Survivre à l’apocalypse en improvisant

Un spectacle d’improvisation dans un sous-sol, à la sauce postapocalyptique, c’est ce que propose le Théâtre le Caveau, avec Bunker, nous sommes les survivants. Ou comment faire rire pour dédramatiser une situation que nous espérons tout simplement ne pas vivre !

Le concept est simple : deux personnes qui ne se connaissent pas (interprétées en alternance par Odile Cantero, Anna Krenger et Paul Berrocal) se retrouvent enfermées ensemble dans un bunker. En préambule, une voix off demande au public de leur trouver un prénom, leur métier, de leur confier un objet parmi une liste proposée et de définir la situation qui les a conduit·e·s à se retrouver dans le bunker. C’est ainsi que, lors de la première, Marius (Paul Berrocal), chauffagiste, avec une photo en poche, et Eugénie (Odile Cantero), photographe munie d’un couteau, se réfugient dans le sous-sol d’un immeuble pour échapper à des limaces alien qui gobent les individus sur leur passage… Pendant environ une heure, le duo improvisera les jours qui passent enfermés sous la terre.

Ne pas perdre le rythme

Le risque dans un spectacle d’improvisation est de manquer de rythme. De nombreux facteurs influent ainsi sur ce qui se passe sur scène : répondant entre les deux protagonistes, énergie du soir, public, choix des thèmes et contraintes… Bien sûr, il n’y a pas de texte écrit auquel se raccrocher. Alors, pour éviter de tomber dans ce piège, la Compagnie Les Grands Félins a imaginé quelques subterfuges permettant aux comédien·ne·s de se rattraper en cas de temps mort. Sur la scène, on retrouve donc deux lits, une caisse avec de la nourriture et un jerricane rempli d’eau. Le tout délimité par du scotch blanc au sol figurant l’espace du bunker. En-dehors de cet espace, deux zones, en fond de scène, avec un micro, et des livres et autres textes fournis par le public, que les deux protagonistes peuvent aller lire pour relancer l’intrigue. En plus de ces lectures, l’un·e ou l’autre prend parfois l’initiative, à la lumière d’un souvenir évoqué, d’aller inventer cette scène du passé, comme un écho qui revient dans les moments de solitude. La régie peut ainsi rediffuser des extraits dans des moments où le spectacle perdrait quelque peu en rythme. Elle joue également avec la lumière, pour faire passer les jours et mettre fin à certaines scènes. De ce fait, l’énergie est constamment renouvelée, et c’est là un excellent moyen de captiver l’attention du public en permanence.

Rire pour ne pas sombrer

La thématique abordée n’est de loin pas heureuse : on tente désespérément de survivre à une situation d’apocalypse, comme dans un roman d’anticipation. Pour ajouter encore une difficulté, les deux protagonistes ne se connaissent pas et se retrouvent là un peu par hasard. Plusieurs difficultés s’imposent alors aux improvisateur·trice·s : parvenir à créer un dialogue entre deux inconnu·e·s et faire rire. Car c’est bien là aussi la promesse qui nous est faite… Et ça fonctionne !

Pour ce faire, les deux comédien·ne·s redoublent d’imagination : en exagérant un trait de caractère d’un personnage, comme ces quatre jours passés par Eugénie sans parler, à se morfondre dans son lit, ou ce moment ou Marius décide de sortir voir ce qui se passe parce qu’il ne supporte pas de rester trop longtemps avec les mêmes personnes. On évoquera aussi le comique de répétition, comme quand Eugénie insiste sur le fait que la façon dont les limaces alien gobent les êtres humains est vraiment « dégueulasse ». Là où les improvisateur·trice·s excellent tout particulièrement, c’est avant tout dans leur manière de s’adapter à la situation. Ainsi, iels parviennent à créer des moments de silence ou de malaise, comme on en connaît toutes et tous lorsqu’on doit apprendre à connaître une personne… L’isolement et l’absence de contact avec l’extérieur n’aide pas, et Odile Cantero et Paul Berrocal parviennent magnifiquement à le faire ressentir. Au rythme des jours qui passent, iels parviennent toutefois à montrer l’évolution de la relation entre les deux personnages, qui se livrent de plus en plus, s’apprivoisent, se confient l’un·e à l’autre, sans jamais en faire trop.

Bunker, nous sommes les survivants, c’est à découvrir tous les soirs jusqu’à dimanche, avec une situation toujours inédite, des personnages sans cesse renouvelés, pour un spectacle unique chaque soir ! Et on ne doute pas que, quelque soit le duo présent, il parviendra tous les soirs à montrer une histoire construite sur le moment, qui tient la route et nous fait rire et réfléchir ! Chapeau bas aux artistes !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Bunker, nous sommes les survivants, un spectacle d’improvisation de la Compagnie Les Grands Félins

Technique : Tiago Branquino

Avec (en alternance) Odile Cantero, Anna Krenger et Paul Berrocal

https://theatrelecaveau.ch/show/bunker-nous-sommes-les-survivant%C2%B7e%C2%B7s/2022-09-22/

Photo : © Théâtre Le Caveau

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *