Les réverbères : arts vivants

Paranoid Paul : (re)faire meute

Cette saison, dans le cadre d’un partenariat, la Pépinière produira des reportages sur les créations programmées au Théâtre Saint-Gervais afin de documenter les méthodes de travail des artistes.

Tandis que la première approche, la troupe de Paranoid Paul est à pied d’œuvre sur les planches du Théâtre Saint-Gervais. Rendez-vous du 26 avril au 4 mai pour découvrir cette pièce !

Le texte de Simon Diard résonne dans la salle. À travers la pénombre, on discerne des ombres – équipe technique, actrice qui attend son entrée, public ami venu assister à la répétition… et le metteur en scène, bien sûr : depuis les fauteuils, Bastien Semenzato scrute ses comédiennes et comédiens, les reprend, les conseille et les oriente avec toujours la même bienveillance, la même envie de partage, le même humour. C’est que la troupe de Paranoid Paul a un défi à relever, ces prochains jours : il y a peu, elle a quitté l’atmosphère familière de la salle de répétition du 6e étage pour s’enfoncer dans le second sous-sol… sous les projecteurs et sur les planches. Il s’agit donc de s’adapter à ce nouveau lieu, d’y (re)trouver ses repères.

Matière-meute

Je retrouve avec plaisir Coline, Davide, Estelle, Azelyne, Antonin et Georgia. Sur scène, dans la lumière froide des projecteurs, ils incarnent les protagonistes de Paranoid Paul : une bande de jeunes adultes qui se connaissent depuis l’enfance et qui évoquent leurs souvenirs communs, entre facéties carnavalesques et sujets graves. C’est que de la gravité, Paranoid Paul n’en manque pas : sur le groupe plane l’ombre de deux absences – Gregg, l’ancien meneur charismatique, et Paul, son souffre-douleur qu’on a perdu de vue. Le groupe évolue sur un plateau presque vide, en dehors de trois blocs de béton (dont l’un dissimule un frigo). La scène est celle de l’ouverture : on s’échange des souvenirs sur fond de parodies. C’est Paul qu’on moque, Paul qui ne voulait jamais aller à l’école parce qu’il ne s’y sentait pas bien, Paul qui téléphonait à sa mère pour inventer des excuses. On raille, on brocarde, on éclate de rire.

« C’est un exercice difficile pour le groupe », me glisse Bastien Semenzato. Difficile et exigeant, ça se voit. La scène oscille entre texte écrit et improvisation : il s’agit d’absorber l’énergie des autres, d’y réagir, de trouver des parades, de s’insérer dans le groupe… comme dans une véritable discussion. L’artificialité est bannie ; ne reste que la spontanéité du jeu (celui qu’on mène avec soi-même mais aussi avec les autres) : on joue ainsi avec ce que Bastien nomme la matière-meute – autrement dit, la manière de se constituer en tant que groupe et en tant qu’individu au sein du groupe. « Pendant les répétitions, nous avons mis en place un protocole de jeu, une manière de fonctionner. Si quelqu’un part trop loin dans l’impro, le protocole permet de retrouver sa place et de repartir. » Et ça marche ! La même scène se joue et se rejoue sous mes yeux, chaque fois avec des variantes : les répliques ne sont jamais prises en charge par la même personne, les parodies de la mère de Paul changent au gré de l’imagination… mais la troupe retombe toujours sur ses pattes.

Grain de sable

Matière-meute – oui… mais comment faire quand un nouveau personnage entre dans la danse ? Tandis que le groupe échange, une étrangère arrive : c’est Dory, qui ne fait pas partie de la bande mais qui les reçoit dans ce qui apparaît comme un espace aménagé (le frigo et les blocs de béton prennent alors leur sens, comme si une salle associative se déployait tout à coup). Peut-elle entrer dans la meute ? Encore trop tôt pour le dire, même si le groupe doit réagir à sa présence qui déstabilise, prenant tout à coup conscience que les souvenirs échangés ne sont peut-être pas si drôles ou anodins que cela…

… une idée que creusera, sans nul doute, Paranoid Paul. Vivement la première le 26 avril !

Magali Bossi

Retrouvez cet article sur le blog du Théâtre Saint-Gervais.

Infos pratiques :

Paranoid Paul, de Simon Diard, du 26 avril au 4 mai 2022 au Théâtre Saint-Gervais.

Mise en scène : Bastien Semenzato

Avec Coline Bardin, Davide Brancato, Estelle Bridet, Azelyne Cartigny, Antonin Noël, Georgia Rushton

https://saintgervais.ch/spectacle/paranoid-paul/

Photo : © Bastien Semenzato

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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