Les réverbères : arts vivants

Le Crève-Cœur redonne vie à Sarah Bernhardt

Trois ans après sa création, le spectacle Sarah Bernhardt, monstre sacré est de retour au Crève-Cœur, à l’occasion du centième anniversaire de la mort de l’actrice. Un moment de poésie et de découverte à découvrir jusqu’au 2 avril.

Sur la scène du petit théâtre de Cologny se dessinent au sol, rappelant les plus belles places du monde ou les foyers des plus grands théâtres. En fond de plateau se tient un grand voile, sur la gauche un fauteuil, et le tout est habillé d’habiles jeux de lumières projetés sur les plus petits voiles qui se déplacent sur la scène. Marie Probst et Pascale Vachoux occupent l’espace, jonglant entre narration et jeu, interprétant Sarah Bernhardt et son entourage. Le texte est basé sur diverses sources issues de sa vie : lettres, articles, anecdotes, extraits de ses plus beaux monologues… Une pièce pleine de poésie et de douceur pour raconter la vie de cette femme moderne avant l’heure.

Tout en poésie

Il y a d’abord quelque chose de poétique dans la manière de raconter la vie de Sarah Bernhardt dans ce spectacle. Si le récit prend une forme plus ou moins linéaire, car chronologique, les étapes marquantes de sa vie s’enchaînent sans véritable transition. La pièce semble avancer d’elle-même, dans une forme de fluidité qui donne tout son sel à ce voyage dans le temps. Les images d’archives projetées sur les voiles, et derrière lesquels les comédiennes s’installent par moments, imitant les poses de la grande actrice, comme pour la (ré)incarner plus encore.

Tout le spectacle joue sur le double : Marie Probst et Pascale Vachoux sont tour à tour narratrices ou Sarah Bernhardt, prenant aussi en charge les rôles de tous les personnages qui gravitent autour, du directeur de casting au professeur de l’école de théâtre, en passant par la mère ou la nourrice de la petite Sarah. Pour autant, on ne se sent jamais perdu·e ou submergé·e par un trop-plein de références. Au contraire, cela a pour effet d’illustrer comment Sarah Bernhardt était capable de tout interpréter, de jouer différents rôles, en passant de l’un à l’autre avec une incroyable aisance.

Une femme moderne

Le récit de la vie de l’actrice commence, évidemment aurait-on tendance à dire, par son enfance. Dès son plus jeune âge, Sarah s’éloigne de l’archétype de la petite fille des années 1880. Véritable casse-cou qui peut parfois se mettre en danger, elle crée une certaine inquiétude chez sa mère et sa nourrice. Une première scène qui illustre à quel point elle avait déjà un caractère très affirmé. La suite de l’histoire, ce sont des castings, des exercices au Conservatoire, l’apprentissage des textes, des rencontres lors de soirées mondaines… Une constante s’affirme alors : Sarah Bernhardt ne rentre pas dans le moule, cherchant toujours à se démarquer des autres. Ses professeurs le soulignent d’ailleurs à plusieurs reprises. Mais n’est-ce pas, aussi, ce qui a fait son succès, quitte à créer quelques cheveux blancs avant l’heure à certains ?

On constate alors que Sarah Bernhardt aurait sans aucun doute pu vivre un siècle plus tard avec la même aisance, tant son discours et sa personnalité collent aux mœurs du féminisme et aux idéaux d’émancipation qui s’ensuivent. D’ailleurs, un dialogue fictif avec Madonna est imaginé sur la scène, et l’on voit toutes les similitudes dans leur carrière, la manière dont leur personnage s’est démarqué des autres, pour s’installer véritablement comme une icône. Les comédiennes disent d’ailleurs de Sarah Bernhardt qu’elle a inventé le concept de star, et les attitudes et autres caprices qui vont avec. Une vraie diva, vous avez dit ?

À la sortie de spectacle qui nous semble trop court – bien qu’il dure un peu plus d’une heure – on se dit que Sarah Bernhardt est un être d’une extrême complexité, en avance sur son temps, mais aussi ambigu, car pas toujours facile à suivre. Mais on retient surtout qu’elle a marqué toute une époque, et plus encore…

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Sarah Bernhardt, monstre sacré, de Ludovic Chazaud (avec la complicité de Julie Gilbert), du 7 mars au 2 avril 2023 au Théâtre Le Crève-Cœur.

Mise en scène : Anne-Shlomit Deonna

Avec Marie Probst et Pascale Vachoux

https://lecrevecoeur.ch/spectacle/sarah-bernhardt-monstre-sacre/

Photos : © Loris von Siebenthal

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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