Quand les marionnettes souffrent, elles aussi
On parle beaucoup du mal-être des artistes, des étudiant.e.s, des restaurateur.trice.s et, de manière générale, de toutes celles et ceux touché.e.s par les mesures sanitaires. Mais les marionnettes, elles, qu’en pensent-elles ? Le TMG propose Thérapie de groupes pour marionnettes confinées, un court-métrage dans lequel on leur donne, enfin, la parole.
Après une courte introduction d’Isabelle Matter, directrice du TMG et instigatrice du projet, la thérapie commence, menée par un professionnel. Comme il est de coutume dans ce genre de moments, afin de se libérer un peu, les marionnettes reprennent en cœur des phrases de motivation. Petit clin d’œil à la situation : elles s’appuient sur les citations emblématiques du Conseil fédéral depuis le début de la crise. Spoiler : il est question d’oreiller de paresse et d’aller aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire…
Le ton est immédiatement donné : sans jamais oublier de le dire avec humour, les marionnettes ont des revendications ! Tour à tour, nouvelles ou anciennes, elles s’expriment : on retrouve entre autres Charlie, une saucisse issue du futur Ultra saucisse ; l’emblématique Pamplemousse le tigre ; la jeune Frida Kahlo de La poupée cassée ; ou encore Dany, le jeune garçon de Comme sur des roulettes.
Ce mélange de générations permet bien sûr de parler de plusieurs spectacles qui ont marqué l’histoire du TMG, comme il était prévu de le faire pour le 90ème anniversaire du Théâtre. Subtilement, cette thérapie de groupe évoque les futurs spectacles à venir, ceux qui ont été annulés, ceux qui seront reprogrammés… mais la discussion va plus loin. Les marionnettes se plaignent des problèmes qui se posent pour chacune d’entre elles : l’espoir d’une reprogrammation, l’évolution des marionnettes avec l’apparition de nouvelles techniques, comment on peut se réinventer, ou encore les inévitables théories du complot dont on entend parler si souvent.
L’intérêt d’une telle discussion intergénérationnelle permet également de poser plusieurs débats sur la table. Autour de la marionnette en tant qu’objet et technique scénique, d’abord, avec cette querelle des anciens face aux modernes : marionnettes à fil face au théâtre d’objets, manipulateur.trice.s cachés ou visibles, spectacles face à un public ou utilisation du streaming… Ce dernier débat, on le retrouve bien souvent au sein mêmes des diverses institutions culturelles : entre celleux qui estiment que le théâtre doit rester un art vivant et qu’il ne fait sens que face à des spectateurs et celleux qui choisissent de présenter tout de même le spectacle, à un public virtuel, la question divise. Quelle que soit la réponse choisie, selon ses propres opinions, un constat s’impose : il faut continuer à travailler, en attendant une réouverture !
Mais si les marionnettes se plaignent, elles n’en oublient pas pour autant ce qui les anime et qui reste pour moi le plus beau message de ce court-métrage : l’espoir ! L’espoir d’une réouverture, l’espoir de retrouver le public, l’espoir de pouvoir partager à nouveau… et pour cela, il faut faire entendre aux autorités que la culture est essentielle ! Tout est mis en œuvre pour faire passer ce message subtilement : pourquoi se réinventer, alors qu’on ne demande pas à un médecin de le faire ? Et si on choisit de s’orienter vers un autre métier, lequel choisir : libraire ? coach sportif.ve ? restaurateur.trice ? agent.e de voyage ? On n’oublie d’ailleurs pas de mentionner qu’aucun cluster n’est à signaler au sein des théâtres, que des protocoles stricts ont été mis en place et parfaitement respectés.
En dix petites minutes, ces marionnettes parviennent à rappeler brillamment – et avec une certaine subtilité – l’essentiel des revendications des milieux culturels. Et de conclure sur ce joli message si important : la culture est essentielle, notamment à la formation de la jeunesse. Espérons que le message passera…
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Thérapie de groupe pour marionnettes confinées
d’après une idée originale d’Isabelle Matter
texte : Isabelle Matter et Domenico Carli
avec la précieuse collaboration de : Irène Le Corre
ainsi que des interprètes : Nadim Ahmed, Delphine Barut, Delphine Bouvier, Fanny Brunet, Martine Corbat, Nathalie Cuenet, Chine Curchod, Khaled Khouri.
accompagnement guitare : Luciano Porras
lumières : Claire Firmann
régie générale : Florian Zaramella
musique : Frédérique Jarabo
réalisation : Juan José Lozano
caméra : Jean-François Vercasson, Oscar Bernal
son : Carlos Ibañez
montage : Ana Acosta
production : un projet de transformation du Théâtre des Marionnettes de Genève ©2021
Le court-métrage est disponible ici !
Photo : capture d’écran d’un passage du court-métrage