Le banc : cinéma

Redonner un espoir face au gouvernement

En 2013, Jean-Marc Vallée réalisait Dallas Buyers Club, inspiré de la véritable de Ron Woodroof. Ce dernier s’est lancé dans la contrebande de médicaments étrangers pour les séropositifs, dans les années 80, alors que le gouvernement s’obstinait à tester un traitement inefficace.

Nous sommes au Texas, en 1985. Ron Woodroof (Matthew McConaughey) a tout du stéréotype du cowboy : violent, macho et homophobe, il fait du rodéo et carbure à l’alcool, à la cocaïne et au sexe. Tout change lorsqu’il est diagnostiqué séropositif et que le médecin lui annonce qu’il n’a plus que trente jours à vivre. Refusant catégoriquement le diagnostic, Ron multiplie les excès, jusqu’à faire un malaise causé par l’AZT – un médicament testé à petites doses par le gouvernement – qu’il se procure illégalement. C’est suite à cet épisode et aux conseils d’un médecin radié de la profession que sa vision va changer. Il importe des médicaments étrangers qui lui permettent de retrouver la forme et vivre bien au-delà des trente jours escomptés. Faisant la rencontre de Rayon (Jared Leto), une séropositive transgenre, iels décideront de monter leur entreprise, le Dallas Buyers Club : contre un abonnement de 400 dollars par mois, les client·e·s peuvent se procurer autant de médicaments importés qu’iels le désirent.

Lutter face au gouvernement

Alors que le nouveau cocktail de médicaments, combiné à une alimentation plus saine, permet à Ron de retrouver la forme – il vivra finalement encore sept ans après le diagnostic – ce dernier constate que le gouvernement a tort de s’entêter avec l’AZT. La molécule est d’ailleurs utilisée aujourd’hui à des doses infimes dans d’autres médicaments. Soutenu par la Docteure Eva Saks (Jennifer Garner) il se lance donc dans l’importation illégale de traitements, depuis le Japon ou le Mexique. Héros ou criminel ? Si le gouvernement opte pour la seconde option, force est de constater que Ron a les intentions les plus louables qui soient : allonger l’espérance de vie des patients. Son entêtement le conduira à des procès et à une lutte féroce avec certains agents de l’État, qui iront jusqu’à confisquer sa marchandise. Mais Ron n’en démord pas et est soutenu par un nombre de personnes grandissant à vue d’œil. Au final, pas moins de douze Buyers Club se développeront à travers les États-Unis, preuve de l’ampleur du phénomène.

Cette lutte intestine qui émaille tout le film illustre bien le fonctionnement du système américain, où l’argent est roi. Les lobbys pharmaceutiques ont tout le pouvoir. L’une des premières scènes du film est d’ailleurs marquante à cet égard : des représentants en costume parviennent à forcer un hôpital à effectuer des tests avec l’AZT, contre l’avis de tous les médecins présents. On perçoit ainsi le système de santé totalement défaillant, une vérité malheureusement encore d’actualité, malgré les progrès entrevus sous Barack Obama…

Un message de tolérance

L’État du Texas est connu pour être plutôt rétrograde : il est l’un des derniers à avoir aboli l’esclavage, le racisme et l’homophobie y sont encore très présent·e·s… De ce point de vue, la rencontre entre Ron et Rayon est décisive. D’abord méfiant et ne voulant rien avoir à faire avec cette personne qu’il ne considère pas, Ron finira par lier une véritable amitié avec Rayon. Sa perception sur les homosexuels varie du tout au tout et, lorsqu’il croise un de ses anciens amis du rodéo dans une grande surface, il force ce dernier à serrer la main de Rayon et à se comporter de manière civilisée. Comme quoi, même celui qu’on croyait être le pire des homophobes, à une époque et dans un État ou c’était monnaie courante, peut changer…

Surtout, si cette relation, et le film dans son ensemble, fonctionnent aussi bien, c’est grâce au formidable duo d’acteurs qui le portent : Matthew McConaughey et Jared Leto sont au sommet de leur art, dans des rôles compliqués et emblématiques. En témoignent les nombreux pris qui leur ont été attribués. Ajoutez à cela un traitement minutieux de l’image, avec un grain et des tons qui varient selon l’état de santé de Ron, variant d’un jaune pâle aux couleurs les plus brillantes et naturelles qui soient. L’ambiance musicale et la tension dramatique induite par un montage parfaitement réussi font de Dallas Buyers Club un film extrêmement marquant !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Dallas Buyers Club, réalisé par Jean-Marc Vallée, États-Unis, 2013.

Avec Matthew McConaughey, Jared Leto, Jennifer Garner, Denis O’Hare, Steve Zahn, Michael O’Neill, Dallas Roberts…

Photos : ©DR

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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