This cool cool wind makes me feel so happy, là où le silence n’effraie pas.
Au Théâtre Saint-Gervais du 1er au 4 décembre, la compagnie I finally found a place to call home proposait un spectacle au goût d’USA déchanté, joué, écrit et mis en scène par les deux comédiennes Julie Bugnard et Isumi Grichting.
Segment de vie
Plongés dans un appartement, canette de bière, brique de thé froid bas de gamme, cafetière américaine et planche à repasser pour porte manteau, les éléments scénographiques donnent le ton de la misère de ces deux personnages un peu ratés, un peu minables, mais surtout tellement humains.
Il ne se passe pas de grandes choses, il ne s’échange pas de grands mots et pourtant, une histoire se raconte.
Nous sommes les témoins d’un fragment de vie de S. et T. qui attendent le départ pour le tribunal et qui, le temps de cette attente, vivent sans ornements, sans fioritures, dans une temporalité brute et non traitée.
Dramaturgie linéaire
Ce spectacle propose une dramaturgie linéaire, où chaque élément théâtral est mis au même niveau et où il n’est pas question de recourir à des procédés classiques d’écriture dramatique. En effet, il n’y a ni exposition, ni quiproquo, ni nœud d’action, ni dénouement. Et tant mieux !
Il y a un flash sur des vies. Oui, c’est cela.
Mais est-ce pour autant que le rythme doit être brut/monotone également ?
Ce type de dramaturgie propose (enfin) de mettre en lumière autre chose, ces choses brutes, sales, invisibles, cassées, enfin mettre le réel de la vie en lumière dans toute sa globalité, cela sur fond de silences répétitifs mais habités, qui laissent la place à celleux qui l’écoutent attentivement, d’y mettre un morceau de leur histoire.
Précisions plurielles
Les deux interprètes mettent en jeu des mouvements physiques d’une grande précision. En effet, tout au long du spectacle, nous avons l’impression que chaque geste, chaque regard a été réfléchi, pensé. Comme si rien n’était laissé au hasard.
Nous assistons à des zooms, des sortes de concentrations sur du particulier.
Ce qui donne, non seulement la possibilité d’observer autre chose que les actrices, mais également une composition de personnage très intéressante à observer.
Un élément de composition intriguant est le traitement vocal. Débit lent, projection forte en sont les moteurs principaux.
Pourtant, c’est précisément cette application qui me questionne.
En effet, paradoxalement à la liberté prise dans les choix de mise en scène et dramaturgique, j’ai un goût d’enfermement dont je n’arrive pas à me débarrasser. C’est comme si, de ces deux personnages attachants, je ne pouvais que me distancer émotionnellement.
Est-ce justement, parce que le parti pris d’interprétation est tellement brut et appliqué qu’il nous éloigne quelque part de notre humanité ?
Influence lo-fi
Inspirée du mouvement lo-fi, (expression venue des Etats-Unis désignant la manière de produire sa musique, généralement autoproduite, en opposition aux grosses productions) ce spectacle est un magnifique éloge au faire soi-même, à l’artisanal, tout cela ancré dans un geste artistique volontaire.
Si la proposition est radicale et peut-être pas au goût de tou-te-s, l’on peut sentir un réel engagement, des idées, des valeurs qui ne peuvent que vous parvenir et vous donner un élan pour l’avenir.
I finally found a place to call home est ce duo généreux, intelligent et subtil, qui nous dédie un théâtre humain, accessible, tendre mais pas sage !
Eva Carla Francesca Gattobigio
Infos pratiques :
This cool cool wind makes me feel so good, de la Cie I finally found a place to call home, du 1er au 4 décembre 2022 au Théâtre Saint-Gervais
Mise en scène : Julie Bugnard et Isumi Grichting
Avec Julie Bugnard et Isumi Grichting
Photos : © Julien Gremaud