Les réverbères : arts vivants

Quand Phlip traque son trac

Ce week-end était placé sous le signe familial au Théâtre du Loup. Avec Track Attack, petit·e·s et grand·e·s ont pu appréhender ce sentiment étrange qu’est le trac, le tout en chansons et avec tout l’énergie de Simon Aeschimann et du groupe Elvett.

Phlip (Simon Aeschimann) est seul sur la grande scène. Il s’apprête à exécuter une performance, mais son cœur bat si fort que le bruit le dérange. Avec Phlop (Stéphane Rentznik), son alter ego représentant sa conscience, ils plongent au cœur de son système nerveux pour rencontrer Don Palpito, puis Whisper (tous deux interprétés par Céline Frey, comme tous les personnages que rencontreront Phlip et Phlop), une forme de guide spirituelle de la respiration. Grâce à eux, le problème est réglé ! Mais, à chaque fois qu’il veut remonter sur scène, une nouvelle difficulté survient. C’est suite à cela qu’il rencontrera Monsieur Blanc, Dopa, Monsieur Létron et toute une galerie de personnages, représentatifs de différents indicateurs du trac, qu’il doit appréhender. Jusqu’à affronter LEGO, cet amour propre démesuré qui prendra le rôle de boss final à combattre.

Un spectacle pédago-ludique

Track Attack explore ainsi le trac, ce sentiment étrange qui mêle peur et réjouissance de quelque chose, et qui peut se manifester de différentes manières : cœur qui bat la chamade, transpiration, trou de mémoire, envie soudaine d’aller aux toilettes… En allant découvrir ces différents éléments dans le for intérieur de Phlip, à la rencontre d’organes ou d’émotions, Track Attack présente une dimension pédagogique. Pourtant, il serait réducteur, et presque faux de le définir ainsi, tant l’angle choisi est différent. Il ne s’agit pas d’un spectacle explicatif ou descriptif, mais plutôt d’une expérience vécue par Phlip, avec une dimension véritablement ludique.

Cet aspect ludique est d’abord symbolisé par Phlop, qui adore faire des blagues, est loin de tout prendre au sérieux et surtout, aime imaginer les scénarios les plus étonnants qui soient. Les personnages s’avèrent également plutôt typés, mais représentent plus des entités que des éléments du corps à proprement parler (bien qu’on puisse aisément les relier à certains organes ou à des sentiments qu’on peut éprouver). Ainsi, si l’on prend l’exemple de Don Palpito, on comprend bien vite qu’il s’agit du cœur – les nombreux jeux de mots entourant sa rencontre nous donnent encore quelques indices, si nécessaire – mais l’angle choisi se concentre plutôt sur ce qu’il fait, sa manière de s’emballer à certains moments, notamment lorsque l’excitation est à son comble. Quant à Whisper, qui n’est pas sans rappeler certaines profs de yoga dans son attitude, elle évoque le souffle calme, la respiration, voire même certaines bibliothécaires qui ne supportent pas le moindre bruit…

Le thème du trac, s’il est sérieux et universel, est traité avec finesse et humour, et l’impression de ne pas se prendre au sérieux. En témoignent les nombreux jeux de mots, les personnages très typés, voire parfois caricaturaux, ainsi que la musique parfois exubérante, mais surtout toujours entraînante !

Une musique entraînante

Au-delà de l’histoire qui nous est racontée et que l’on suit avec intérêt, l’autre dimension forte de Track Attack est la musique, omniprésente. Les influences sont très électro-pop, avec en plus la présence d’une basse, d’un synthé et d’une batterie électronique sur la scène. On retrouve aussi des morceaux plus rock, du rap, et de nombreux effets sur la voix, comme l’autotune ou la réverbe. À travers tout cela, on explore différents styles, mais aussi des traitements du son variés. Ajoutons encore les quelques allusions à des classiques de la variété française ou internationale, et on retrouve une recette concoctée pour s’adresser à tout le monde. Loin d’une musique enfantine, elle s’adresse pourtant avant tout à un public jeune, qui peut ainsi découvrir de nouvelles choses, plus ou moins inédites pour ses oreilles.

L’ensemble fonctionne ainsi très bien, grâce aux talents de composition du groupe Elvett et à l’interprétation vocale de Céline Frey, bien accompagnée par ses deux comparses sur scène. Même si certaines paroles ne nous parviennent pas toujours bien, on apprécie les différents thèmes et style abordés, avec des chansons propres à chaque personnage, en lien avec ce qui l’a influencé. LEGO, cet énorme catcheur, rappelle des airs latino, tandis que Don Palpito est accompagné de beaucoup de percussions, à l’inverse d’une Whisper à la musique très apaisante. Notre coup de cœur va sans doute au personnages représentant le système nerveux, particulièrement électrique dans ses bégaiements et dont la chanson aux allures électro a bien réveillé le jeune public.

Au final, Track Attack s’avère être un spectacle surprenant, avec une histoire qu’on prend plaisir à suivre, grâce aux frasques et Phlip et Phlop et à ces rencontres hautes en couleurs. La musique apporte une dimension énergique et métaphorique au tout. Le spectacle ne tombe ainsi pas dans les écueils d’une forme trop pédagogique. Ou l’illustration parfait de ce que signifie apprendre en s’amusant !

Fabien Imhof

Infos pratiques : 

Track Attack, un conte musical tout public, dès 7 ans, par Elvett et Simon Aeschimann, les 11 et 12 mai 2024 au Théâtre du Loup.

Texte : Nicolas Frey

Conception et composition : Simon Aeschimann, Alain Frey et Céline Frey

Mise en scène : Madeleine Piguet Raykov

Avec Simon Aeschimann, Céline Frey et Stéphane Rentznik

https://theatreduloup.ch/spectacle/track-attack/

Photos : © Philippe Pache

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *