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BA7 – Critiques pour donner du sens

Les étudiants de l’atelier d’écriture du BA7 de français moderne de l’Université de Genève s’attellent à l’exercice de la critique. Aujourd’hui, Morgane Peter redonne la parole aux animaux victimes de spécisme, tant que Léa Pfister nous accompagne dans la quête d’un homme entre l’Écosse et la Suisse…

Celles et ceux dont on ne parle pas

« C’est qu’on ne tue jamais mieux qu’en riant. Il faut son content de gencives tièdes, un peu brillantes, heureuses d’être au monde pour une belle flaque de sang. […] Pas de pendus aux grands arbres sans se fendre la pipe ; pas de fosses communes sans franche marrade. » (p. 15).

Récit. Étouffés dans un silence permanent, les animaux hurlent dans l’ombre. L’Histoire entasse chaque année plus de 100 000 000 000 cadavres. Car ce n’est pas si grave, certaines entreprises sont familiales, leurs vies sont oubliables. Mais « la mort l’est sans doute un peu moins quand les vivants la content » (p. 19). Alors Joseph Andras rend justice. Il visibilise les victimes du spécisme et parle de celles et ceux qui s’opposent au statu quo.

Ainsi nous leur faisons la guerre, paru en 2021 aux éditions Actes Sud, est un récit à la croisée des luttes sociales rendant enfin leur juste place à celles et ceux qui ne sont pas humains-es. Dans ce triptyque composé de faits réels distincts ayant pris place à différentes époques, l’auteur révèle ces acteurs et actrices malgré elles. Il décrit le sanglant d’une vivisection publique et l’émoi politique qui en découle dans l’Angleterre de 1907, quand des « bonnes femmes » prennent la défense « d’un clébard ». Il met des mots sur la libération d’un petit singe rendu aveugle pour la recherche dans un laboratoire de Californie en 1985, et évoque ses complices anonymes dont le cœur se consume de ne pouvoir sauver chacune et chacun d’entre eux. Enfin, il fait de nous des spectateurs haletants d’une course-poursuite à Charleville-Mézières, en France, en 2014 : une vache et un veau, une mère et son petit, héros de leur propre fuite, ont sauté d’un camion qui les menait vers l’abattoir. Un dernier évènement intense, dont toute une partie est retranscrite en une seule phrase étirée sur trois pages, les virgules essoufflent les lecteurs/ices autant que l’évadée s’épuise.

« Des carcasses pareilles à celle qu’elle aurait dû devenir, il en produit sans avarice, ce monde. [Des] millions d’âmes chaque jour à l’abattoir, […] [un] chiffre que nul ne parvient à se représenter car la raison même tombe dans le trou des zéros. » (p. 84).

Le cynisme est acide et l’amour déborde à chaque mot. Des formulations poétiques généreusement infusées sur nonante pages qui soufflent doucement sur les braises de la révolte. Il dédie ces lignes aux activistes œuvrant sans relâche, et quoi qu’il en coûte, pour celles et ceux que l’on n’écoute pas. En somme, ce livre rappelle la résistance, renforce les convergences, ravive ces émotions qui grondent dans le ventre.

Morgane Peter

Références :

Joseph Andras, Ainsi nous leur faisons la guerre, Paris, Actes Sud, 2021, 90p.

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En quête de sens

« Tout avait terni, changé, perdu ses couleurs pour ne s’apparenter qu’à un mauvais film en noir et blanc où le gris ne ressemblait qu’au gris. » (p. 18)

Jul Jarson semble avoir laissé passer sa chance. L’amour et l’inspiration presque noyés dans son verre de whisky, il doit se résoudre à la cure dans son nouveau pays d’adoption, l’Écosse. Mais à travers les mugissements du vent de l’île de Mull, alors qu’il se heurte une fois de plus à son propre passé, un homme lui fait une étrange proposition : découvrir ce qui est advenu de la femme de sa vie, disparue des décennies plus tôt, et que ses yeux aveugles tentent en vain de retrouver dans l’éclat du soleil. Jul s’embarque alors pour sa terre natale, la Suisse, en quête d’une vérité enfouie, mais aussi de ses propres sens.

L’Homme tournesol est le deuxième roman d’Olivier Papaux. Après Les Enfants de la baie, il donne à nouveau la parole, ou plutôt la plume, à l’écrivain à succès Jul Jarson. Des falaises écossaises aux montagnes du Haut-Valais, le récit séduit et tire sa force d’une enquête au milieu d’une nature sauvage et éclatante, dont les riches descriptions transpercent, au-delà de la cécité, le cœur des personnages et des lecteurs.

Néanmoins, alors que l’histoire est d’abord entraînée par le besoin d’introspection de l’écrivain et ses tourments personnels, de l’amour à l’alcoolisme en passant par le traumatisme familial, ceux-ci perdent rapidement de leur poids face à la trame de l’enquête et ses protagonistes. Ainsi, alors que la quête intérieure de Jul s’amenuise, il reste pourtant une envie d’aller plus loin, qu’il faudra réfréner – du moins jusqu’à la prochaine fois.

« Sur la ligne ciselée de l’horizon émerge un flot de désirs inassouvis, l’absence de mon père, la détresse d’un amour gâché. […] Il manque une part de moi. » (p. 167)

Léa Pfister

Références :

Olivier Papaux, L’Homme tournesol, Genève, Encre Fraîche, 2022, 206 p.

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