Les réverbères : arts vivants

La famille avant tout, à l’Alchimic

Au Théâtre Alchimic, on a choisi d’attendre la pause estivale dans la bonne humeur. Entre humour et nostalgie, scènes de vie et chansons, Album de famille propose une plongée musicale dans le microcosme familial. À voir du7 au 19 juin, avec la talentueuse Cie du Sans souci !

Une famille, ça repose sur quoi ? Sur des gens, unis par des liens de sang (bien involontaires) et des alliances maritales voulues (quelles qu’elles soient) : des parents, des enfants, des aïeux, des cadettes, des frérots et des frangines, des tantes et des oncles, des cousins ou cousines, des nièces… et j’en passe et des meilleures. La famille, ça s’ancre souvent dans le même lieu : la maison de vacances, ou celle qui a traversé des générations d’héritage… mais ça change parfois de lieu, lorsqu’un de ses membres veut prendre son indépendance (ou demander le divorce). La famille, ça tient enfin sur un tas de petits riens qui, à force de se tisser les uns aux autres sur la trame sans cesse renouvelée des existences individuelles, finissent par former un grand tout.

Bref, vous l’aurez compris, la famille, c’est un peu de tout ça.

Entre les pages de l’album

Au cœur du travail de la Cie du Sans Souci, il y a donc cette entité familiale que tout le monde connaît – car oui, que l’on soit proche d’elle ou que l’on garde ses distances, une famille, on en a toutes et tous une… même si, parfois, on préférerait l’oublier (je ne dis pas ça pour la mienne, notez-le bien !).

Aussi, ce sont des situations bien ordinaires qu’Album de famille va nous raconter. Des vignettes chronologiques, qui nous permettront de suivre (comme au fil d’un véritable album de photos) les sentiers solitaires ou communs qu’empruntent quatre personnages : la mère (Mariline Devaud Gourdon), la fille (Sarah Bertholon), le père (Gildas Thomas) et le fils (Vincent Hedou). Ensemble, ils et elles filent des jours heureux… et moins heureux. Sur trois générations, la Cie du Sans Souci nous propose donc d’évacuer nos soucis, en nous plongeant dans une épopée qui ne manquera pas de raviver nos souvenirs – même (ou plutôt, surtout) les plus intimes. On en ressort avec des images et des rires, des petites larmes et des frémissements, autant d’échos à ce que l’on a un jour ou l’autre vécu soi-même, et que la magie du théâtre se charge de faire remonter dans nos mémoires.

Quatre voix et deux guitares

Pourtant, la particularité d’Album de famille ne réside pas tant dans son propos que dans sa forme. Plutôt qu’une pièce traditionnelle, c’est une histoire chantée que nous propose les quatre comédiennes et comédiens. Accompagnée par les guitares du père et du fils (sans le Saint-Esprit !), la troupe enchaîne les chansons : reprises, compositions originales ou adaptations, ce sont une vingtaine de titres qui, astucieusement rassemblés, dressent le portrait de cette famille comme toutes les autres.

Le chant a cela de puissant qu’il nous entraîne sans heurts dans le récit, et l’on se prend à fredonner des paroles un jour apprises, ou d’autres qu’on ne connaissait même pas avant. Du rire aux larmes, on évoque la vieillesse sur un mode drôlatique (avec une reprise impayable des Vieux mariés de Sardou, mimée toute en genoux tremblants et dentiers qui s’échappent…) ou poétique (Qui a tué grand-maman ? de Polnareff). Les enfants qui grandissent ont droit à Fais pas ci fais pas ça de Dutronc et au très beau Tu m’fais marrer bébé de Volo, qui révèle les yeux brillants et le sourire attendri des jeunes parents. Puis, quand le couple connaît des déboires, Serge Reggiani et Jacques Brel ne sont pas loin avec Mon petit garçon et Quand maman reviendra

Quelques lumières

Des voix, des guitares, des chansons : il n’en faut pas plus à la Cie du Sans Souci pour créer une ambiance… ou plutôt, si. Le tableau ne serait pas complet sans les lumières, spécialement créées pour l’occasion par Jaco Bidermann. Car la lumière constitue, à elle seule, l’entièreté du décor de la pièce. C’est elle qui souligne les costumes acidulés des protagonistes (robe jaune canari pour la mère, pull vintage pour le père, chemise verte pour le fils et jupe rouge pour la fille). C’est elle qui crée les ambiances, qui accompagne les éclats de rire (comme lorsqu’elle se lève sur le public, tandis que les parents cherchent absolument à caser leur progéniture avec un ou une des spectateurices !). C’est elle aussi qui apporte de la douceur dans les moments de doute et de peur – lorsque sont évoquées, autour de la tombe de grand-maman ou d’un feu de camp improvisé, les générations qui passent inexorablement (Dégénérations des Québécois du groupe Mes Aïeux) et les enfants qui s’en vont (Ma fille de Serge Reggiani)…

Alors, parce qu’on a ou pas des enfants ; parce qu’on a ou pas toujours ses parents, ses grands-parents, ses oncles et tantes ; parce qu’on soi-même est tante, oncle, sœur, cousin et tant d’autres choses encore – on rit et on pleure en feuilletant cet Album de famille.

Et on se dit qu’après tout, la famille, comme le théâtre et comme la vie, ça tient à pas grand-chose.

Merci.

Magali Bossi

Infos pratiques :

Album de famille, de la Cie du Sans Souci, du 7 au 19 juin 2022 au Théâtre Alchimic.

Mise en scène : Isabelle Turschwell et Lauri Lupi

Avec Mariline Devaud Gourdon, Sarah Bertholon, Gildas Thomas et Vincent Hedou

Création lumières : Jaco Bidermann

Photo : © Julien Voisin

https://alchimic.ch/album-de-famille-2/#

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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