Les réverbères : arts vivants

The Rat Pack made in Bigard

Entre rires aux éclats et silence de tombe – Classe !, un spectacle au Théâtre Le 12-18 – c’était à voir jusqu’au 18 décembre.

Fin d’année, fin de journée, l’affiche du 12-18 présente un duo : Cécile Giroud et Yann Stotz dans un spectacle qui promet d’être un show éblouissant, du jamais vu. L’émission Les Années bonheurs de Patrick Sébastien les a accueillis en chouchou de l’animateur. Une belle idée en période de fêtes.

Classe ! L’injonction en titre débute le spectacle avec une voix de crooner à la Dean Martin. Yann Stotz, avec son complet trois pièces, semble né pour porter l’habit du chanteur à voix, Cécile Giroud lui emboîte le pas sur le même registre. Le duo est complice. Sous les lumières l’incipit du spectacle est percutant et la qualité de l’hommage aux crooners du Rat Pack (Dean Martin, Franck Sinatra, Samy Davis Jr…) renforce encore une fois l’idée portée par l’affiche.

Seulement, en y regardant avec plus d’attention, sur cette dernière – de bonne composition graphique – le titre Classe ! chute avec la dernière lettre. Cet effet n’est pas sans sens et rapidement sur scène, le public le comprend. La salle quitte Las Vegas et bascule pour une ambiance de cabaret plus grivoise, un univers plus burlesque. Le duo change de registre : c’était promis sur l’affiche par la composition du titre.

La rupture est nette, immédiate, surprenante. Le registre passe instantanément sous la ceinture. Éclats de rire pour les tenants du genre, silence médusé pour les autres. Le premier rang – c’est notoirement connu… les places y sont souvent « dangereuses » – est pris à partie. Un classique du genre que d’apostropher une personne du public. Ici, il était question de la vivacité des attributs masculins soulignées par un geste devenu culte depuis que Jean-Luc Bideau l’a mis en évidence dans le film Et la tendresse bordel. Or, si une personne du public peut être – le temps de faire rire – la tête de turc du spectacle ; la règle des planches veut qu’il y ait toujours une porte de sortie honorable présentée par l’animateur… Or, il n’en a rien été. La personne par trois fois désignée n’avait que l’impassibilité comme échappatoire. Encore une fois, ce n’est pas la règle.

Le rythme est soutenu. Le couple possède un indéniable don pour le métier et la pompe à gags fonctionne à plein régime. C’est rapide, vif, avec çà et là, de véritables traits d’esprit. Les tableaux s’enchaînent donc avec un humour qui rappelle les dessins satiriques d’Albert Dubout et ses femmes aux seins énormes et fesses accordées. Image illustrée en chanson par Brassens dans sa chanson Au marché de Brive la Gaillarde. Or ici souvent, le passage sous la ceinture glisse fortement jusque dans les tréfonds de l’entrejambe. Le duo semble prisonnier de son style. La salle reste divisée entre francs éclats de rire des aficionados et silence de tombe des autres.

Grivois, gaulois avec des références qui rappellent les Frères Taloche, Florence Foresti, Aldo Maccione et son indétrônable « classe » dans le film L’aventure c’est l’aventure, jusqu’au capitaine Haddock. Les sketchs sont accompagnés et illustrés au piano par Cécile Giroud, plus virtuose sur un clavier de ses mains que des proéminences de son corps. Toujours ce difficile équilibre entre grossièreté et vulgarité. À souligner, une très belle rupture quand Cécile Giroud apostrophe l’éclairagiste.

Puis les duettistes mettent en évidence leurs indéniables qualités de voix : Chants, imitations… C’est bien fait sans être parfait, mais ils ne le proposaient pas, et qui plus est, touchant dans la partie Étoiles et toiles – l’émission culte de Frédéric Mitterrand pour les amateurs de cinéma – de leur spectacle. La malle à souvenirs et son contenu d’hommage aux grands du Grand Écran est un joli moment partagé par tous.

Le spectacle se termine par la chanson de Louis Prima I Wan’na Be Like You, le merveilleux passage du King Louis dans le Livre de la Jungle de Disney. Musique entraînante, le public chante…

Les duettistes auraient dû en rester là. Il faut savoir terminer un spectacle. C’est du moins ce que s’est sûrement dit une bonne moitié de la salle. L’autre était ravie. La popularité étant une chance ou un risque.

Jacques Sallin

Infos pratiques : Classe ! de Cécile Giroud et Yann Stotz au théâtre le 12-18 du 15 au 19 décembre 2021.

Mise en scène : Cécile Giroud et Yann Stotz

Avec Cécile Giroud et Yann Stotz

Photos : © Glenn Michel

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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