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Soigner par les mots

« Je ne suis pas douée pour écrire l’apaisement. Mon vocabulaire contient surtout des mots pour décrire des traumatismes, des miracles, des résurrections ou des catastrophes. Je manque de ressources pour parler en douceur, en langueur, en mots paisibles. » (p. 40)

Des mots crus, violents, vulgaires pour exorciser ses maux. Voilà ce que propose Michelle Lapierre-Dallaire dans son premier roman intitulé Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok paru durant l’été 2021 au Québec.

Violences, drogues et maladies mentales font, sans détour ni censure, la matière de ce récit. Cette autofiction peut être appréhendée comme une version contemporaine de L’Amant de Marguerite Duras, principalement par la relation douce-amère entre l’écrivaine et sa mère, mais aussi à travers ses relations amoureuses et sexuelles avec des hommes plus âgés racontées sans faux-fuyant. La jeune autrice nous emmène dans un voyage entre les rires et les pleurs, dans les tréfonds de l’âme d’une adulte en lutte perpétuelle contre ses traumatismes d’enfance. Comme sur des montagnes russes, le lecteur passe de moments lumineux, poétiques et sensuels, au récit des actes les plus abjects qui puissent être commis à l’égard d’un enfant. Y avait-il des limites… est un cri du cœur qui ne laissera personne indifférent. Ce récit prend aux tripes et nous laisse sans voix, le cœur au bord des lèvres.

« J’ai vite appris que les choses longues et dures et le trou entre mes cuisses allaient de pair. C’est pour ça que j’ai pris les devants, parfois. En m’insérant moi-même des choses devant mon beau-père. […] Si je choisissais moi-même les objets […], je contrôlais le moment. Je pouvais m’en débarrasser avant le souper. » (p. 30).

Pourtant, malgré la noirceur de son roman, Michelle Lapierre-Dallaire n’oublie pas de transmettre une lueur d’espoir à toutes les victimes qui s’identifient de près ou de loin à son personnage : « Nous sommes courageuses, audacieuses, concupiscentes, irrévérencieuses et indépendantes. Nous sommes viriles, nous aussi. Le courage, la vaillance, la force ne leur appartiennent pas. » (p. 148)

Avertissement : ce roman est une lecture difficile qui aborde des thèmes très violents à travers un vocabulaire sans fard.

Samia Rouijel

Références :

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok, Michelle Lapierre-Dallaire, Ed. le nouvel attila, 2021, 157 p.

Photo : © Samia Rouijel

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