Un chansonnier bien rôdé

Une soirée prévue où l’imprévu est invité – Et c’est tellement vrai, de et par Olivier Lejeune au Théâtre du P’tit Music’Hohl , c’était jusqu’au 2 mars 2023.

L’homme possède un sourire qui fusionne avec son talent et mieux que sur les affiches ce sourire, il l’offre en dessous de ses lunettes rondes d’un bout à l’autre de son spectacle à son public : et c’est sincère. C’est donc avec bonhomie qu’Olivier Lejeune dans la continuité des chansonniers entre en scène et lance son spectacle avec vivacité.

Sous les rideaux rouges d’une scène devenue cabaret, les thèmes inépuisables et épuisants à la longue sont passés à la planche à repasser, tentant de donner un peu de neuf à des sujets plissés et chiffonnés depuis belle lurette. Les politiques pourris, le Président et sa femme, cette dernière maladroitement moquée, la Suisse « propre en ordre », les banques et l’exportation de la problématique française du jour, soit le projet du travail jusqu’à 65 ans. Un sujet vu depuis ce côté du lac qui a fait depuis longtemps largement sourire le public bien avant de le faire rire.

Le talent d’Olivier Lejeune réside essentiellement plus dans sa plume que dans les sujets traités au soir de cette représentation. Ah, quel bel esprit, que de jeux de mots, de saillies drolatiques. Et l’homme possède à son propos, ce recul qui permet de faire passer quelques traits un peu boiteux. . « Faut les trouver ces conneries. »  dit-il à propos de quelques vieilles reprises de cour d’école où des potaches sont persuadés qu’orbite et Uranus sont des gros mots. Le plaisir du texte sur un pâle fonds de commerce.

On le voit à sa présence sur scène Olivier Lejeune est avant tout un comédien. Formé par Jean-Laurent Cochet, homme rare et grand transmetteur de l’art théâtral, il garde une présence forte et chaleureuse, un don de lui-même rafraîchissant et encore une fois sincère. Et ce double don de soi et d’écriture, il le partage depuis longtemps avec ses collègues humoristes à tel point qu’on le surnomme le « Didier Barbelivien » du sketch.

Comme une respiration, la seconde partie du spectacle dans une salle éclairée, en interaction avec le public et pour sa très grande joie, Olivier Lejeune développe un numéro mnémonique, un exercice de mémoire spontanée où il excelle. Le propos : retenir quarante mots proposés par la salle, puis les réciter in petto dans l’ordre et ordre inverse. Avec deux erreurs – il s’en excuse, cela reste une prouesse.

Toujours étonné de la quantité de texte qu’un.e comédien.ne peut retenir, ce qui est la base de leur métier, le public est épaté. Ce qui est impressionnant, c’est que cet exercice, Olivier Lejeune peut le décliner sur deux cents mots ; ce qui est admirable et plus encore, cet homme est capable de reprendre un rôle au pied levé en jouant dès le lendemain les mille cent lignes du rôle ainsi sauvé par un grand professionnel. Chapeau bas ! S’en suit une jolie conclusion du numéro avec un annuaire téléphonique, un objet que les moins de trente ans…

À tout ceci, il faut ajouter lors de cette soirée un moment charmant, généreux et imprévu. Olivier Lejeune invite sur scène un jeune magicien de neuf ans et prometteur à exécuter un tour de carte assez complexe. L’intimité de la petite salle le permettait, le comédien l’a permis.

Un comédien c’est d’abord une personnalité. Celle d’Olivier Lejeune est souriante et généreuse et si à cela on ajoute son talent d’écriture, cela fait trois bonnes raisons de continuer à le suivre.

Jacques Sallin

Infos pratiques : Et c’est tellement vrai d’Olivier Lejeune au Théâtre Le P’tit Music’Hohl, les 1^er et 2 mars 2023

Photos : © Japa Widler