Les réverbères : arts vivants

Ode à la tentative

Le Grand Miroir de Claire Dessimoz, joué au théâtre de l’Orangerie du 21 au 25 août, est un solo attachant, mêlant danse et théâtre, qui invite à tenter de nouvelles choses, échouer, réussir peut-être, mais surtout oser être.

Claire Dessimoz, qui nous attend dans la salle au moment où le public entre, nous annonce la couleur dès le début : le thème sera l’authenticité, dans ses aspects glorieux et ceux qui le sont moins. Elle nous confie qu’il y a une dizaine d’années, elle n’osait pas parler en groupe, et qu’un ami lui avait dit que ce n’était pas généreux, car elle pense, elle observe, mais elle ne partage pas. Depuis, elle essaye. Après quelques pas de danse, comme une timide démonstration, le spectacle gagnera en intensité, dévoilant au fur et à mesure l’impressionnante maîtrise de la danseuse, sur des musiques aussi variées qu’un air d’opéra, Kate Bush ou Kendrick Lamar.

Ce solo est une adaptation inspirée de la  pièce currents currents conçue par Claire Dessimoz et composée à plusieurs en 2021, avec l’intention cette fois-ci d’en faire « une version plus explicite sur la fragilité, une sorte de réduit en sauce de la pièce originale »[1].  L’idée de base reste la même : « se demander comment cohabiter au-delà des différences », trouver quelle serait la meilleure manière d’aller dans l’acceptation de l’autre. Pour ce faire, Claire Dessimoz s’essaye à plusieurs personnages différents, mais plutôt à la manière d’une ado qui endosse des rôles devant le miroir de sa chambre, pour voir. À travers ces différentes facettes, elle nous transmet l’euphorie, la rage, l’errance, la joie, l’anxiété, en passant de l’une à l’autre avec fluidité. Elle reviendra toujours, cependant, à ce personnage attachant, cherchant la validation du public avec des sourires nerveux.

Le questionnement et l’interaction avec le public étaient déjà présents dans currents currents, mais ces procédés sont ici poussés dans les extrêmes avec une récurrence de la question : « Sexy ou pas sexy ? » Le public est ainsi amené à s’interroger sur comment il qualifie, entre autres, les vêtements de sport, les Salomon, le fait de s’arracher la gueule, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, mais aussi le fait de partager ses émotions, ou bien s’autoriser à rêver encore à 40 ans. La question est lancée à chaque fois avec le même ton, en laissant une pause pour la réponse du public, qui est parfois claire, parfois mitigée, ou encore muette. L’intention de Claire Dessimoz avec cette rengaine est « d’interpeller sur ses propres jugements, et se rendre compte collectivement à quel point on a une responsabilité avec nos perceptions. Cela permet de se demander : pourquoi pour moi c’est clair qu’une chose n’est pas sexy alors que le qualificatif est aussi minable ? Cette simple question permet d’avoir un regard tendre sur ce qui nous plait ou pas ».

Grand Miroir est donc une « invitation à tenter des choses, à sans cesse se renouveler », sans avoir peur du ridicule ou du doute. Claire Dessimoz avoue être parfois « gênée par la présence de gens trop brillants sur scène », et préfère plutôt « rendre hommage à l’imparfait ». Suivons-là, et osons essayer d’incarner les différentes versions de nous-mêmes, dans notre plus pure authenticité, quitte à se tromper et recommencer.

Léa Crissaud

Infos pratiques :

Grand Miroir, de et par Claire Dessimoz, sur une base chorégraphique créée avec et par Éléonore Heiniger, Jenny Lacher, Klaire-Alice, Yuta Ishikawa, Valentine Paley. Jouée du 21 au 25 août au Théâtre de l’Orangerie.

https://www.theatreorangerie.ch/events/grand_miroir

https://www.claire.dessimoz.org/fr

Photos : © Anouk Maupu

[1] Propos issus d’un entretien avec Claire Dessimoz à la suite de la représentation.

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