Les réverbères : arts vivants

Théâtre dans la rue, théâtre de rue

Le dix-huitième siècle s’impose à Coppet – Casanova – par les compagnies amateures : Château en scène, Le Carrousel, La Compagnie Molière Grimpant et Les Folies Vénitiennes – dans les rues de Coppet jusqu’au 22 septembre 2023.

Le bourg de Coppet illustre le dix-huitième siècle à merveille tant par son château que par ses propriétaires : Jacques Necker et sa fille Mme de Staël – tous deux bottés hors de France par deux régimes opposés – que par ses arcades et ses rues. On y passe souvent, il est bon de s’y arrêter. Le prétexte pourrait en être : Sur les pas de Casanova. C’est le propos d’un très joli spectacle en plein air qui arpente le bourg de Coppet pour se terminer sur la rive du Léman. Un objet théâtral original et généreux.

Casanova possède deux talents. L’art de vivre heureux conjugué avec celui d’être un trousseur de jupons consommé. Ici, le Vénitien s’amourache d’une aventurière – Henriette, déguisée en homme et, ô surprise, en tombe amoureux. Et comme les histoires d’amour finissent mal en général, le voici étonnamment malheureux. « Rien n’est plus amer que la séparation lorsque l’amour n’a pas diminué de force. » C’est ce qu’écrit le héros dans Histoire de ma vie ; c’est l’essentiel du propos du spectacle.

Le public est attendu en haut de la cité, accueilli par deux « Madame Loyale » qui l’invitent à déambuler entre les façades. Un prologue noyé dans les murs des maisons où, à chaque station, le héros est évoqué afin de recaler les mémoires de chacun à propos de Casanova, du siècle qui fut le sien et la fin de l’époque baroque où il a vécu. C’est intelligemment fait avec ça et là, un accent genevois bien marqué par les artistes du Bourg. À noter, de très beaux tableaux vivants, silencieux et graves, illustrant les toiles du Caravage, dans le clair-obscur du Temple.

Puis, le public est invité à rejoindre le port de Coppet à deux pas de là. Une pause où entre deux verres de vin et une collation, la Commedia dell’arte s’invite autour des tables. L’idée était bonne, mais la mise en scène ne possède pas assez de hardiesse, ce qui est l’essence même de ce type de théâtre. Les comédiens non sonorisé manquaient de puissance vocale et d’à-propos afin de détourner les conversations. Leurs prestations tenant dès lors plus du décor vivant que de virevoltantes bouffonneries baroques.

Le spectacle Casanova se présente dos à la rive, dos au port, ce qui offre au public une splendide toile de fond en décor naturel, baignée par les derniers rayons du soleil. Sur la scène, un magnifique « géant de rue », une marionnette de grande taille réalisée par Christophe Kiss, qui représente le héros vieillissant en narrateur de l’histoire de sa vie. L’objet animé est de toute beauté avec des gestes tout en élégance. Cependant, sa voix enregistrée prive le personnage de la spontanéité que peut offrir un comédien sur scène.

Quoi qu’il en soit, l’ensemble de la scénographie de Michela Boscardin et Lucien Jaquier est intelligente, privilégiant la rapidité des changements de tableaux par des objets réassemblables qui proposent des univers symbolisés. Changement à vue parfaitement intégré dans une mise en scène de Delphine Barut éclatante.

Ce spectacle est plein d’idées, de trouvailles, de ruptures tant dans les jeux de scènes que dans le texte. C’est vif et enlevé. À remarquer le tableau de la mère de Casanova, en magnifique reine de la nuit jolis costumes de l’ensemble du spectacle d’Ayelen Gabin un banquet où l’huître est mangée dans toute sa symbolique et l’habillage d’Henriette tel un strip-tease à l’envers réalisé par des caméristes affairées, puis s’ensuit le bruissement des buissons, dû au repeuplement du monde.

On peut y ajouter un charmant Carnaval de Venise auquel il aurait été plaisant d’accorder plus de mouvements scéniques. À ceci se rajoute le « chœur des veuves », composé de dames d’un certain âge, délaissées en leur temps par le licencieux vénitien, qui évoquent leurs amours passées avec des souvenirs teintés de gourmandise ou de colères sourdes. Ah… les amours d’antan !

À noter aussi non seulement l’excellente utilisation de la scène, mais aussi du décor naturel du petit parc adjacent et des gradins. Ce choix ajoute de la profondeur et des variations de mouvements variés et plaisants qui accompagnent cette histoire noyée dans l’Europe libertine du XVIIIème.

C’est une très belle scénographie et une mise en scène pétillante, toutes deux généreuses d’idées qui soutiennent des comédiens en nombre et des bénévoles qui le sont tout autant. Ils possèdent tous sans aucun doute la forte la volonté et la générosité d’offrir un très beau spectacle dans le cadre du bourg de Coppet. Une soirée pleinement réussie.

Jacques Sallin

Infos pratiques : Casanova, du 31 août au 22 septembre 2023, à Coppet.

Avec les troupes amateures Château en scène, Le Carrousel, La Compagnie Molière Grimpant et Les Folies Vénitiennes

Mise en scène :  Dephine Barut, avec la complicité de Gérard Demierre

Le dix-huitième siècle s’impose à Coppet – Casanova – par les compagnies amateures : Château en scène, Le Carrousel, La Compagnie Molière Grimpant et Les Folies Vénitiennes – dans les rues de Coppet jusqu’au 22 septembre 2023.

Le bourg de Coppet illustre le dix-huitième siècle à merveille tant par son château que par ses propriétaires : Jacques Necker et sa fille Mme de Staël – tous deux bottés hors de France par deux régimes opposés – que par ses arcades et ses rues. On y passe souvent, il est bon de s’y arrêter. Le prétexte pourrait en être : Sur les pas de Casanova. C’est le propos d’un très joli spectacle en plein air qui arpente le bourg de Coppet pour se terminer sur la rive du Léman. Un objet théâtral original et généreux.

Casanova possède deux talents. L’art de vivre heureux conjugué avec celui d’être un trousseur de jupons consommé. Ici, le Vénitien s’amourache d’une aventurière – Henriette, déguisée en homme et, ô surprise, en tombe amoureux. Et comme les histoires d’amour finissent mal en général, le voici étonnamment malheureux. « Rien n’est plus amer que la séparation lorsque l’amour n’a pas diminué de force. » C’est ce qu’écrit le héros dans Histoire de ma vie ; c’est l’essentiel du propos du spectacle.

Le public est attendu en haut de la cité, accueilli par deux « Madame Loyale » qui l’invitent à déambuler entre les façades. Un prologue noyé dans les murs des maisons où, à chaque station, le héros est évoqué afin de recaler les mémoires de chacun à propos de Casanova, du siècle qui fut le sien et la fin de l’époque baroque où il a vécu. C’est intelligemment fait avec ça et là, un accent genevois bien marqué par les artistes du Bourg. À noter, de très beaux tableaux vivants, silencieux et graves, illustrant les toiles du Caravage, dans le clair-obscur du Temple.

Puis, le public est invité à rejoindre le port de Coppet à deux pas de là. Une pause où entre deux verres de vin et une collation, la Commedia dell’arte s’invite autour des tables. L’idée était bonne, mais la mise en scène ne possède pas assez de hardiesse, ce qui est l’essence même de ce type de théâtre. Les comédiens non sonorisé manquaient de puissance vocale et d’à-propos afin de détourner les conversations. Leurs prestations tenant dès lors plus du décor vivant que de virevoltantes bouffonneries baroques.

Le spectacle Casanova se présente dos à la rive, dos au port, ce qui offre au public une splendide toile de fond en décor naturel, baignée par les derniers rayons du soleil. Sur la scène, un magnifique « géant de rue », une marionnette de grande taille réalisée par Christophe Kiss, qui représente le héros vieillissant en narrateur de l’histoire de sa vie. L’objet animé est de toute beauté avec des gestes tout en élégance. Cependant, sa voix enregistrée prive le personnage de la spontanéité que peut offrir un comédien sur scène.

Quoi qu’il en soit, l’ensemble de la scénographie de Michela Boscardin et Lucien Jaquier est intelligente, privilégiant la rapidité des changements de tableaux par des objets réassemblables qui proposent des univers symbolisés. Changement à vue parfaitement intégré dans une mise en scène de Delphine Barut éclatante.

Ce spectacle est plein d’idées, de trouvailles, de ruptures tant dans les jeux de scènes que dans le texte. C’est vif et enlevé. À remarquer le tableau de la mère de Casanova, en magnifique reine de la nuit jolis costumes de l’ensemble du spectacle d’Ayelen Gabin un banquet où l’huître est mangée dans toute sa symbolique et l’habillage d’Henriette tel un strip-tease à l’envers réalisé par des caméristes affairées, puis s’ensuit le bruissement des buissons, dû au repeuplement du monde.

On peut y ajouter un charmant Carnaval de Venise auquel il aurait été plaisant d’accorder plus de mouvements scéniques. À ceci se rajoute le « chœur des veuves », composé de dames d’un certain âge, délaissées en leur temps par le licencieux vénitien, qui évoquent leurs amours passées avec des souvenirs teintés de gourmandise ou de colères sourdes. Ah… les amours d’antan !

À noter aussi non seulement l’excellente utilisation de la scène, mais aussi du décor naturel du petit parc adjacent et des gradins. Ce choix ajoute de la profondeur et des variations de mouvements variés et plaisants qui accompagnent cette histoire noyée dans l’Europe libertine du XVIIIème.

C’est une très belle scénographie et une mise en scène pétillante, toutes deux généreuses d’idées qui soutiennent des comédiens en nombre et des bénévoles qui le sont tout autant. Ils possèdent tous sans aucun doute la forte la volonté et la générosité d’offrir un très beau spectacle dans le cadre du bourg de Coppet. Une soirée pleinement réussie.

Jacques Sallin

Infos pratiques : Casanova, du 31 août au 22 septembre 2023, à Coppet.

Mise en scène :  Dephine Barut, avec la complicité de Gérard Demierre

Avec les troupes amateures Château en scène, Le Carrousel, La Compagnie Molière Grimpant et Les Folies Vénitiennes

Casanova – La nouvelle pièce de Château en scène

Photos : © Château en scène

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

Une réflexion sur “Théâtre dans la rue, théâtre de rue

  • Mireille Panicali-Sutter

    Cher Jacques, j’ai eu du plaisir à te retrouver dans ton article ce matin! J’incarne la grand-mère de Giacomo au début du spectacle ( que je suis aussi par les années) – le théâtre + le violoncelle font partie de ma vie à Coppet.
    Merci pour ces lignes et fais- moi savoir quelles sont tes activités!
    Mireille Panicali-Sutter

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