Les réverbères : arts vivants

Quand tout devient langage

Un titre plein d’onomatopées, évoquant le monde enfantin : Zang Boum Tuut Kids était à voir pour trois représentations à l’Usine à gaz de Nyon. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur les diverses formes de langage, tout en s’amusant !

Cela commence avec une interaction : Valerio Scamuffa, Olga Onrubia et Diane Müller interrogent les enfants sur ce qui se trouve sur scène. Leur imaginaire nous étonne : la pile de cartons évoque une tour pour l’un, un château fort pour l’autre. La moquette aux étranges motifs fait penser à de l’eau, de l’herbe, ou même des méduses… Au fond, il n’y a pas de bonne réponse, si ce n’est celle-ci : ce décor est un langage. Car est langage. Voilà la réflexion entamée, et les trois comédien·ne·s sur scène qui tenteront de faire découvrir aux enfants diverses manières de communiquer, sans véritable fil rouge si ce n’est celui du partage. Pour ce faire, la présence d’un quatrième personnage sous la forme d’une bouche de taille humaine qui intervient par moments sur le plateau viendra aider à illustrer ce dont il est question.

Un parcours ludique

Le propos n’est pas totalement inconnu à qui possède quelques bases en linguistique. Les écriteaux disposés petit à petit sur la scène rappellent ainsi des concepts bien connus de la science du langage : « le mot », « les langues », « le lien »… Mais ici, pas de place pour les professionnel·le·s, c’est avant tout aux enfants qu’on s’adresse ! L’occasion est belle pour eux de découvrir que le langage, la transmission ne passent pas que par les mots. Ils peuvent, au contraire, s’avérer parfois bien handicapants ! Pour preuve cette anecdote d’Olga Onrubia, dont le français n’est pas la langue maternelle, et qui a confondu « renversé » et « randonnée »… Alors, pour se faire comprendre, nos quatre protagonistes – la bouche en est un à part entière ! – montrent qu’il y a d’autres moyens tout aussi efficaces de communiquer : musique, sons, gestes, lumière…

Tous nos sens seront mis en éveil durant les 45 minutes que dure Zang Boum Tuut Kids. Tous, c’est peut-être exagéré, mais l’ouïe, la vue et le toucher, du moins ! L’ouïe d’abord, car bien sûr, il y a les mots qu’on entend. Mais avant les mots, place aux sons. Les gutturales, ainsi, donnent une impression de râper, de quelque chose de sec, de dur et désagréable. Alors que d’autres sonorités, plus sifflantes, amènent de la douceur et guident vers l’apaisement. Comme la musique, d’ailleurs, dont la mélodie accompagne chacune de nos phrases. Selon l’intonation qu’on y met, l’air change et la signification peut être toute différente. Diane Müller l’illustre bien en accompagnant certains passages avec sa flûte traversière.

La vue, ensuite, prend place avec les gestes, les sourires des comédien·ne·s, mais aussi l’utilisation des néons colorés qui, selon leur disposition, forment certaines lettres et donc des sons, voire des mots différents. Nos paroles sont d’ailleurs bien souvent accompagnées de gestes, et l’on est très attentif à la manière dont la bouche géante bouge… À notre cerveau, ensuite, de faire le lien entre ce qu’il voit et ce qu’il entend. Un exemple tout simple : les enfants paraissent décontenancés, voire apeurés, lorsqu’ils entendent un son, mais ne voient pas d’où il provient. Un phénomène parfaitement exemplifié lorsque les comédiens se cachent au fond de la scène, derrière le décor…

Et puis, il y a le toucher. Le meilleur pour en parler, c’est Valerio Scamuffa qui relie le langage au corps : les mots sortent de nous. Mais, parfois, un geste, une caresse, comme lorsque la bouche vient subrepticement derrière lui, suffit pour en dire bien plus que les mots. Ainsi, on parvient à communiquer. À « se communiquer », même, dit Olga Onrubia, dans une formulation qui n’existe pas dans la langue française, mais qui dit bien ce qu’elle veut dire : comme si le langage était indissociable de qui l’on est.

Au final, Zang Boum Tuut Kids ne nous raconte certes pas une histoire à proprement parler, avec un début et une fin. Mais cela ne dérange pas, car nous ressortons avec l’impression d’avoir compris quelque chose sur nous, sur les rapports humains, sur le langage et ses formes. Parfois, cela fait du bien de se glisser dans la peau d’un enfant et de regarder les choses avec plus de candeur.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Zang Boum Tuut Kids, de Valerio Scamuffa – Cie LaScam, du 21 au 25 septembre 2022 à l’Usine à gaz de Nyon.

Mise en scène collective

Avec Valerio Scamuffa, Olga Onrubia et Diane Müller.

https://usineagaz.ch/event/zang-boum-tuut-kids-la-scam-ch/

Photos : © Usine à gaz

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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