Le patois, « des mots en scène » : Vaudoiseries et Valaisanneries
Adieu ! Comment te va ? Aujourd’hui, je te propose de te rapicoler un peu les méninges, de te cocoler l’esprit… bref, d’être un peu moins bedoume ou bobet que d’ordinaire, en partant à la découverte de mots monstre bonnards – tu vois comment ? Cap sur deux bouquins signés par Yves Schaefer, publiés aux éditions Cabédita : Vaudoiseries et Valaisanneries !
Parus respectivement en 2019 et 2021, Vaudoiseries et Valaisanneries proposent à tous les bouèbes, petits et grands, de camber par-dessus les frontières linguistiques des cantons romands, pour faire un peu la bringue dans la cahute de la langue française. L’idée ? Semer le chenit dans nos parlers habituels, d’ordinaire dictés par les normes venues de Paris et de son Académie. Sans écrabouiller complètement le français, il s’agit d’aller zieuter du côté des patois et des tournures populaires pour remettre au goût du jour (ou découvrir complètement) des mots encore bien vigousses – que ce soit dans les conversations usuelles, la littérature ou les médias de nos régions. L’entreprise tient à la fois de la curiosité historique (comme le suggère un chouya les préfaces des deux ouvrages), mais également de la conscience intime que la langue, d’où qu’elle soit issue, est un aiguillage complexe, un patrimoine immatériel à préserver. Et sur ce point, qu’on se le dise, la Romandie n’a pas à faire la trouillonne face aux autres parlers francophones ! C’est-y pas beau, ça ?
« Depuis des temps immémoriaux, les hommes se sont intéressés à, voire passionnés pour… la façon dont vivaient leurs ancêtres. Cet intérêt a eu pour résultat l’apparition de nombreuses collections de cabinets de curiosités, comme on appelait les premiers musées. Parallèlement, les sociétés humaines ont étendu leur protection à un ensemble d’éléments architecturaux à caractère militaire ou religieux. Depuis peu, sous l’égide de l’UNESCO, cet enthousiasme collectionneur s’est étendu à ce que les spécialistes qualifient de “patrimoine universel”. Ainsi, à côté des châteaux forts et des cathédrales, des objets antiques à caractère utilitaire ou artistique, on a dressé un nouvel inventaire. » (Vaudoiseries, préface de Bernard Gloor, p. 6)
« La langue, bien commun d’une collectivité, reflète autant qu’elle façonne l’art de vivre et le mode de pensée partagés par ses membres ; elle est le plus beau fleuron d’une civilisation. […] La musicalité du patois et son expressivité s’enveloppent d’une telle aura que les mots et locutions font naître un univers merveilleux, si bien que leur image sonore dénote l’attachement à la langue. Ces émotions liées à des séquences de vie consolident la cohésion de la collectivité qu’elles baignent. Dans ce contexte, des réminiscences patoises éclosent volontiers dans le discours français puisque le mot, véritable lanterne magique, s’éclaire d’un faisceau de signification enracinées dans l’expérience singulière. » (Valaisanneries, préface de Gisèle Pannatier, p. 6)
Bon, on ne va pas chipoter ni y aller à la reculette, cette histoire-là sent un peu la querelle nationaliste du petit patois contre la Grande Langue Normative – façon David contre Goliath, version romande. Pas de quoi rouspéter, pourtant ! Le propos de Yves Schaefer n’est pas de passer la panosse sur le français pour en faire table rase, mais plutôt de nous désemberlicoquer l’esprit en nous montrant que nos régionalismes, loin de s’imposer par la force comme des mariolles ou des pignoufles, sont chez eux partout et avec humour – aussi légers que des tiolus qui volent autour du mayen, sous les rayons de Jean Rosset (comme on appelle le Soleil, dans le canton de Vaud).
Et, pour nous en convaincre joliment, il suffit de se poser un instant dans une guérite ou un carnotset, pour feuilleter Vaudoiseries et Valaisanneries en se laissant porter par les deux textes et les illustrations d’Yves Schaefer – qui recèlent d’ailleurs de nombreux détails architecturaux tirés de villages vaudois et valaisans, entre comique et finesse… On cupessera de rire et on sera déçus en bien, comme on aime s’exclamer au bord du Léman – et au final, on refermera ces livres en se disant : Dommage du peu, ou bien !
Magali Bossi
Références :
Yves Schaefer, Vaudoiseries. Des mots en scène, Bière, Éditions Cabédita, 2019, 115p.
Yves Schaefer, Valaisanneries. Des mots en scène, Bière, Éditions Cabédita, 2021, 115p.
Photo : © Magali Bossi
