Le dernier secret des nazis ?

Les nazis ont toujours attisé beaucoup de fantasmes : or, trésors spoliés, avenir de certains hauts dignitaires… de nombreux mystères entourent ce qu’ils ont pu devenir. Opération Napoléon, réalisé en 2023 par Óskar Thór Axelsson, en imagine une version possible.

Le réchauffement climatique permet à certaines énigmes de ressortir au grand jour. Au sommet du glacier Vatnajökull, en Islande, alors qu’une couche de glace a fondu, un avion avec une croix gammée émerge. Elías (Atli Oskar Fjalarsson), qui explore le coin avec deux de ses ami·e·s, tombe dessus et fait immédiatement part de sa découverte à sa sœur avocate Kristín (Vivian Ólafsdóttir). La plus grande surprise ? Le pilote de l’avion vient de l’armée américaine. Que cache donc cette histoire ? L’enquête serait sans doute simple si un groupe de recherche américaine ne débarquait par, financé par un ancien membre des forces spéciales (Iain Glen). Les documents retrouvés dans l’avion indiquent Opération Napoléon, une opération secrète qui fascine historien·ne·s et scientifiques, sans n’avoir jusque-là aucune preuve de son existence. Mais que transportait cet avion ? Les théories sont nombreuses : un trésor ? une arme secrète, voire extra-terrestre ? Pour le savoir, il faudra retrouver le sixième membre du vol, présent sur le manifeste, mais introuvable dans la carcasse de l’appareil…

Démêler le vrai du faux

On le comprend vite : les Américains cherchent à faire le silence sur cette affaire. Pourquoi ? On ne l’apprendra que bien plus tard. S’apercevant que Kristín est au courant et risque d’ébruiter le secret, ils envoient un tueur à sa poursuite. Las pour lui, Kristín a reçu la visite inopportune d’un collègue, que le tueur s’empresse d’assassiner. Et qui se retrouve accusée du meurtre ? On vous le donne en mille… Bref, une fois ces éléments mis en place, ils donnent lieu à une drôle de course-poursuite, sur fond de chasse au trésor pleine de suspense, au rythme haletant – c’est le moins qu’on puisse dire. Et au milieu de tout cela, il y a tout de même des secrets à révéler. Kristín fait alors appel à Steve Rush (Jake Fox), un jeune professeur d’université, justement spécialisé dans l’histoire des nazis, et avec qui elle a, ô surprise, flirté quelque temps plus tôt. Ensemble, iels tenteront de comprendre ce qui se cache derrière toute cette histoire et de retrouver le membre manquant à bord. S’ensuit donc une enquête sous pression, dans laquelle de nombreux mystères sont à découvrir, des secrets à révéler, en quête d’une nouvelle vérité…

Cette histoire est adaptée d’un roman d’Arnaldur Indridason, maître du polar à l’islandaise. Il y mêle de nombreux éléments d’histoire à la fiction. Difficile donc de savoir ce qui est vrai ou ce qui a été inventé : l’Opération Napoléon s’inspire-t-elle d’une vraie opération ou est-elle totalement inventée ? A-t-on des preuves de l’existence d’avions nazis qui auraient décollé peu avant la chute d’Hitler ? Sans aucun doute. Quant à savoir qui et ce qu’ils transportaient, c’est une autre histoire… Bref, c’est dans ce mélange d’histoire et de réalité, avec des éléments tout à fait plausibles, que réside tout l’intérêt de cette histoire. Car au niveau des ressorts scénaristiques, on a déjà vu plus original : entre le tueur dont on croit s’être débarrassé et qui revient sans arrêt, l’ami des héros (Ólafur Darri Ólafsson) dont on n’avait plus de nouvelles et qui surgit comme par hasard au moment où la situation semble désespérée pour redonner une chance à l’équipe, ou encore la romance avortée qui renaît grâce à un profond mystère…

Un film anti-américain ?

Les magnifiques paysages islandais – soulignons tout de même le splendide travail de photographie du film ! – nous éloigne des habituels décors tirés des studios hollywoodiens. Et pourtant… Outre les éléments précédemment cités, Opération Napoléon en reprend tous les codes : courses-poursuites, fusillades, tueur surentraîné qui ne laisse aucun répit à ses futures victimes, des rebondissements… Oui, Opération Napoléon a tout du film à suspense hollywoodien. Je dois confesser ici que je n’ai pas lu le roman, mais cela me semble tout de même éloigné du style d’Arnaldur Indridason, qui nous a habitué·e·s a plus de sobriété. Alors, on en vient à se poser une autre question, qui donne à notre analyse un angle complètement différent et, il faut le dire, bien plus intéressant. Et si Óskar Thór Axelsson utilisait les armes américaines pour tirer à boulets rouges sur le cinéma hollywoodien et, plus généralement, sur le système américain ?

On ne peut s’empêcher de voir dans Opération Napoléon une critique des États-Unis et de leur système. Les « chercheur·se·s » arrivent avec leurs gros sabots, financés à coups de millions par un mécène qui ne pense qu’à sa mission (et à lui-même), avec un ego assez surdimensionné et une confiance démesurée en lui. Iels ne respectent rien, ni personne : les machines posées sur le glacier fonctionnent grâce à d’énormes génératrices à essence, toutes celles et ceux qui osent s’opposer à eux sont instantanément assassinés, iels n’attendent pas les autorisations du pays qui les accueille pour commencer leurs recherches…. Bref, iels tuent, détruisent, comme de vrais méchants de film. Aucune place n’est laissée à un quelconque espoir d’une lueur de bonté en eux. Et quand on comprend le rôle de dirigeants du pays dans la présence d’un soldat américain à bord de l’avion – qu’elle ait un quelconque fondement historique ou non – on se dit que le doute n’est plus permis. On se met alors à revoir notre jugement sur les ressorts scénaristiques faciles et les codes vus et revus employés, en se disant qu’il y a sans doute bien plus de finesse qu’on ne le pensait là-derrière.

En attendant la suite que semble annoncer la fin du film…

Fabien Imhof

Référence :

Opération Napoléon, réalisé par Óskar Thór Axelsson, Islande, 2023.

Avec Vivian Ólafsdóttir, Jack Fox, Iain Glen, Wotan Wilke Möhring, Ólafur Darri Ólafsson…

Photos : © DR