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Surya Baudet, une femme entre photo et montagne

Il est des rencontres qui vous emmènent là où vous ne vous y attendiez pas. Elles se passent, le plus souvent, dans des endroits familiers – un café, par exemple. C’est à la table de l’un d’eux que j’ai rencontré Surya Baudet, autrice, alpiniste et citoyenne du monde. Autour d’un thé, nous avons parlé littérature, chamanisme… mais surtout, émerveillement face au monde.

La Pépinière : Bonjour Surya ! C’est un plaisir de vous rencontrer aujourd’hui pour parler de deux de vos ouvrages : Une Femme, l’amour et l’Inde (2016) et Passagère du Vent : chemins initiatiques à travers l’Asie (2022). Ces deux textes font une large place à l’ailleurs – l’ailleurs géographique que l’on découvre à travers le voyage et, plus particulièrement, la marche (dans la jungle de Bornéo, ou au cœur de l’Himalaya et jusqu’au Tibet), mais aussi l’ailleurs intérieur qui permet de mettre au jour une facette inconnue de soi-même. Avant de plonger plus profondément dans ces livres, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Surya Baudet : Née en Suisse en 1959, je me considère citoyenne du monde. Au fil d’une vie éclectique, j’ai développé de multiples facettes : enfant, j’avais le feu sacré pour la danse, qui a occupé une place importante jusqu’à mes 40 ans et que je continue à pratiquer. Après des études de lettres, jeune adulte, j’ai exercé le métier de secrétaire… tout en consacrant mes loisirs aux sports de montagne – alpinisme, escalade, parapente et ski de randonnée. À partir de 25 ans, le yoga est devenu pour moi une pratique quasi-quotidienne, qui a transformé mon rapport au corps, au monde et affiné mes perceptions. Au cours de ma vie, j’ai exercé toutes sortes de métiers et aujourd’hui, la photographie et l’écriture tiennent une grande place dans mon existence.

La Pépinière : Vos deux ouvrages, qui mêlent d’ailleurs photographie et écriture, se présentent comme des récits de voyage et des expériences de vie. Pouvez-vous les résumer en quelques mots ?

S. B. : Une Femme l’Amour et l’Inde est le récit autobiographique de mon histoire d’amour avec un sādhu (un « saint homme », dans l’hindouisme) nommé Chiva Murari Ram. Je l’ai rencontré à la fin d’un grand voyage, dans un petit village des contreforts himalayens. Avec lui, j’ai pérégriné pendant quatre mois, de Manali à Bénarès. J’ai rencontré d’autres ascètes, participé à des rituels et découvert le mode de vie de ces moines errants. Passagère du Vent relate quant à lui les aventures vécues au cours d’un périple initiatique de dix-huit mois que j’ai effectué seule en Asie. Je suis partie à la fois à la rencontre des peuples, des cultures et des religions des pays que j’ai traversé… mais aussi à la rencontre de moi-même. Le récit fait des aller-retours entre le passé et le futur, par rapport à la temporalité du voyage – ce qui permet d’ajouter à l’histoire une réflexion après-coup. Les deux ouvrages ont été publiés en autoédition et sont illustrés avec les photographies que j’ai prises pendant ces aventures.

La Pépinière : Comment ces récits sont-ils nés ? Pour qui, pour quoi avez-vous pris la plume ?

S.B. : L’idée m’est venue en voyageant, en prenant conscience de la singularité de chaque voyage. J’ai eu envie de les partager avec un public plus large que mon cercle d’amis et de connaissances. Mais l’écriture a d’abord été une forme de thérapie : j’avais rédigé un premier manuscrit que je n’ai jamais publié, faute de cohérence et de maturité. Pendant longtemps, j’ai été un peu désemparée quant à la structure que je voulais lui donner : allais-je consacrer un livre à l’Inde et un autre au reste du voyage… ou procéder par thème ? Serait-il plus intéressant de mettre l’accent sur les aventures extérieures, ou sur mon cheminement intérieur ? Finalement, j’ai choisi de me simplifier la tâche en racontant d’abord mon vécu avec Murari Baba, avant d’envisager sans difficulté la structure complexe de Passagère du Vent.

La Pépinière : D’où vous vient cette passion du voyage ? Est-ce qu’il y a des figures emblématiques qui vous ont inspirée ?

S. B. : Adolescente, je rêvais de voyages au long cours, comme ceux d’Ella Maillart ou d’Alexandra David Neel, qui m’ont beaucoup inspirées. À 41 ans, c’est un premier périple au Népal et en Inde qui m’a servi d’élan. J’ai suivi mon rêve : partir à l’aventure sans préparation, sans connaître ni l’itinéraire, ni même la durée. Cette expérience, comme celles qui ont suivi, m’a beaucoup appris.

La Pépinière : Notamment d’un point de vue spirituel, n’est-ce pas ?

S. B. : C’est un peu plus compliqué. La spiritualité est devenue importante pour moi à la suite d’une chute mortelle, un accident d’alpinisme dont je suis miraculeusement sortie vivante. Dès mon premier contact avec l’Inde, voyage et spiritualité ont commencé à converger au fil des questionnements, des prises de consciences et des rencontres. J’ai appris à me connaître, à manifester de plus en plus l’être que je suis vraiment. Certains sites m’ont particulièrement inspirée – c’est le cas, par exemple, des sources du Gange.

La Pépinière : Quel parcours ! Parlons un peu de la suite de la route. Quels sont vos projets pour l’avenir ?

S. B. : J’aimerais beaucoup découvrir les sites des peuples précolombiens, au Pérou et au Mexique. Rencontrer les aigliers [ndla : chasseurs traditionnels utilisant un aigle pour rapporter le gibier] dans l’Altaï mongole… retourner en Islande pour faire de la photographie… et tant d’autres choses encore ! Au niveau de l’écriture, j’ai deux projets en cours. Le premier est un livre-photo intitulé Tous les sourires du monde, un hymne à la joie, pour lequel je cherche un éditeur. Le second, encore à l’état d’ébauche, s’intitule Vertigo girl, l’escarpement est ton royaume et raconte mes aventures alpines avec mon compagnon de l’époque.

La Pépinière : Et pour finir, évoquons votre actualité immédiate. Vous avez une exposition photo tout prochainement, n’est-ce pas ?

S. B. : Tout à fait. Elle se tiendra du 15 novembre au 15 décembre 2024 dans le Val d’Hérens, à Mase – et plus précisément à la Galerie de l’Écurie des Chèvres. J’y exposerai en compagnie de deux autres artistes : Françoise Deladoëy (dessin) et Marianne Müller (céramique). Le vernissage, qui aura lieu le 16 novembre, sera accompagné par la chanteuse lyrique Doris Sergy, qui interprétera a capella des chants judéo-espagnols. Les 23-24 novembre et 7-8 décembre, j’y lirai également des extraits de Passagère du vent.

La Pépinière : Nous vous souhaitons un joli succès pour cette exposition ! Merci pour le temps que vous nous avez accordé et, comme on dit aux voyageurs et voyageuses au moment de (re)partir sur les routes : bon vent !

Magali Bossi

Références :

Surya Baudet, Passagère du Vent : chemins initiatiques à travers l’Asie, éditions Safran, 2022.

—, Une Femme, l’amour et l’Inde, éditions Safran, 2016.

Pour en savoir plus sur Surya Baudet :

https://suryabinath.blogspot.com/ et https://www.tumblr.com/suryabaudet

Infos pratiques

Exposition à la Galerie de l’Écurie des Chèvres

Du 15 novembre au 15 décembre 2024 (vernissage le 16 novembre dès 17h)

Adresse : rue du Moulin, 1968 Mase

Organisation : Association des Amis de Mase

https://nax-region.ch/activites/culture/ecurie-des-chevres

Photos : © Surya Baudet

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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