Les réverbères : arts vivants

Le diable s’habille en confection

Coup de Griffe, de Bruno Druart et Patrick Angonin, un stand-up à quatre personnages, un spectacle amateur à voir à La Comédie de la Gare jusqu’au 25 septembre.

À la Comédie de la Gare, les choses se déroulent à l’image de sa grande voisine ferroviaire. Un spectacle quitte la scène et laisse sa place au suivant. Fort de ce principe, les décors sont légers, mobiles afin d’être rapidement mis en place. Ce qui est proposé au public est donc plus efficace qu’esthétique. Depuis toujours, l’art du théâtre a su s’accommoder de ce type de contrainte. Ici, la convention théâtrale permet donc au public de recevoir correctement les choses.

Écrite à l’origine tel un tailleur sur mesure pour une comédienne méridionale (Noëlle Perna), ce spectacle ouvre ses portes sur l’univers d’une styliste de mode sur le retour. Patronne volcanique, tyrannique à l’humour cinglant et destructeur, elle lamine tous et toutes sur son passage. L’ensemble de l’écriture s’inspire sans aucun doute de ce que l’on nomme « l’effet Prada », un objet sociologique issu du film « Le Diable s’habille en Prada », soit l’abus notoire de grands chefs d’entreprise vis-à-vis du personnel qui leur est proche. On pense aussi à la série basée sur la vie du styliste américain Halston (diffusée par Netflix), qui contient des travers identiques.

Dès lors, rien ne trouve grâce aux yeux de Laurence Duchenal (Pat LaGadji), la patronne tyrannique. C’est l’essentiel du conflit. Les coups, les traits d’humour et les gags sont donc extraits d’un puits sans fond de rosserie, dans une franche tendance « peau de vache ». Parfois justes et drôles, souvent ravageurs et cruels, les dialogues – timidement mis en scène – servent un récit plus qu’une histoire ; ainsi en est-il des boulevards modernes.

Donc, confrontée à la dure réalité de l’innovation et de la mode – une mode ne servant qu’à démoder l’ancienne – le personnage principal va tenter de relever le défi avec tous les défauts que la rage impose. Une rencontre : Kévin (Alberto Defferard) et des révélations filiales : Thimothée (Léonardo Jelmini) vont mettre un peu de bazar et c’est donc tout un remue-ménage qui est présenté durant une heure et quart. Dommage qu’à trop puiser « en confection » dans des références connues pour écrire leur texte, les personnages masculins n’aient pas été servis par les auteurs par une même intensité d’écriture que ces dames.

À remarquer aussi, une jolie interprétation du personnage de Deborah, l’assistante. Une caractérisation extraite – encore une fois – de toute évidence de la série « Ugly Betty ». Celtia Concha campe une sorte de « Moiselle Jeanne » chère à Gaston Lagaffe, vraiment excellente de drôlerie et d’énergie.

Un spectacle « Comédie de la Gare » pur sucre, destiné aux amateurs d’humour féroce. Ils en auront pour leur écot.

Jacques Sallin

Infos pratiques :

Coup de Griffe de Bruno Druart et Patrick Angonin, du 2 au 25 septembre 2021 à la Comédie de la Gare.

Mise en scène : Sébastien Deront

Avec Pat LaGadji, Léonardo Jelmini, Alberto Defferard, Celtia Concha

Photos : © La Troupe

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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