Soigner les détails pour que la journée soit parfaite
Cette saison, dans le cadre d’un partenariat, la Pépinière produira des reportages sur les créations programmées au Théâtre Saint-Gervais afin de documenter les méthodes de travail des artistes.
Après une première rencontre avec l’équipe d’Une si parfaite journée, Fabien Imhof a assisté à une répétition, à quelques jours de la première. L’occasion d’apprécier la façon de travailler de la troupe et le soin apporté aux moindres détails.
En arrivant dans la salle du sous-sol, on aperçoit le décor du spectacle. S’il ressemble à ce qu’on avait pu voir en salle de répétition, il paraît cette fois plus définitif, plus abouti. Les chemins dessinés au sol ressortent en couleurs vives sur la moquette noire, les éléments paraissent organisés de manière très précise. Ainsi, des piles d’assiettes trônent devant le mur de bois, des chaises sont empilées dans un coin, des bouteilles sont rassemblées… qui feront d’ailleurs l’objet d’une réflexion sur la géométrie de l’espace. Au centre du mur de bois construit sur le plateau se trouve une ouverture, comme une arche. Le mystère reste total sur ce qui se passe à l’arrière, mais on a une certaine impression de proximité avec ce qui se passera sous nos yeux. Quand on parlait de retrouver le lien, dans notre premier reportage…
Dernière heure de la journée
Lorsque je débarque, après la pause de midi, la troupe s’apprête à entamer sa dernière heure de répétition de la journée. Je fais la connaissance de Ludovic Chazaud, auteur et metteur en scène du spectacle. D’emblée, je perçois son souci du détail et son envie que tout soit parfait, jusqu’au placement et à l’orientation de chaque objet, aussi insignifiant nous paraisse-t-il. Sur le plateau, Celine Bolomey et Coraline Clément reprennent quelques scènes, et il sera surtout question des moments de transition. Pendant ce temps-là, on entend des bruits de machines : les techniciens s’affairent dans l’ombre pour régler encore quelques éléments.
J’assiste donc à quelques scènes du spectacle, comme une forme de teaser, sans avoir le début de la pièce. Une jolie manière d’attiser ma curiosité ! Après chaque scène, Ludovic Chazaud parcourt le plateau, reprenant rapidement chaque moment qui vient d’être joué, soulignant ce qui a bien fonctionné et ce qui devrait encore être testé, jusqu’à trouver la bonne formule. On réfléchir alors au ton employé, aux adresses – parle-t-on au public ? À l’autre ? – mais aussi aux intentions, au jeu de regard et au non-verbal. Une petite modification de l’un de ces éléments peut alors changer toute la manière de se représenter la scène. Petit à petit, on commence à percevoir le ton du spectacle, entre humour et émotion.
Un travail sur les transitions
Pouvoir jongler entre les témoignages diffusés en audio et l’impressionnante galerie de quatorze personnages dans la pièce n’est pas aisé : il faut effectuer un gros travail de mémorisation, non seulement du texte, mais aussi des déplacements, de l’utilisation des objets… Ces derniers représentent certains personnages et permettront de mieux se figurer les scènes. Attention donc à ne pas se mélanger les pinceaux ! À cet égard, les transitions revêtent toute leur importance : l’organisation du plateau se modifie pendant les diffusions d’extraits audio. Tout est fait à vue, mais comment gérer ses déplacements, sa gestuelle ? Car ces transitions en disent long sur les personnages et rien n’est anodin.
Le terme « répétition » prend alors tout son sens : on fait, on refait, en changeant des petits détails, jusqu’à trouver la configuration idéale, même quand cela se passe déjà très bien. À titre d’exemple, alors que la disposition des chaises, tables et autres objets change pendant la diffusion de l’audio, Ludovic Chazaud demande aux comédiennes de porter leur attention sur différents éléments : leur oreille se tend alors vers le témoignage qu’on entend, leur regard s’arrête sur les haut-parleurs puis sur ce qu’elles mettent en place, afin de former un tout duquel elles ne doivent pas être détachées. Sans compter qu’il faut aussi interagir avec les lumières et la musique, gérer les ouvertures de micro… Il faut donc trouver les bons points de repères pour tout fonctionne ensemble.
De cette répétition, je retiens donc tout le travail de mise en scène, celui dont on ne voit que le résultat lorsqu’on assiste à une représentation. Ludovic Chazaud reprend ainsi chaque scène, chaque élément. Il doit avoir pour cela une vision d’ensemble, en se tenant en retrait, tout en étant pleinement et entièrement dans la scène. Au vu du nombre d’éléments visuels et auditifs sur la scène, il faut trouver le juste équilibre, qui n’est pas évident à créer lorsqu’on est en train de jouer. Le regard externe du metteur en scène prend dès lors toute son importance. Une si parfaite journée tend à retrouver le lien, mais n’oublions pas que le spectacle ne pourrait pas exister sans ce fameux lien, précisément.
Fabien Imhof
Retrouvez cet article sur le blog du Théâtre Saint-Gervais.
Infos pratiques :
Une si parfaite journée, de Ludovic Chazaud, sur une conception de Celine Bolomey et Coraline Clément, au Théâtre Saint-Gervais, du 16 au 26 juin 2022.
Mise en scène : Ludovic Chazaud
Avec Celine Bolomey et Coraline Clément
https://saintgervais.ch/spectacle/une-si-parfaite-journee/
Photo : © Celine Bolomey et Coraline Clément