L’écriture qui pousse #5 : Entretenir la flamme
Bienvenue dans L’écriture qui pousse ! Aujourd’hui, vous allez découvrir un des textes produits dans le cadre de nos défis littéraires. Le défi du mois de janvier 2021 portait le titre suivant : « Devant un feu… ». L’idée ? Imaginer une histoire qui commence par « Je suis devant un feu et… », puis en inventer la suite !
Dans ce texte, Fabien Imhof s’envole dans une rêverie que lui inspirent les flammes qui dansent devant lui…
* * *
Entretenir la flamme
Je suis devant un feu et tout à coup, les flammes se mettent à danser.
Me voilà absorbé par le spectacle auquel j’assiste, comme hypnotisé. Devant moi, les flammes semblent prendre vie, comme de petits êtres animés. Suis-je en train de rêver ?
Je suis coincé là depuis plusieurs semaines, alors que dehors, tout est fermé. Je n’ai pas fréquenté un théâtre, ni mangé au restaurant, ou vu un film au cinéma depuis bien longtemps. Impossible, vue la situation actuelle. Mon esprit est froid. Je ne peux jusque-là réchauffer que mon corps, à l’aide de ce feu. Mais aujourd’hui, quelque chose est en train d’arriver.
Je ne peux plus aller au théâtre, mais on dirait que le théâtre vient à moi. Pas virtuellement, pas à travers un écran, mais bien dans cette cheminée, dans les flammes qui l’embrasent. Non, je ne rêve pas, tout s’anime. Pourquoi aujourd’hui, pourquoi maintenant, pourquoi comme ça ? Il doit s’être passé quelque chose. Cela ne peut pas provenir de nulle part. Et ce n’est pas le verre de Bowmore que j’ai bu qui a pu m’embrumer l’esprit ainsi… Non, il y a autre chose, c’est certain !
Je décide d’allumer la radio. Et là, au milieu de toutes ces mauvaises nouvelles – nombre de morts, mesures de plus en plus drastiques, variantes plus contagieuses du virus, tentative de coup d’état à la Maison-Blanche – une information se détache du reste. L’Espagne a réussi, le Portugal lui emboîte le pas. Ça y est ! On y a organisé des spectacles et des concerts. Et cela a fonctionné. « Là-bas, la culture est essentielle », entends-je. Alors qu’on avait prétendu le contraire depuis des semaines. Je tends l’oreille, je veux en savoir plus. C’est une radio française que j’écoute à ce moment-là.
« Il y aura trois essais ». Des essais ? De vaccins ? Non non, on parle encore de concerts et de spectacles. Mon écoute est de plus en plus attentive. La France va bel et bien tenter d’organiser des concerts et spectacles, avec 500 personnes, voire 2’000, voire plus. Mais comment ? Je croyais que c’était impossible d’avoir de tels rassemblements, sauf sur les pistes de ski… Je suis intrigué, je veux en savoir plus. Les mesures seront très strictes : tous les participants seront testés avant et après, le port du masque sera obligatoire, l’aération primordiale, la température ne devra pas monter au-dessus d’un certain seuil… Je me perds dans cette liste, mais je ne retiens qu’une information : la culture pourra peut-être reprendre ses droits et se réveiller du sommeil dans lequel on l’a plongée. Une petite larme de joie coule malgré moi sur ma joue. L’espoir renaît. Je ne pensais pas que cette nouvelle me ferait autant d’effet. Je savais que tout cela me manquait, mais à ce point… J’ai bien fait d’entretenir la flamme !
Je suis devant un feu et je suis sincèrement ému, heureux de ce que je viens d’entendre.
Fabien Imhof
Photo : © René Rauschenberger