Les réverbères : arts vivants

Music all : un cabaret… autrement !

Du 19 au 23 octobre, Marco Berrettini, Jonathan Capdevielle et Jérôme Marin s’associent au Pavillon ADC pour proposer leur Music all, un cabaret urbain qui questionne les codes du genre et les limites du divertissement. Un spectacle pour rire et réfléchir.

Sur une aire de jeux ou d’autoroute qui paraît abandonnée, trois hommes déguisés en petites filles dansent au rythme de la musique percutante qui résonne dans la salle. Les mouvements sont parfois suggestifs, alors que le son, tout en martelant le rythme, évoque le bruit du vent. On pourrait croire au début d’un film d’horreur ou d’une série Z, mais il n’en est rien. L’arrivée d’une chenille depuis le haut du mât auquel est accrochée une cabine téléphonique, suivie du changement de déguisement des trois hommes, changent tout à la drôle d’ambiance qui régnait jusqu’alors. Nous voici dans une forme de cabaret, dans un lieu qui, a priori, n’est pas fait pour l’accueillir. Les numéros vont s’enchaîner, marqués par les interludes sous formes de sketches ou autres solos, le temps que les artistes travestis changent de costumes…

Revoir les codes du cabaret

Dans ce Music all, les codes du genre sont taillés à la hache. On retrouve ainsi des numéros de travestis, chantés ou dansés, des brefs sketchs pour marquer les transitions, des costumes brillants de mille feux… Mais paraît un peu raté, pour le plus grand plaisir du public, qui après avoir été interloqué, finit par rire énormément. Sur la scène se suivent, pêle-mêle, une Whitney Houston à la voix grave et refusant l’obstacle des envolées qu’on lui connaît sur I will always love you ; des costumes jetés à la hâte dans la haie au fond de la scène ; le passage d’un vagabond en plein milieu d’un numéro ou encore un hommage à Mylène Farmer lors duquel on ne reconnaît que les perruques rousses et la voix aiguë, le reste étant masqué par ladite haie… Les effets comiques, qu’ils soient visuels ou auditifs s’enchaînent ainsi. En témoigne le numéro trilingue (allemand, anglais, français) des Marylin du début, qui souhaitent un bon anniversaire à un certain Johnny. L’intérêt de ce spectacle pourrait s’arrêter là et former un simple – et néanmoins excellent – divertissement. Que nenni ! La présence de Franck Saurel déguisé en chenille y ajoute une dimension plus engagée. Il incarne ainsi dans ses trois interventions les stéréotypes du macho-réac : un routier homophobe, un réalisateur de porno antiféministe, et un CRS raciste au possible et discriminant plus ou moins toutes les minorités. Avant d’entamer sa mue pour devenir un magnifique papillon qui rejoindra le trio dans la dernière partie du spectacle. Si Music all interroge les codes du cabaret, il n’oublie donc pas de remettre en question le regard qu’on peut avoir sur cet art et les nombreux commentaires souvent déplacés sur ces artistes qui se travestissent en femmes. La symbolique de la chenille, qui change elle aussi pour devenir un être magnifique, n’en résonne ainsi que plus fort.

Le rire avant tout, et un bel hommage à certaines figures

Dans Music all, on rit bien sûr, mais on assiste aussi à de jolis hommages à des personnalités marquantes, avec toujours un côté décalé. On citera par exemple Marylin Monroe, Greta Thunberg ou Mylène Farmer, des grandes figures que tout le monde connaît et qui marquent par leur engagement quotidien. Avec une mention spéciale au solo de Whitney Houston qui esquive avec brio les envolées vocales, jusqu’à la dernière, après le fameux solo de saxophone. Sans oublier les trio des Marguerite Duras et les engagements parfois controversés de celle-ci, avec les nombreux jeux de mots qui s’en sont suivis (Maguerite Duracell, Tampax, Vinasse et j’en passe…). En amenant ce côté complètement décalé au spectacle, les trois artistes questionnent ainsi la relation entre l’homme, le comédien et son personnage. La frontière entre le jeu et l’incarnation est ainsi très mince, et l’on peut rapidement tomber dans une folie, en étant trop investi de son rôle. La fin du spectacle est à cet égard particulièrement intéressant. Sans trop en dévoiler, disons simplement que le papillon a enfin réussi à s’émanciper, alors que le reste de la troupe – décor compris – part littéralement en cacahuète, avec un petit clin d’œil aux ravages de l’alcool. Comme quoi, les dérives ne sont jamais loin dans ce microcosme si particulier qu’est le milieu artistique du cabaret.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Music all, de Marco Berrettini, Jonathan Capdevielle et Jérôme Marin, du 19 au 23 octobre 2021 au Pavillon ADC.

Conception :  Marco Berrettini, Jonathan Capdevielle et Jérôme Marin

Avec Marco Berrettini, Jonathan Capdevielle, Jérôme Marin et Franck Saurel

https://pavillon-adc.ch/spectacle/marco-berrettini/

Photos : ©Gregory Batardon

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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