Les réverbères : arts vivants

On voyage à travers les mots à Am Stram Gram

La compagnie La bocca della Luna avec Muriel Imbach en direction artistique et mise en scène amène petit.e.s et grand.e.s à s’interroger sur le langage avec le spectacle Le nom des choses. Sur les planches du théâtre Am Stram Gram, en coproduction avec La Comédie, du 3 au 5 février, on part dans un univers philosophique et poétique autour du mot.

Tout (re)commence ? 

Il fait tout noir dans le théâtre, tout à coup, un son, des flashs lumières et l’on entend tour à tour cinq personnages arriver.

Mais où arrivent-ils ? Et que se passe-t-il ? Et qui sont-iels ?

Il fait encore noir et c’est ainsi que tout commence. Réussir à se présenter, à définir qui c’est « moi », qu’est-ce que cela veut réellement dire.

Cette première scène donne le ton du spectacle, ça joue sur les mots et leurs sens multiples, même leurs sens inconnus ou alors, ceux qu’on pourrait décider de coller sur un mot.

Puis, la lumière grandit, on peut voir des petits morceaux de papier brun foncé tapisser le sol en nombre et, a priori, il n’y a rien d’autre dans cet endroit mais rien n’est moins sûr que cela…

De la question d’identité à la question de définition

Fred, Coline, Cédric, Pierre et Selvi sont ici, dans un espace à la fois imaginaire et réel, et tombent tout à coup, cachés sous le tas de papier, sur des objets (un cochon en plastique, un balai, une boîte en métal, un ballon, une orange, une corde, une boule disco, une plante, des bottes de pluie) dont toute la question sera d’arriver à se mettre d’accord sur le nom de ces objets et leur fonction.

S’ensuit toute une série de stratégies, allant de la visualisation de l’objet à la définition étymologique de ce dernier. Et si tout était juste ? Ou alors tout est faux ? Comment définir ?

Et si on ne peut pas définir, sommes-nous certain.e.s de réellement se comprendre ?

Cette interrogation existentielle viendra chambouler nos acteur.ice.s, qui tenteront coûte que coûte de trouver une manière de catégoriser les objets. Mais catégoriser est aussi une question de perception et de point de vue, alors comment se mettre d’accord sur le dénominateur commun pour le faire ? Et surtout, pourquoi chercher à vouloir toujours mettre dans une case précise les choses et les êtres ?

Est-ce que l’identité et la fonction ne sont pas déterminées en fonction de l’instant, et donc, mouvantes ?

Nos protagonistes vont aussi se poser cette question en interrogeant notre rapport au prénom que l’on nous a attribué à la naissance.

C’est alors que Colline devient Montagne, Fred se transforme en Schtroumpf costaud et Cédric, lui, garde Cédric car il aimerait arriver à vivre l’expérience de la signification de son prénom qui est chef de bataille.

Alors changer de prénom cela veut dire que l’on change de soi ? Et Selvi, qui n’arrive pas à en trouver un nouveau, parce qu’elle ne peut définir, cela veut-il dire que, si une chose n’existe pas encore, on ne peut pas la nommer ? Alors, est-ce que c’est le nom qui influence la chose ou c’est la chose qui donne lieu au nom ? Ou les deux ?

Nous sommes au cœur de questions philosophiques et existentielles, qui sont amenées avec douceur, humour et bienveillance.

Des personnages naï.f.ve.s

Répondre à l’exercice vertigineux et nécessaire qu’est de philosopher, c’est en partie reprendre contact avec son ingénuité, pour aller questionner, chercher, partir à la rencontre de ces « pourquoi » dont on croit avoir la réponse.

Le nom des choses propose ce voyage-là, et, selon moi, réussit le pari de cet exercice sans oublier le jeu théâtral qui est nécessaire à la compréhension du propos.

Encore une fois, je ne peux que m’émerveiller des possibles que cet art offre, alors, bravo !

Eva Carla Francesca Gattobigio

Infos pratiques :

Le nom des choses, de la Cie La Bocca della Luna, du 3 au 12 février 2023 au Théâtre Am Stram Gram, en collaboration avec la Comédie de Genève

Mise en scène: Muriel Imbach

Avec Coline Bardin, Pierre-Isaïe Duc, Cédric Leproust, Fred Ozier et Selvi Pürro

 Photo : © Sylvain Chabloz

Eva Carla Francesca Gattobigio

Eva Carla Francesca Gattobigio rencontre le théâtre à l'âge de huit ans avec la compagnie vaudoise Biloko. Puis, elle va à Genève et expérimente une année au Conservatoire d'art dramatique qui va la mener à étudier à l'école professionnelle de théâtre Serge Martin. Elle sort diplômée en 2021 et co-crée la même année le Collectif Wombat et la Cie Giardini Di Marzo. C'est ainsi qu'elle marche sur les impromptus de la vie; avec joie et folies douces.

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