mais pas trop barbantes) ». En toute simplicité, Survivante montre de quelle manière on peut surmonter la fin du monde, ou ce que l’on perçoit comme tel, avec optimisme.
Lucie Krey
Référence : Julie Guinand, Survivante, éditions d’autre part, 2019, 134 p.
Cette critique a été produite dans le cadre de l’atelier d’écriture animé par Éléonore Devevey, au sein de l’Université de Genève (Département de français moderne).
Retrouvez tous les textes issus de cet atelier ICI.
Photo : © Lucie Krey (montage : © Fabien Imhof)