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Un combat pour la liberté

« C’est difficile de grandir. De quitter la forêt miraculeuse de l’enfance pour s’enfoncer dans le pèlerinage de l’existence. À treize ans, on trouve ça presque impossible. Sur mon vélo, je retrouve quelque chose de cette enfance que je quitte à regret, l’insouciance, et plus loin l’audace, cette irrévérence des enfants face aux averses, à l’intensité de leurs tourments. » (p.74)

Les Battantes, c’est l’histoire d’une Italie brute et primitive ; l’histoire d’un village, Rocca Patrizia, où tout oppose les vacanciers romains aux rustres autochtones. Victoire est une jeune Française qui vit une passion aussi débordante qu’impossible avec Emilio Mannari, un homme originaire de Rocca qui finira par se marier avec Rosina, membre de la respectable famille romaine Coronesi. Victoire devient l’institutrice de Rocca Patrizia et s’engage à sauver les villageois du fléau de l’étroitesse d’esprit et de l’ignorance. Plus de trente ans plus tard, sa voix s’entremêle avec celle de la petite Lala, membre de la famille Coronesi, qui se sent à l’étroit dans la cage des apparences, des non-dits et des règles de bienséance imposées par le clan. Cette superposition de narrations autodiégétiques se déploie alors dans une série de récits enchâssés qui, au fil du texte, dévoilent les dynamiques complexes définissant les rapports entre les nombreux personnages. C’est dans ce contexte que, page après page, l’auteure nous révèle l’histoire de ces deux femmes qui, sortant des sentiers battus par les traditions, vont se battre pour leur liberté de vivre et d’aimer.

Née à Rome en 1965, Simona Brunel-Ferrarelli arrive à Genève à l’âge de neuf ans ; par la suite, elle s’y formera en Lettres et y enseignera la littérature française dans des établissements privés. C’est aussi dans la cité de Calvin qu’à la mort de sa mère, elle signera Battantes, son premier roman, publié par les Éditions Encre Fraîche, qui lui vaudra le Prix littéraire 2018 des écrivains genevois décerné par la ville de Genève. Usant à la fois d’un ton elliptique et d’un style asyndétique, l’auteure nous coupe le souffle en nous emportant dans le tourbillon des émotions de l’adolescence et des passions adultes. Brunel-Ferrarelli nous plonge dans les histoires des habitants de Rocca Patrizia, des hommes et des femmes entravés dans les mailles du lourd filet des traditions pesant sur l’Italie rurale du siècle dernier. Si, au début du récit, le lecteur est appelé à fournir un certain effort pour identifier les voix qui se bousculent ainsi que les nombreuses analepses qui viennent bousculer la temporalité du roman, la lecture devient au fil du temps de plus en plus fluide et prenante. L’auteure réussit ainsi parfaitement à créer des personnages passionnés, dont l’intériorité s’avère toujours surprenante et dont l’enrichissante histoire entraîne le lecteur dans une intrigue dont il ne sort pas indemne.

Valentina Poduti

Références : Simona Brunel-Ferrarelli, Les Battantes, Genève, Éditions Encre Fraîche, 2019, 163 p.

Photo : © Ri_Ya

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