Michael Fassbender excelle en tueur de sang-froid
Avec The Killer, David Fincher signe une adaptation très réussie de la bande dessinée de Matz et Luc Jamanon, Le Tueur. Michael Fassbender y incarne un tueur à gages solitaire et froid. Un rôle glaçant qu’il porte à merveille.
Ne vous attendez pas à ce qu’on dévoile son nom, on se contentera de le nommer Le Tueur. Cet assassin professionnel ne vous donnera aucune autre information sur lui. Depuis qu’il exerce cette profession, il s’est assigné un credo qui tient en quatre points : respecter le plan ; anticipe, n’improvise jamais ; ne fais confiance à personne ; ne mène que le combat pour lequel on te paie. Pour résumer, pas de sentiment, aucune place laissée au hasard, tout doit être préparé au millimètre près. Seulement voilà, que faire lorsque l’échec se présente pour la première fois ? Alors qu’il poursuit une mission à Paris, Le Tueur, qui a pourtant répété ses gammes et tout préparé pour que le plan se déroule sans accroc, rate sa cible. S’ensuit une vendetta dans laquelle sa petite amie devient victime. Il lui faut alors retrouver les commanditaires du meurtre, afin de se mettre à l’abri et de tirer au clair tout cette histoire… Ou quand le chasseur, devenu chassé, part en quête d’une autre proie.
Tueur silencieux
The Killer est donc une adaptation de bande dessinée de Matz et Luc Jamanon. Dans celle-ci, un élément est particulièrement : une absence quasi-totale de dialogues. Ceci est parfaitement respecté dans la réalisation de David Fincher, et c’est d’ailleurs ce qui frappe dès le début pour qui ne connaît pas l’œuvre originale. Tout ou presque est narré en voix-off par Le Tueur lui-même, qui répète inlassablement son credo. Pas de narration au sens propre du terme, puisque Le Tueur ne raconte à aucun moment sa mission, qui est sa cible ou ce qu’il fait là. Il se contente d’expliciter sa manière de faire, le plan précis, comment il doit gérer sa respiration, se positionner, attendre le bon moment… Comme une marche à suivre qu’il faudrait suivre à la lettre, sans laisser la moindre émotion le gagner. Cette entrée peut être déroutante de prime abord, d’autant plus que Le Tueur n’utilise aucun mot inutile. De longues secondes, voire des minutes, s’écoulent ainsi par moments sans qu’aucune parole ne soit prononcée. Cette narration tout à fait originale et propre à l’œuvre crée une forme de tension palpable qui nous aide à entrer, si ce n’est en empathie, mais au moins dans l’esprit du Tueur. Avec une réflexion qui lui est propre et qui diffère sans doute de notre quotidien plus banal.
Ce silence ambiant dans The Killer contraste avec de nombreux thrillers où on a l’habitude d’être tenu·e·s en haleine par un rythme effréné et des effets de surprises incessants. Ici, on assiste à une éloge de la lenteur, une invitation à prendre le temps. Le rythme du film semble ainsi s’adapter parfaitement à celui du Tueur, qui prend soin de tout préparer méticuleusement. Même lorsque la situation s’accélère pour lui, qu’il se retrouve chassé, voire acculé, il ne déroge pas à ses principes, qu’il se répète inlassablement pour ne pas perdre pied. Car c’est là tout l’intérêt de cette histoire : entrer dans la psychologie d’un Tueur qui semble ne ressentir aucune émotion. Nous comprendrons bien vite qu’il parvient simplement, du mieux qu’il peut, à les mettre de côté lorsqu’il est en exercice. On peut le dire, c’est l’attente qui risque de le tuer à petit feu : car si tout est prévu à l’avance, son placement, sa manière de faire, le choix de l’arme, une inconnue demeure toujours : à quel moment l’angle de tir sera dégagé ? Dans la mission qui lui est confiée, la cible se trouve dans un appartement, en compagnie d’autres personnes. Impossible donc de prévoir à quel moment il se trouvera dans la fenêtre de tir, sans risque de victime collatérale. D’où le credo qu’il faut se répéter sans cesse, pour ne pas flancher…
Montée en puissance
Si le rythme demeurait si lent tout au long du film, on risquerait sans doute de se perdre et de se lasser. C’est là que le talent de la réalisation de David Fincher et celui d’acteur de Michael Fassbender revêtent toute leur importante. Sans pour autant déroger à ses principes de prendre le temps de tout planifier, Le Tueur se retrouve, malgré lui, à devoir agir dans l’urgence, du moins à être plus rapide que ses adversaires. « Toujours anticiper » disait-il. Cela veut également dire avoir un temps d’avance sur son ennemi. Ce que Le Tueur cherche toujours à faire, par divers moyens. Voilà une autre manière de nous tenir en haleine : on ne sait jamais quelle ressource il va mobiliser, où il va se rendre et auprès de qui pour obtenir des informations. Car, bien sûr, il fait partie d’un réseau que nous ne pouvons comprendre…
Au final, qu’on ait lu la bande dessinée ou non, qu’on sache dans quel genre d’histoire on s’embarque ou non, The Killer se révèle être un film plein de surprises, tant dans son scénario que dans sa manière de raconter l’histoire. En cela, il sort des sentiers battus, en proposant une autre approche, plus originale, avec un scénario qui se tient et un Michael Fassbender au sommet de son art dans son rôle parfaitement lisse et presque monochrome. Mais il n’en fallait pas moins pour incarner ce Tueur de sang-froid.
Fabien Imhof
Infos pratiques :
The Killer, réalisé par David Fincher, États-Unis, 2023.
Avec Michael Fassbender, Tilda Swinton, Arliss Howard…
Photos : ©Netflix