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Quand le sport procure des émotions

On a toutes et tous en tête un souvenir marquant, un moment de sport qui nous a ému·e·s. Dans Je n’ai jamais rien vu de plus fort, plusieurs auteurs et autrices reviennent, à leur manière, sur cet instant qu’ils gardent précieusement dans leur cœur. Un recueil paru chez Cousu Mouche en novembre 2020.

« À quoi tient un légende ? À rien. À une frappe, une seule, déposée à la frontière du ‘’in’’ et du ‘’out’’. Le jour où Roger Federer a su qu’il gagnerait Roland-Garros, j’ai monté mon lit avec, je ne sais pourquoi, le cœur léger et le sentiment du devoir accompli. En plus, Mirka est enceinte. » (Pierre Salinas – Le jour où Roger Federer a su qu’il gagnerait Roland-Garros, p.60)

Qu’on soit supporter·trice inconditionnel·le ou spectateur·trice curieux·se, on se surprend parfois à ressentir des émotions fortes devant le sport, qu’il s’agisse de tennis, biathlon, billard, football, ou gymnastique artistique. Cela peut sembler étrange de s’embraser ainsi derrière un écran, pour des personnes qu’on ne connaît pas personnellement. Et pourtant… on a pu le voir à l’Euro, lorsque la Suisse a battu la France aux tirs au but, de tels moments rapprochent, créant un engouement collectif comme on en voit rarement. C’est ce que raconte cet ouvrage collectif, à travers les souvenirs de tous·tes ces auteur·trice·s, ramenant à l’enfance ou à un passé plus récent.

« Je suis allé me coucher en repensant à la petite Nadia au numéro 73. Et j’étais prêt devant ma télé bien avant la retransmission suivante. Durant ces Jeux, Nadia Comaneci serait parfaite six fois. Une collection de dix. La petite fée répétait l’impossible, comme si elle récitait ses gammes dans un autre monde, avec une légèreté inaccessible au genre humain. Nadia Comaneci. La reine des Jeux. Et aucun homme, même le grand Mark Spitz, ne pouvait prétendre partager son trône. » (Rafaël Rouge – La Fée au numéro 73, p. 65)

Il est parfois difficile de mettre des mots sur les souvenirs d’une émotion, de la beauté de l’instant. D’autant plus quand le moment est lié à l’enfance, avec toute la naïveté et l’incompréhension que cela implique. C’est sans doute ce qui fait la beauté de ce recueil que récits courts. Chacun·e à sa manière tente de retranscrire avec des mots un sentiment fort qu’il ou elle a vécu à un moment donné de sa vie, devant un événement précis. Et si l’on vibre avec les auteur·trice·s, en se rappelant ou non des événements évoqués, c’est un peu de leur intimité qu’on partage. Un jardin qui leur est propre et dans lequel on ne pourra jamais entrer totalement, tant l’émotion provoquée est propre à chaque être humain. Et on ne sait pas toujours pourquoi un moment comme ceux évoqués dans cet ouvrage nous font ressentir ce qu’on ressent : c’est peut-être là toute la force de ces souvenirs, qui se rapportent autant à de grands événements, comme des Jeux Olympiques et autres Coupes du monde, qu’à d’autres plus anodins ou locaux, comme la montée en Bundesliga du « petit » club hambourgeois du FC Sankt Pauli, si bien décrit par Marc Brüderlin :

« Plus on se rapproche de la fin du match, plus l’euphorie gagne un public aussi heureux qu’éméché. Lorsque le coup de sifflet final résonne, nous envahissons la pelouse comme il se doit pour communier avec les joueurs, mais également pour vivre au plus près ce moment historique. Cette promotion en Bundesliga est vécue comme un titre de champion du monde. L’émotion est à son comble à même la pelouse. Bref, des frissons, des vrais… » (Marc Brüderlin – Punk ist nicht tot, p. 17)

« Je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. » s’exclamait un Thierry Roland au bord des larmes après la victoire de la France à la Coupe du Monde 98. Une phrase qui résume assez bien l’entièreté de Je n’ai jamais rien vu de plus fort, avec toute la subjectivité que cela implique. On peut être touché par un moment de sport, alors que d’autres s’en fichent royalement. Certains événements divisent, preuve en est avec deux récits impliquant Lionel Messi, l’un l’idolâtrant, l’autre exprimant son rejet pour la star argentine… Mais une chose est certaine : qu’on aime ou qu’on déteste, ces instants ne laissent pas indifférents. C’est là que réside la beauté du sport, dans les émotions qu’il peut procurer, comme c’est le cas pour d’autres en écoutant certains morceaux de musique, ou en regardant telle ou telle œuvre d’art ou cinématographique. Peut-être ne faut-il pas trop chercher à comprendre ou à expliquer, mais se contenter de ressentir.

Fabien Imhof

Nota Bene : Cette ouvrage fait suite à un autre, en deux tomes, consacré à la musique, dans lequel les auteur·trice·s racontent une chanson devant laquelle iels ont ressenti une forte émotion : https://www.cousumouche.com/?p=3807

Référence : Je n’ai jamais rien vu de plus fort, ouvrage collectif,  Éditions Cousu Mouche, novembre 2020, 131 p.

Photo : © Fabien Imhof

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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