Les réverbères : arts vivants

Sous le chapiteau des Vergers, ça décape, ça décoiffe, ça envoie !

La compagnie de cirque La Compagnie livre un spectacle de cirque contemporain nommé Pandax, explosif et chaleureux à voir sous le chapiteau du Centre sportif des Vergers, une programmation du Théâtre Forum Meyrin, jusqu’au 17 décembre.   

Giovanni Cappelli

C’est dans une Fiat Panda un peu toute pourrave, avec l’inscription « Giovanni Cappelli » sur la plaque arrière, que cinq frères partent sur les routes qui mènent vers on ne sait pas très bien où, mais franchement, peu importe car il est question d’accidents et d’errances.

Accompagnés de l’urne de leur défunt papa, ces cinq frères, qui n’ont a priori pas grand-chose d’autre en commun que traverser le deuil de leur géniteur, s’apprêtent à vivre une série de périples hauts en couleur et en voltige.

Ça passe du mât chinois à l’équilibre sur échelle sans aucune difficulté, ça fait rire, ça surprend, ça dégomme et c’est sensible.

Le tout donne lieu à un objet artistique d’une esthétique et construction contemporaine épatante.

Au service du récit

Tout au long du spectacle, nous assistons à une série de disciplines issues du cirque, comme le lancer de couteau ou l’acrobatie, qui se mettent au service de la dramaturgie et du récit.

En effet, et c’est là toute la beauté de cette pièce, il s’agit bel et bien de raconter une histoire à travers le mouvement, l’action physique et, bien sûr, les outils du cirque.

La construction de l’histoire est autant magnifiquement éclatée que fine.

Éclatée parce que parfois, il est difficile de se raccrocher au sens premier de l’histoire mais, je dois avouer, cela n’a pas grande importance.

Fine, parce que la proposition rythmique du spectacle, en plus des outils choisis pour transposer la dynamique du deuil et de la fratrie, est merveilleusement produite. Il ne s’agit pas que d’envoyer du spectaculaire, bien que quand il a lieu c’est pour le grand bonheur de tou.te.s, mais d’aller chercher à traduire de manière physique, dans toute sa complexité et sa richesse, ces deux thématiques principales du spectacle.

Ce qui donne lieu à des numéros, pour reprendre le terme classique, autant drôle que poétique, autant concret qu’abstrait, le tout toujours avec énergie et sensibilité.  

Au goût du jour

Peut-on encore parler de numéro ? Si je reprends ce terme, c’est parce que Pandax propose de garder les traces de l’histoire du cirque et de la poursuivre avec les enjeux modernes.

Aller chercher dans les origines le merveilleux, ne pas l’oublier, et le transposer aujourd’hui. C’est ce que propose la séquence en mobylette, le concert bonus à la fin de la représentation, la culture de l‘échange et l’horizontalité entre artistes et public, enfin, toutes ces choses qui font que ce monde circassien.ne.s est parfaitement humain.

Plateau circulaire, en proximité avec le public

Une des forces du chapiteau est la possibilité qu’il offre d’être en rapport intime avec les spectateur.ice.s, il permet de créer du lien, de par sa disposition et l’univers légendaire qu’il transporte avec lui.

Entrer dans un chapiteau, c’est déjà quelque chose et, la proposition scénographique sobre faite, permet à chacun.e d’ouvrir son imaginaire, de projeter, finalement, de partir en voyage aussi !

Cette proximité particulière est exploitée à de nombreux moments au cours du spectacle. Au travers des regards, de la distance entre public et interprètes, des entrées et sorties.

5 frères, 8 protagonistes

Musique live somptueuse avec des inspirations allant du jazz à Goran Bregović[1], elle fait partie intégrante du propos et de la pièce.

En effet, les trois artistes multi-instrumentistes sont à la fois en soutien à l’ambiance et au propos, et à la fois actrices à part entière. Elles sont motrices et, par leur statut particulier qui n’est ni d’être personnages officiels, ni uniquement musiciennes, elles apportent une dimension de lecture supplémentaire décalée et loufoque par moment, forte et douce par d’autres.

Difficile d’être plus pluridisciplinaire que ça, Pandax propose des artistes riches en talents et en idées, mais par-dessus tout, et cela se ressent, bouillonnant d’humanité et de vivacité.

Eva Carla Francesca Gattobigio

Infos pratiques :

Pandax, de la compagnie La Compagnie, du 6 au 17 décembre 2022, sous le chapiteau du Centre Sportif des Vergers, une programmation du Théâtre Forum Meyrin.

Co mise en piste : Nicole Lagarde et cirque la compagnie

Avec Zackary Arnaud, Baptiste Clerc, Boris Fodella, Charlie Mach, Nicolas Provot, Seraina De Block, Ondine Cantineau, Astrid Creve

Photos : © Lisa Boniface (banner) et Juliette Mac (inner)

[1] Musicien et compositeur bosniaque, connu notamment pour sa collaboration dans les films d’Emir Kusturica.

Eva Carla Francesca Gattobigio

Eva Carla Francesca Gattobigio rencontre le théâtre à l'âge de huit ans avec la compagnie vaudoise Biloko. Puis, elle va à Genève et expérimente une année au Conservatoire d'art dramatique qui va la mener à étudier à l'école professionnelle de théâtre Serge Martin. Elle sort diplômée en 2021 et co-crée la même année le Collectif Wombat et la Cie Giardini Di Marzo. C'est ainsi qu'elle marche sur les impromptus de la vie; avec joie et folies douces.

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