Les réverbères : arts vivants

Rendre à Benno Besson l’hommage qu’il mérite

Alors que Benno Besson aurait eu 100 ans cette année, la Comédie lui rend hommage, à travers un spectacle documentaire d’enquête. Philippe Macasdar et Carlo Brandt, qui l’ont bien connu, reviennent sur sa carrière, grâce à un immense travail de collection d’archives.

Benno Besson, dont le nom a été depuis donné à un Théâtre à Yverdon, d’où il est originaire, a été directeur de la Comédie de 1982 à 1989. C’est donc dans l’ordre des choses que ce lieu ait été choisi pour lui rendre l’hommage qu’il mérite. Derrière le rideau qui cache la scène avant le spectacle, c’est un véritable laboratoire théâtral qui de dévoile : portants avec des masques emblématiques, table avec micros et livres marquants, une autre table sur laquelle trône une table de mixage et un rétroprojecteur, et enfin un immense écran sur lequel seront projetées les images d’archives. Nous voici dans les coulisses de la vie de Benno Besson, en somme. Dans ce décor, donc, évoluent Philippe Macasdar, qui joue les narrateurs, et Carlo Brandt, qui nous éblouira rapidement en rejouant quelques scènes célèbres… À l’appui de ce spectacle, de nombreuses archives : extraits filmés, publications en lien avec les spectacles, témoignages, mais aussi objets du passé, et j’en passe. Il n’en fallait pas moins pour retracer un parcours aussi riche. On notera d’emblée l’impressionnant travail de collection qui a conduit à cet hommage intitulé BB100. Tribute to Benno Besson.

Une vie bien remplie

BB100. Les initiales de Benno Besson pourraient aussi évoquer celles de Bertolt Brecht. Les deux hommes ont longtemps collaboré et c’est bien le dramaturge allemand qui lui a, pourrait-on dire, mis le pied à l’étrier. Même s’il avait déjà une certaine expérience du théâtre, c’est bien leur rencontre qui a tout changé pour celui qui a grandi dans le Nord-vaudois. Pas étonnant dès lors qu’une longue partie soit consacrée à leur collaboration. Ensuite, Philippe Macasdar revient sur ses nombreuses mise en scène, les lieux qu’il a dirigés : du Berliner Ensemble avec Bertolt Brecht à la Volksbühne de Berlin, jusqu’à la Comédie de Genève, à partir donc de 1982. À travers un nombre incalculable de témoignages et de rencontres – on n’a pas retenu tous les patronymes, tant il y en a ! – c’est surtout sa vision du théâtre qui nous est montrée pendant près de trois heures (qu’on ne voit véritablement pas passer). Le grand focus sur l’emploi des masques permet d’insister sur le rapport qu’il voyait entre réalité et fantastique. Le metteur en scène s’est ainsi toujours amusé avec ces deux aspects, pour sublimer le quotidien à travers son art, lui qui a monté des pièces des plus grands auteurs : Shakespeare, Molière, Brecht, Gozzi…

Un hommage bien vivant

Cet hommage à Benno Besson passe d’abord à travers la voix : celle de Philippe Macasdar, qui accueille le public avant d’ouvrir le rideau, passe en revue des anecdotes, commente les images des spectacles en citant les noms de tou·te·s celles et ceux qui ont collaboré avec Benno Besson : Carlo Brandt bien sûr, mais aussi Colline Serreau, Claude Vuillemin, Manfred Karge, Wolfgang et Matthias Langhoff… La liste paraît interminable, et pas tous les noms ne nous évoquent immédiatement quelque chose. Mais qu’importe ? Philippe Macasdar propose ici une vision totale et exhaustive de la carrière et vie de Benno Besson, et on se prend à l’écouter comme on écouterait un conteur.

Mais l’on ne fait pas que raconter, dans cet hommage. En préambule, Philippe Macasdar évoque un « documentaire vivant », comme une enquête, notamment autour de la mémoire du corps. Et qui de meilleur pour l’incarner que Carlo Brandt, lui qui a tant joué sous la direction de Benno Besson ? L’acteur émaille le texte de quelques scènes emblématiques qu’il rejoue, en évoquant quelques anecdotes : les masques en cuir qui ont vieilli et qu’il ne peut plus porter ou cette fameuse série de trois courtes répliques que Benno Besson lui a fait répéter pendant trois heures pour qu’elles soient parfaites. Voilà de quoi donner une idée du côté perfectionniste du metteur en scène qui ne laissait rien au hasard. C’est avec un plaisir et une émotion non-dissimulée que nous écoutons la tirade du premier comédien dans Hamlet ou bien les fameuses trois répliques (et celles qui suivent) de Tartaglia dans L’oiseau vert… Il y en a encore d’autres, et on aurait même aimé, par gourmandise, en entendre un peu plus. Tant l’acteur incarne avec une incroyable intensité les rôles mis en scène par Benno Besson.

Et après les 2h45 de spectacle – avec entracte – si l’on ne devait retenir qu’une seule chose, ce serait l’admiration que portent toutes celles et ceux qui l’ont côtoyé à Benno Besson. Un metteur en scène certes exigeant, mais un homme hors norme à bien des égards. Et il fallait bien, au minimum, un tel spectacle, pour lui rendre hommage, en attendant les représentations de Vers l’oiseau vert, pour la suite du focus qui lui est consacré en ce mois de novembre !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

BB100. Tribute to Benno Besson, de Philippe Macasdar et Carlo Brandt, du 3 au 6 novembre 2022 à la Comédie de Genève.

Mise en scène : Philippe Macasdar et Carlo Brandt

Avec Philippe Macasdar et Carlo Brandt

https://www.comedie.ch/fr/programme/spectacles/bb100-tribute-to-benno-besson

Photos : © Magali Dougados

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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