Les réverbères : arts vivants

Remonter sur scène pour ne pas être invisible

Avec Dense/Scénario, Louise Hanmer proposera un texte sensible, à forte teneur autobiographique. Un moment intimiste qui s’annonce au Galpon, du 11 au 16 février.

Voilà bien longtemps que la danseuse et chorégraphe Louise Hanmer n’était pas montée sur scène dans le cadre de sa Breathless_Cie. Et pour cause, elle a subi une chute qui lui a fait perdre le plein usage de sa main gauche. Autant dire que pour une danseuse, cela remet beaucoup de choses en question. Alors, Louise a écrit un texte, à forte teneur autobiographique, qu’elle interprétera sur la scène du Galpon, dès le 11 février. Le texte se mêlera à une dimension de jeu corporel, dans ce solo qui ne sera – elle y tient – pas du théâtre. Ce ne sera pas non plus de la danse, ni un spectacle de stand-up, bien qu’elle semble s’adresser directement au public. Avec Dense/Scénario, Louise Hanmer propose ainsi une forme hybride de spectacle performatif, un objet curieux qui ouvre sur un espace onirique, porté par une danseuse qui parle et un corps qui raconte.

Lorsque j’assiste à la répétition, dans la pénombre de la salle du Galpon, Louise travaille avec la dramaturge Anne-Laure Sahy, qui lui propose un accompagnement autour du spectacle. Si Dense/Scénario n’est pas à proprement parler du théâtre, il faut tout de même réfléchir aux intentions, dans le corps comme dans la pose de voix. Durant cette répétition, alors que Louise est sur la scène, Anne-Laure prend des notes pour clarifier ces intentions, lui donner des conseils. Pendant ce temps, Clive Jenkins, en charge de la musique, Guillaume Rossier, qui s’occupera des lumières aux côtés de Leo Garcia, et Thérèse Weibel, à la scénographie, notent les timings pour déclencher certains effets, s’assurent que les éléments arrivent au bon moment, s’activent aussi – pour ce qui est de Thérèse – pour que tous les éléments de décor soient bien en place quand il le faut. À la suite de cette répétition, on discute, on échange, sur les positions du corps, les costumes, les gestes à adopter. Louise échange également avec Thérèse sur l’entrée en scène de certains accessoires, leur positionnement. On cherche enfin à marquer les différents personnages convoqués, comment les différencier par le jeu et l’attitude, ou encore le placement. La partition demande ainsi beaucoup d’organisation et de précision et il est difficile, à plus d’une semaine de la première, de prendre des décisions sur certains détails, tant que la vision d’ensemble n’est pas encore totalement claire pour tout le monde.

Récit intime et humour

Durant cette répétition, on assiste à plusieurs scènes, depuis l’ouverture et ce récit partagé avec le public du parcours de danseuse de Louise Hanmer. Elle y évoque également sa maternité tardive, la trisomie de sa sœur, son accident… Il est ainsi question, dans Dense/Scénario, de handicaps, qu’ils soient visibles ou non. Il faut dire que Louise est également psychomotricienne, un métier qui la confronte au quotidien à cette thématique. À travers cela, c’est plus largement la question de la visibilité dans le milieu de la création qui est interrogée dans ce spectacle. Elle y aborde ainsi tout son parcours et tous les éléments qui peuvent conduire à être invisibilisée. Comme elle me le dit au détour d’une discussion : cela va très vite, on disparaît un temps de la scène, et on peut être rapidement oublié. Sur la scène, elle veut donc jouer aussi avec ce rapport entre proximité et profondeur du propos. Pour ce faire, un travail sur les ombres doit encore être effectué, pour rappeler à la fois un côté cabaret, mais aussi une dimension onirique, pour suggérer les différentes strates et couches du propos.

Pour autant, Louise Hanmer ne veut pas créer un spectacle tragique. Dans sa pratique, elle a toujours travaillé autour de différentes thématiques dans lesquelles les objets sur scène et les éléments de décor devenaient personnages, comme des alter-ego. Après son accident, elle a eu envie de préserver cet espace artistique, d’une autre manière, car il lui était impossible de danser et bouger comme elle le faisait auparavant. Après plusieurs étapes de travail, c’est un texte parlé, raconté qui lui est apparu, avec l’aide de Jérôme Richer, qui a apporté ses conseils à l’écriture. Au début, elle souhaitait conserver toutes les hésitations de la langue, avant de retravailler le texte pour qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui. La dimension du jeu est ainsi nouvelle pour elle et, n’étant pas comédienne, elle ne veut pas tout apprendre par cœur. Ce qui l’intéresse, c’est plutôt le chemin que raconte ce texte, et c’est cette intention-là qu’elle cherche à travailler en priorité et qu’il s’agit d’affiner à quelques jours du début des représentations.

À la croisée des disciplines

Sur la scène, il y aura donc plusieurs Louise, qui correspondent aux différents temps de son parcours. Cela devra se retranscrire dans les attitudes corporelles, mais aussi dans le rapport au public, entre proximité, distance et rêverie selon ce qui est narré. Avec cette question centrale : que faire avec son corps ? Il y aura des passages dansés, des images mentales à se créer. La chaise, au centre de la scène, revêt alors un rôle particulièrement important, et c’est autour d’elle que beaucoup de choses se créent. On se questionne sur la bonne distance à adopter lors de certaines scènes, quand est-ce qu’il faudra s’asseoir, se tenir à côté, comment… Si le spectacle est un seule-en-scène – ou presque, mais n’en disons pas plus ici – le travail se fait avec toute l’équipe, et il faut une certaine coordination pour que tout puisse être mis en place.

On le disait, Dense/Scénario prendra une forme hybride et à la croisée de différentes discipline. Ce qu’on peut retenir, c’est la thématique de la chute qui s’avérera centrale. Il y a, bien sûr, cette chute sous la forme de l’accident, qui a été l’un des éléments déclencheurs de ce spectacle. Mais il y a aussi la chute sous la forme du gag, avec un humour tout british qui sera là, tout au long de la représentation, en filigrane. On retrouvera un petit côté absurde et décalé, pour ne pas tomber dans un propos tragique. Car Dense/Scénario n’est pas un spectacle tragique, loin s’en faut !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Dense/Scénario, par la Breathless_Cie, du 11 au 16 février au Théâtre du Galpon.

Conception, texte et jeu : Louise Hanmer

Conseil à l’écriture : Jérôme Richer

Accompagnement dramaturgique : Anne-Laure Sahy

Regard extérieur : Simona Ferrar

Musique : Clive Jenkins

Lumières : Leo Garcia et Guillaume Rossier

Scénographie : Thérèse Weibel

Costumes et administration : Barbara Schlittler

Collaboration costumes : Maria Muscalu

https://galpon.ch/spectacle/dense-scenario/

Photo : ©Laurent Valdès et Vanessa Ferreira Vicente

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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