Les réverbères : arts vivants

Le Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble émeut le Pavillon ADC

Le chorégraphe américain Trajal Harrell présente un spectacle mêlant du voguing, de la danse post modern, ou encore du butô. Une production née durant la période du Covid, un plaisir de la découvrir maintenant, en 2023, dans le cadre du festival de la Bâtie.

 « It was Joni Mitchell that taught your cold-hearted British Wife how to feel[1]. »– Emma Thompson, dans Love, Actually (2003). Voici la première pensée qui me vient quand je lis la synthèse de The Köln Concert sur le site web du Pavillon ADC. Je n’avais pas le plaisir de connaître Keith Jarrett, ni Joni Mitchell particulièrement, mais je connais par cœur Love Actually

Je me lance et je me présente au théâtre ; je veux découvrir cette pièce de danse, une performance signée Trajal Harrell. Je lis sur le site de France Culture qu’il vient de New York, qu’il a effectué des recherches pour ce spectacle qui l’ont mené sur les traces du butô, une danse née au Japon dans les années 1960. Une recherche rapide me dévoile une forme d’expression corporelle caractérisée par sa lenteur, sa poésie et son minimalisme. L’idée est de ne pas être concerné par le regard des autres, de se présenter vulnérable, laid ou abîmé.

Intéressant, mais qu’est-ce que cela peut donner quand on mixe Joni Mitchell et Keith Jarrett là-dedans ?

Une scène minimaliste, avec sept banquettes de piano. Trajal Harrell qui attend que le silence se fasse. Et la danse commence. Au début, avec des morceaux de Joni Mitchell, représentant le blues avec lequel il a grandi. Petit à petit, les autres danseur·se·s apparaissent, et occupent les banquettes. Une danse du haut du corps, chorégraphie du torse, des bras, des mains, de la tête. Fragile, éthérée.

Soudain, iels se lèvent, et commence un défilé avec accents de voguing[2], toujours au rythme de Joni Mitchell. Une combinaison étonnante, qui donne au voguing une tonalité mélancolique, différente de ce que l’on attend de cet art.

Mais qu’en est-il du fameux Köln Concert ?

Patience, car il arrive. Avec les notes qu’improvise le pianiste, les danseur·se·s s’expriment et évoluent en courts solos de danse, réinterprétant le jazz de Keith Jarrett.

Un cercle se forme, une danse belle, portée par les mélodies envoûtantes. À l’image de la musique qui efface les frontières entre le classique et le contemporain, on y trouve la disparition des étiquettes de genre, tout le monde confondu. Les danseur·se·s se déploient avec fierté et prennent des poses majestueuses, évoquant des statues antiques.

Merci aux danseur·se·s de nous avoir fait complices de leur vulnérabilité en mettant en scène un spectacle si délicat. On sort du Pavillon ADC ému·e·s, avec le spectacle du tonnerre qui s’abat sur le Jura. Quelle vue, si adéquate à ce que l’on vient de voir.

Alicia del Barrio

Infos pratiques :

The Köln Concert, de Trajal Harrell avec le Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble, du 11 au 13 septembre 2023 au Pavillon ADC, dans le cadre de La Bâtie – Festival de Genève

Mise en scène, chorégraphie, décors, bande sonore et costumes : Trajal Harrell

Avec New Kyd, Maria Ferreira Silva, Trajal Harrell, Nojan Bodas Mair, Thibault Lac, Songhay Toldon, Ondrej Vidlar —

https://www.batie.ch/fr/programme/harrell-trajal-the-koln-concert

https://pavillon-adc.ch/spectacle/trajal-harrell-2023/

Photos : © Reto Schmid

[1] C’est Joni Mitchell qui a appris à ton épouse britannique au cœur froid comment sentir.

[2] Style de danse urbaine consistant à faire, en marchant, avec les bras et les mains des mouvements qui sont inspirés des poses de mannequins lors des défilés de mode.

Alicia del Barrio Montañés

Thésarde qui cherche à s'évader de son laboratoire, lectrice avide et grande admiratrice de l'offre culturelle genevoise. Un mix triomphant qui a poussé Alicia à écrire sur ses découvertes cinématiques et théâtrales !

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