La plume : critiqueLa plume : littérature

Les tribulations éthyliques de Braquemart d’Airain…

Rire et boire un bon coup, ça vous tente ? Les éditions Cousu Mouche vous embarquent dans un voyage bien arrosé, à la suite du chevalier Alphagor Bourbier de Montcon et du forgeron Gobert Luret. Aujourd’hui, cap sur les deux premiers volets d’une série pas piquée des vers !

Ceux de Corneauduc : entre guerre et intrigue

« Foutredieu ! Alors pose ton cul bien à plat et buvons ! J’ai moi-même grand-soif, ayant parcouru ce jour quatre lieues pour les beaux yeux d’une accorte garce peu avare de ses appas. Tavernier ! » (p. 9)

Oyez, oyez, gentes pucelles et damoiseaux en mal d’amour !

En ces temps troublés de semi-confinement où la lecture devient amie fidèle, oyez l’héroïque épopée du sieur de Montcon (dit Braquemart d’airain) et de son acolyte fidèle, Gobert Luret (également nommé Ventrapinte) ! Ces héros rénommés ont, courage au vent et ventre affamé, rétabli paix et concorde dans le duché de Minnetoy-Corbières, grâce à l’aide du meunier Alcyde Petitpont… en buvant, comme il se doit, quantité de chopines. Bien triste histoire, en vérité, est celle du duché Minnetoy-Corbière : le bon duc Freuguel Meuzard Childéric s’y voit cocufié par des pendards qui lui volent sa sienne mie et moult gibier de ses vertes forêts. Et dans l’ombre, Eustèbe Martingale, l’âme damnée du duc, fomente traîtrises plus grosses que chastel… Las ! Aidés du sage meunier Alcyde Petitpont, Alphagor et Gobert révéleront ces sombres machinations.

Chanson de geste des comptoirs, épopée chevaleresque éthylique : voici ce que nous offrent Sébastien G. Couture et Michaël Perruchoud, les deux troubadours de Cousu Mouche. Premier volet d’une quadrilogie en cours, Ceux de Corneauduc est une aventure qui a d’abord vu le jour sous forme de feuilleton web. Retravaillé et édité en 2015, le récit rocambolesque va de surprises en rebondissements, pour tomber d’auberges en tavernes comme d’autres de Charybde en Scylla. Irrévérencieuse, la plume singe la geste de Roland, les romans de Chrétien de Troye, la verve grivoise de Rabelais… et en appendice, Les Stances à la Reine Cunégonde démystifient l’éthique chevaleresque.

L’Héritier de Minnetoy-Corbières : entre quête et famille

« Ils avaient quitté Minnetoy-Corbières alors que le soleil était déjà haut dans le ciel. Braquemart avait dû réveiller son cheval à coups de pied, et Lucien n’avait daigné se lever qu’après qu’on lui eut collé une gourde pleine de gnôle sous les naseaux. » (p. 73)

Ayant combattu ses vicieux voisins, le bon duc Freuguel de Minnetoy-Corbières se voit frappé du pire des maux – presque une male mort ! Blessé à l’entrejambe par une traîtresse fourche, le duc est désormais… mortecouilles ! Sans espoir de descendance, il doit se résigner à abdiquer, laissant chastel et contrées à des siens cousins : les frères félons Fargerand et Fustironcle de Cassonne. Ne pourra-t-il échapper à la disgrâce ?

Révoltée contre ce drame, la duchesse Camilla Clotilda se remémore des erreurs de jeunesse, commises en terres d’Italie lors qu’elle était jeune fille. Après avoir fauté (hors des vœux d’épousée), elle avait donné naissance à un vigoureux bébé… sitôt abandonné à une nourrice zélée. Ni une, ni deux, elle convainc le duc que sien est l’enfant du péché. Le duché est sauvé, un héritier est né ! Et qui envoie-t-on pour le chercher ? La plus vaillante des épées : Braquemart le guerrier ! C’est sans compter, bien sûr, sur une mer déchaînée et des assassins bien entraînés…

Ton et ligne narrative ne diffèrent pas ici de Ceux de Corneauduc. Dans cette diabolique surenchère, on se demande en vain comment les héros peuvent engloutir tant d’outres de vin : au bout du compte, sans être lassé, on en vient à espérer différentes ficelles que celles utilisées… Comme l’ivrogne sur ses jambes, L’Héritier de Minnetoy-Corbières balance entre diverses influences : des moulins de Don Quichotte aux lais de Marie de France, de l’amour courtois aux paillardises d’auberge, on rit, on s’amuse, on s’esclaffe grassement. Amoureux de haut style, passez votre chemin ! Dans toute cette verve, les ressorts narratifs sont parfois faciles, un peu vite expédiés… mais on rit de plus belle, tant les rebondissements sont virevoltants.

En attendant que je vous rende compte du troisième opus de cette série encore en cours, n’hésitez pas à ouvrir une bouteille de vin et à dégainer un saucisson ! Santé !

Magali Bossi

Références :

Sébastien G. Couture et Michaël Perruchoud, Ceux de Corneauduc, Genève, Cousu Mouche, 2015, 304p.

Sébastien G. Couture et Michaël Perruchoud, L’Héritier de Minnetoy-Corbières, Genève, Cousu Mouche, 2016, 270p.

Photo : ©Magali Bossi

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

Une réflexion sur “Les tribulations éthyliques de Braquemart d’Airain…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *